Dynamique temporelle des attentes des auditeurs

Modulation des attentes tonales par la position temporelle ?

Afin de tester l’influence de la position finale des accords cibles sur les effets d’amorçage, Tillmann et Marmel (soumis) proposent une adaptation du paradigme d’amorçage où la cible n’est pas le dernier événement des séquences. Dans cette étude, des séquences de 8 accords adaptés de Bigand et Pineau (1997) ont été présentées en synchronie avec des indices visuels : chaque accord était présenté en même temps qu’un rond blanc, sauf l’accord cible qui était signalé par un point d’interrogation. L’utilisation des indices visuels permettait ainsi d’attribuer le statut de « cible » à n’importe quel accord des séquences. Les accords cibles utilisés dans cette étude étaient des accords de tonique (1er degré) ou de dominante (5ème degré), et ils étaient placés en position 2 à 6 de la séquence. Les participants effectuaient une tâche de jugement de consonance/dissonance sur l’accord cible. Un effet d’amorçage a été observé, avec les accords de tonique facilités par rapport aux accords de dominante, et la position de la cible n’influençait pas cet effet d’amorçage. Les effets d’amorçage harmonique rapportés précédemment (Bigand & Pineau, 1997 ; Bigand et al., 2001, 2003 ; Tillmann et al., 2000, 2003, 2008) n’étaient donc pas dus au fait que la tonique ait été placée en dernière position.

Cette étude a montré que les effets d’amorçage pour la tonique ne sont pas dus à la position finale utilisée classiquement, mais elle ne signifie pas que la position temporelle n’influence pas les attentes tonales. Notamment, le statut spécial de la tonique pourrait renforcer les effets d’amorçage lorsqu’elle est la note finale : une prochaine étape pourrait être de comparer les effets d’amorçage pour la tonique lorsqu’elle est en position finale et lorsqu’elle est dans les positions intermédiaires (position 2 à 6) utilisées dans Tillmann et Marmel (soumis).

La position métrique (i.e., temps forts ou faibles : cf. 1.2.2.2) pourrait également influencer la force des attentes tonales. Par exemple, on pourrait faire l’hypothèse que l’amorçage est le plus fort lorsque la tonique est la note finale, puis lorsqu’elle est placée sur une position métrique forte (e.g., sur un temps fort, comme la première note d’une mesure), puis lorsqu’elle est placée sur une position métrique faible. L’utilisation de séquences d’accords isochrones (comme dans l’étude de Tillmann et Marmel, soumis, qui reprend les séquences de Bigand et Pineau, 1997) limite les manipulations de position à deux niveaux métriques : le niveau des temps et le niveau des mesures. Adapter le paradigme d’amorçage harmonique de Tillmann et Marmel (soumis) à des mélodies semblables à celles de cette thèse permettrait d’introduire plus de diversité rythmique et augmenterait le nombre de niveaux métriques manipulables. Manipuler la position métrique rejoindrait une étude récente de Trost et Schön (2008) qui a étudié l’influence de la position métrique de notes sur une tâche visuelle. Les participants écoutaient des mélodies et effectuaient une tâche de discrimination entre deux symboles visuels (X et O). Le moment d’apparition des symboles était synchronisé avec certaines notes des mélodies, dont la position métrique était variée. Les temps de réponse des participants ainsi que leurs potentiels évoqués (EEG) étaient modulés par la position métrique des notes. Les auteurs ont interprété leurs résultats dans le cadre des modèles de l’attention dynamique de Jones (1987) et Large et Jones (1999) : des positions métriques fortes influenceraient la perception (ici, de manière intermodale, puisque la tâche portait sur la dimension visuelle) en jouant comme des attracteurs attentionnels (attention temporelle). Cependant, l’étude de Trost et Schön (2008) ne manipulait que la dimension temporelle ; ajouter des manipulations de la relation tonale permettrait d’étendre l’étude de l’attention à l’étude conjointe de l’attention temporelle et de l’attention tonale. Les régularités tonales et la position métrique modulent-elles l’attention avec la même force, ou bien l’une des deux dimensions capture-t-elle plus fortement l’attention que l’autre ? L’attention temporelle et l’attention tonale influencent-elles la perception de façon additive ou interactive ?