II.1.5. L'approche psycho-cognitive des représentations

Le concept de représentation occupe une place importante dans les sciences cognitives en général et en psychologie cognitive en particulier. Les auteurs dans ce domaine distinguent plusieurs formes de représentations, ce qui fait que le terme est souvent évoqué au pluriel.

Norbert SILLAMY (1989) 34 définit la psychologie cognitive comme "une discipline qui a pour objet les mécanismes de la pensée grâce auxquels s'élabore la connaissance, depuis la perception, la mémoire et l'apprentissage, jusqu'à la formation des concepts et au raisonnement (logique)".

Le concept de représentation a fait son apparition, au moment où la psychologie cognitive réagissait contre les approches exclusivement centrées sur le comportement.

L'approche cognitive se donne pour rôle l'analyse, la modélisation et la systématisation dans l'étude des représentations, concernant leur nature, leur forme, leur fonctionnement et leur processus d'évolution.

Selon J.M. HOC (1987)35, une représentation, c'est "la possibilité qu'a le système cognitif de disposer des caractéristiques d'un objet en son absence". Ensuite F.J. VARELA (1989) 36, définit la représentation comme "le critère qui permet d'évaluer la cognition". En ce sens, les représentations sont un système qui atteste des formes et modalités de connaissances, elles sont une science de la cognition, définie par CODOL (1989) 37 comme "l'ensemble des activités par lesquelles les informations sont traitées par un appareil psychique : comment il les reçoit, comment il les transforme et les organise, comment il construit ainsi des représentations de la réalité et élabore des connaissances".

Jean-François RICHARD (1990) 38 à son tour distingue trois formes de représentations qui correspondent aux trois types majeurs d'appréhension de la réalité :

Dans la perspective psychologique, la représentation cognitive correspond à "l'ensemble des acquisitions d'un individu au plan des structures mentales. Ce sont des acquisitions stockées en mémoire appelées connaissances" 39.

Les travaux de Jean-François LENY (1985) consacrés à l'étude des représentations cognitives, en majorité pendant les années 1980, constituent à la fois la base théorique et le point de départ méthodologique de notre travail, au même titre que l'approche psychosociale de S. MOSCOVICI.

Ainsi, selon LENY par "représentation" on entendra dès lors "un fragment d'information structurée, stockée, existant en principe dans la mémoire d'un sujet ; les percepts, les significations des mots, les notions ou concepts, les connaissances, sont des classes de représentations" 40.

ll s'agit ici comme l'entend LE NY, de représentations cognitives ou mentales, c'est-à-dire "dans la tête" d'un sujet et non de représentations au sens dans lequel l'entendent linguistes, logiciens, mathématiciens ou informaticiens (représentations "sur papier" ou "en machine").

L'acceptation de la notion de représentation cognitive ne suscite pas ici le rejet de l'approche psychanalytique ou subjective au profit d'une démarche exclusivement scientifique, car nous aurons recours, en plus du questionnaire, aux techniques d'entretien et d'observation psychologique pour étudier les représentations des situations de handicap en milieu congolais.

Eu égard aux points de vue des auteurs que nous venons d'analyser à partir de l'approche cognitive, il convient de noter la distinction des représentations en deux types :

Les psychologues cognitivistes semblent unanimes sur cette distinction, même si les termes utilisés pour l'exprimer ne sont pas dans tous les cas les mêmes.

J.F. RICHARD (1990) 41 soutient que du point de vue du fonctionnement cognitif, la différence entre connaissance (ou représentation au premier sens) et représentation au second sens est que les premières ont besoin d'être activées pour être efficientes, alors que les secondes le sont immédiatement. Cela tient à ce que les représentations propres à une situation et une tâche constituent le contenu de la mémoire opérationnelle, à savoir les informations stockées en mémoire de travail et les informations actives de la mémoire à long terme.

Il convient d'ores et déjà de noter que les représentations des situations de handicap auxquelles nous nous intéressons font partie des représentations-types (en mémoire à long terme) et non des représentations occurrentes (momentanées).

Dans l'approche psycho-cognitive de la représentation, l'accent est mis sur la construction mentale que produit l'individu lors de son interaction avec les objets de l'environnement. Cette construction est modulée par les informations reçues, les connaissances, l'expérience, la pratique et joue un rôle de régulation des conduites. Une représentation nécessite donc une activité mentale : celle d'une construction ou une reconstruction qui fait le lien entre l'environnement et les structures psychiques.

Pour nous résumer :

Le "handicap" qui est à la fois un concept et un phénomène individuel et social peut générer des représentations cognitives, sociales, conscientes ou inconscientes ; que l'on peut aborder à travers le langage, les conduites, les croyances, les attitudes, selon les différentes approches que nous venons de décrire.

Notes
34.

N. SILLAMY (1989), Dictionnaire de la Psychologie, Librairie Larousse.

35.

HOC J.M., Psychologie Cognitive de la Planification, Presses Universitaires de Grenoble, 1987, p. 29.

36.

VARELA F.J., Connaître les Sciences Cognitives : tendances et perspectives, Paris, 1989, Edition du Seuil, p. 90

37.

CODOL (1989), in FISCHER G.N., Le Champ Social, Borda, Paris, 1990, p. 59.

38.

RICHARD J.F., Traité de Psychologie Cognitive n° 2, Dunod, Paris, 1990, p. 37.

39.

LENY J.F., Les Représentations, In Pyschologie Française, n° 34, 1985, Paris.

40.

LENY J.F., Science Cognitive et Compréhension du Langage, PUF, Paris, 1989, p. 165.

41.

RICHARD J.F., Traité de Psychologie Cognitive n° 2, Paris, Dunod, 1990, p. 36.