La publication de la CIH a été largement appréciée par les spécialistes du handicap et les associations pour handicapés, tout en soulignant ses avantages et ses points faibles.
Le caractère international de la CIH n'est qu'un principe général. Cette classification est d'abord une "affaire" des pays occidentaux, même si elle a été publiée sous le contrôle de l'OMS, organisme spécialisé des Nations Unies en matière de santé. Les Centres collaborateurs de l'OMS pour la classification internationale des handicaps (comme le CTNERHI en France), sont occidentaux, principalement situés dans les pays développés (la France, le Canada, les Pays-Bas et la Suède) dans un premier temps. La classification une fois adoptée, l'essentiel du travail fut effectué par ces équipes, auxquelles se joignirent sporadiquement des Allemands, des Italiens et des Espagnols. Les mêmes équipes alimentèrent alors les activités du comité d'experts sur l'utilisation de la classification, réuni au sein du Conseil de l'Europe.
Ainsi les normes et les références socioculturelles qui ont servi à la rédaction de cette classification internationale des handicaps sont celles de la société occidentale, à laquelle appartiennent les spécialistes et les collaborateurs, qui l'ont élaborée et publiée. Les pays du Tiers-Monde d'Amérique du sud, d'Asie, de l'Océan indien et d'Afrique, comme le Congo Brazzaville ont été laissés pour compte. Par exemple, la description des incapacités, et dans une moindre mesure, celle des déficiences sont révélatrices des modes de fonctionnement des pays aux économies développées.
En Occident même, la CIH fut l'objet de vives critiques portant sur des détails techniques de fond et de forme.
‘D'après Claude HAMONET : "Les définitions proposées ne sont pas suffisamment précises et introduisent des confusions qui se traduisent par un certain nombre d'incohérences dans la classification internationale des handicaps où tous les items sont, en quelque sorte, "décalés" vers le niveau "sus-jacent"54.’Ce qui fait que des incapacités telles que le langage et la parole sont classées parmi les déficiences et que des situations de handicap telles que les actes d'hygiène et de la vie courante se retrouvent parmi les incapacités, le niveau handicap étant de ce fait peu développé.
Le contenu même de la classification et sa formulation sont, bien souvent, déroutants et rendent l'usage difficile.
Une autre critique essentielle reproche à la classification une description mal adaptée du handicap, se reposant sur une analyse erronée du processus de création du handicap. Malgré les démentis et les réserves formulées par les auteurs dans l'introduction du texte, bien des critiques portent sur le caractère qualifié de "médical" de la classification. Le schéma linéaire, situant la maladie en amont, assorti de flèches allant de la maladie vers la déficience, de la déficience vers l'incapacité, de l'incapacité vers le handicap, voire allant directement de la déficience vers le handicap, laisse penser que la maladie est seule responsable du handicap et que rien ne peut briser le schéma causal.
Selon Pascale ROUSSEL 55 deux éléments majeurs confortent cette interprétation :
Cet auteur relève que le nombre de pages consacrées aux déficiences et le luxe de détails que comporte la description de certaines déficiences apparaissent non seulement comme le révélateur de la formation initiale du rédacteur de la classification, mais aussi comme le signe de l'intérêt porté à la dimension la plus médicale du handicap. Par contre, le désavantage social, pourtant annoncé par le rédacteur lui-même comme l'apport le plus novateur de la classification ne bénéficie que d'un nombre de pages cinq fois plus faible et ne permet aucunement de préciser la nature du désavantage rencontré.
La classification proposée par l'OMS comporte trois dimensions constitutives du handicap, mais toutes trois sont directement reliées à la personne, que ce soit au niveau de son corps et de son esprit, au niveau de sa personne ou au niveau de son insertion sociale. Aucune dimension n'est descriptive de la société elle-même ou de l'environnement naturel. Ainsi, en dépit du fait que l'introduction mentionne que des incapacités similaires peuvent produire des désavantages différents selon l'environnement et les normes sociales auxquelles la personne est confrontée, aucun élément de la classification ne permet d'établir la part de la responsabilité de la société dans la création du handicap. La définition du désavantage souligne que les attentes varient selon l'âge, le sexe ou les facteurs socioculturels ; sans remettre en cause ni la valeur de ces attentes, ni le fait que la société dresse souvent des obstacles à la réalisation des rôles sociaux. La déficience et l'incapacité, seules, sont citées comme obstacles potentiels à la réalisation des rôles et par conséquent, facteurs de désavantage.
‘"Cette lecture du modèle sous-jacent de la classification considéré comme trop proche des modèles d'analyse du monde médical implique une critique de l'usage d'une terminologie négative, ne mentionnant que ce qui manque à la personne handicapée. Utiliser des termes faisant exclusivement état des "défauts" de la personne (la déficience, l'incapacité, le désavantage plutôt que l'efficience, la capacité, l'habitude de vie ou la participation) constitue une attitude à la fois choquante du point de vue du respect auquel tout individu a droit, et inefficace du point de vue des progrès que la société doit accomplir en direction de l'intégration de chacun de ses membres" 56.’A ces critiques de fond sur la classification se sont ajoutées un certain nombre de critiques de forme dont les plus fréquentes sont :
A la fin des années 90, la plupart de ces critiques ont été prises en compte, vu qu'elles ont permis, entre autres, d'alimenter les débats sur la révision de la CIH élaborée en 1980.
Ainsi, en 2001, une nouvelle classification a été adoptée, la C.I.F. : Classification Internationale des Fonctionnements, afin de corriger les insuffisances et les dérives de la première.
HAMONET C., Les personnes handicapées, PUF, Paris, 1996, p. 34.
ROUSSEL (P.) : CIH1/CIH2 : Rénovation complète ou ravalement de surface ? in Revue Handicap n° 81, CTNERHI ; Paris ; Janvier-Mars 1999 ; p. 12.
ROUSSEL (P.) : CIH1/CIH2 : Rénovation complète ou ravalement de surface ? in Revue Handicap n° 81, CTNERHI ; Paris ; Janvier-Mars 1999 ; p. 13.