III.2.2. La personne handicapée au travers des institutions congolaises

Les acteurs en charge du secteur du handicap et les personnes handicapées elles-mêmes ont souvent dénoncé le peu d'intérêt des institutions congolaises vis-à-vis des personnes en situations de handicaps, et le manque d'une politique socio-économique en leur faveur, en dépit de la loi du 22 avril 1992 portant statut, protection et promotion des personnes handicapées.

De leur côté, les pouvoirs publics congolais déclarent ne ménager aucun effort pour le respect des droits de l'homme et des minorités en établissant une égalité de chances entre les couches sociales. L'article 30 de la Constitution du 20 janvier 2002 stipule que les personnes handicapées ont "droit à des mesures de protection en rapport avec leurs besoins physiques, moraux ou autres, en vue de leur épanouissement". Les questions liées au handicap au Congo dépendent du ministère des Affaires Sociales qui a le devoir de développer des projets et des programmes en faveur des handicapés sur toute l'étendue du territoire, notamment pour scolariser les enfants en situations de handicaps.

Au Congo, la fréquentation scolaire est obligatoire de 6 à 14 ans, car selon la loi n° 008 du 06 septembre 1990 portant réorganisation du système éducatif congolais : "l'État garantit à chaque enfant une scolarité obligatoire. Cette mesure s'étend aux personnes handicapées (mentaux, sensoriels, moteurs et inadaptés sociaux)". Cette disposition légale n'est pas respectée partout dans le pays, car selon l'Union Nationale des Handicapés du Congo, à peine 19 % des personnes handicapées sont scolarisées, dont 2,9 % dans les trois Institutions spécialisées concentrées à Brazzaville la capitale.

Ces Établissements dont les effectifs des élèves varient de façon décroissante suivant l'augmentation du niveau scolaire sont :

  • L'Institut Psychopédagogique de Brazzaville qui reçoit des enfants ayant des anomalies mentales ;
  • L'Institut des Jeunes Sourds de Brazzaville (IJSB) créé par les religieux et accueillant les Sourds-muets, qui a appartenu à l'État jusqu'en 1992, ensuite a été rétrocédé à l'Église Catholique par l'État après la Conférence Nationale ;
  • L'Institut des Aveugles du Congo (IAC) situé dans la banlieue sud de Brazzaville : est un établissement que l'État congolais gère en partenariat avec l'Armée du Salut.

A ces Institutions, on peut ajouter le Centre de Réadaptation Professionnel des personnes handicapées qui est une antenne de l'Institut Africain de Réadaptation, dont on déplore l'insuffisance de formation et l'absence d'un statut clair du personnel.

Quelques mesures et actions positives visant la protection, la promotion et l'épanouissement des personnes handicapées à divers niveaux, sont l'oeuvre de l'engagement de l'État, des pouvoirs publics et surtout des associations en faveur des handicapés :

  • La signature et l'approbation par le Congo, de l'accord portant création de l'Institut Africain de Réadaptation (IAR) du 8 avril 1985 à Addis Abéba, ainsi que l'obtention le 18 septembre 1986 de l'implantation du siège et d'une antenne au Congo ;
  • La création de l'Union Nationale des Handicapés du Congo (UNHACO) en 1987, bénéficiant des subventions financières de l'État, qui lui a affecté par note de service un siège social dans un bâtiment administratif en février 1991 ;
  • La participation à raison d'une voix à l'Assemblée Nationale congolaise des personnes handicapées de 1988 à 1992 ;
  • La diffusion à la radio et à la télévision d'États des émissions des personnes handicapées (Promo-Handi) ;
  • L'Édition d'un bulletin d'information "LIAISON" spécialisée sur les questions liées au handicap ;
  • L'adoption de l'Acte 079 de la Conférence Nationale demandant la création d'un Secrétariat d'État chargé des personnes handicapées ;
  • L'Adoption à la Conférence Nationale et la promulgation par le Président de la République de la loi n° 009/92 du 22 avril 1992 portant statut, protection et promotion de la personne handicapée au Congo.

Malgré ces quelques actions positives et encourageables, la situation des personnes handicapées au Congo reste difficile à cause d'un cadre de vie très déplorable par rapport à la moyenne nationale. Il est vrai que le handicap constitue souvent une entrave grave à une vie normale. La personne handicapée du Congo, comme celle d'autres pays en voie de développement est confrontée aux épineux problèmes liés aux facteurs économiques très difficiles, mais les difficultés ont une ampleur plus déplorable chez elle, du fait des phénomènes de marginalisation et d'exclusion. Cette personne souvent abandonnée à sa famille, ou pire à elle-même, est tenue de fournir un effort nécessaire pour surmonter son handicap sans aide particulière, dans les mêmes conditions que certaines personnes dites "valides" et dans la limite des ses capacités, afin d'apporter tant soit peu des solutions à ses problèmes quotidiens. Dans un rapport publié par l'UNHACO 75 à Brazzaville en 1998, cette grande association de personnes handicapées relève et dénonce les insuffisances et les inégalités telles que :

  • Le manque des données statistiques fiables sur les personnes handicapées ;
  • L'absence des textes d'application (décrets et arrêtés) de la loi n° 009/92 du 22 avril 1992 portant statut, protection et promotion des personnes handicapées ;
  • L'absence d'une carte d'invalidité comme il en existe dans bien d'autres pays ;
  • L'insuffisance d'information et de sensibilisation sur la prévention des handicaps ;
  • Le manque du personnel et des moyens techniques pour la réadaptation ;
  • Les difficultés pour les personnes handicapées d'accéder aux espaces, aux édifices et aux transports tant publics que privés ;
  • la sous-éducation et le faible taux de scolarisation des personnes en situation de handicaps :
    • Sur 52 % des personnes handicapées motrices qui accèdent à la scolarisation primaire, 2 % seulement arrivent au niveau universitaire ;
    • 98 % des sourds et 95 % des aveugles ayant atteint l'âge scolaire ne peuvent être reçus dans les Institutions Spécialisées concentrées toutes à Brazzaville par manque des structures et la faiblesse des possibilités d'accueil (insuffisance du personnel et de locaux, manque d'internats...).
    • Aucun établissement spécialisé dans l'accueil et la formation des personnes en situation de handicaps n'existe en milieu rural.
  • L'inexistence d'une sécurité sociale, ni d'une allocation en faveur des personnes handicapées n'ayant pas un travail, tout comme l'absence d'ateliers d'apprentissage et de formation adaptés en vue d'une insertion des personnes handicapées :
    • 23 % des malentendants ont besoin des prothèses auditives ;
    • 78 % des aveugles ont besoin d'un canne blanche ;
    • 67 % des personnes handicapées motrices ont besoin d'un tricycle.
  • Le manque d'un quota de recrutement des personnes handicapées ne permet pas de palier au problème du chômage qui touche plus les personnes handicapées que les autres couches de la population. Ainsi, dans les grandes villes du Congo, les personnes handicapées se mettent à mendier sur les places publiques, plus que la moyenne nationale ;
  • La non évaluation de la décennie mondiale (1983-1992) des personnes handicapées matérialise la non application des textes existants par les décideurs et le manque de suivi des politiques et des mesures en faveur des handicapés ;
  • La non ratification par les autorités du pays des règles de l'ONU sur l'égalisation des chances des personnes handicapées ne permet pas l'élaboration et l'adoption d'un cadre juridique et politique efficace.

Notes
75.

UNHACO : Situation des personnes handicapées en République du Congo-Brazzaville ; Rapport ; Brazzaville ; Juin 1998.