II.2.4. La personne handicapée en milieu rural

II.2.4.1. Insertion socioprofessionnelle de la personne handicapée

Même s'il n'a jamais été nulle part facile d'être handicapé, la personne handicapée en milieu rural congolais est intégrée dans la société traditionnelle. Il convient de souligner que l'auteur du présent travail est lui-même né au village, y est resté jusqu'à douze ans et n'a jamais cessé d'y retourner souvent.

La personne en situation de handicaps ne vit pas dans un "monde" à part, elle appartient à un clan ou à un village au sein duquel elle participe à toutes les activités suivant ses possibilités. Les autres membres de la communauté villageoise lui sont solidaires en lui épargnant des tâches qui lui sont impossibles à réaliser.

Cette société traditionnelle ne connaît pas la notion de "travail" au sens moderne du terme, car la distinction est difficile à faire entre le travail et le non-travail. Les activités économiques des zones rurales reculées se résument presque exclusivement à l'agriculture, la pêche et la chasse. Ensuite, il n'y a pas de relation directe entre la production individuelle et la consommation individuelle, les deux étant globalement organisées au niveau du clan familial ou du village. C'est donc dans cet ensemble de production et de consommation collectives que la personne handicapée est traditionnellement intégrée. Le handicapé est déchargé des obligations de travail ou chargé simplement de petites occupations productives, sans être exclu de la consommation collective. Il existe un système de production ou un travail global, à l'intérieur duquel, il peut toujours y avoir des occupations utiles, nécessaires, réalisables par le handicapé. Il peut, par exemple, servir de témoin crédible dans certaines situations ou la parole des personnes dites "valides" ne serait prise au sérieux ; tout comme il peut garder le village, les enfants ou les animaux domestiques pendant que les autres membres du clan sont au champ, à la pêche ou à la chasse. La redistribution des revenus du travail collectif s'opère de façon solidaire par le chef de famille ou du clan, en prenant en compte tous les membres du clan, donc y compris la personne handicapée.

Ainsi, on ne trouverait nulle part dans un village, une personne handicapée en train de mendier, sinon la honte et les critiques s'abattraient directement sur sa famille et son clan ou de son village en général.

Au plan scolaire, la situation est catastrophique pour les handicapés sensoriels qui n'ont aucun accès à l'éducation moderne faute de moyens techniques et d'établissements spécialisés. Les handicapés physiques quant à eux sont confrontés au problème d'éloignement de certains établissements scolaires accueillant tous les enfants.

Avec l'évolution devenue inévitable dans les villages, les problèmes des handicapés en milieu rural sont de plus en plus proches de ceux du milieu urbain. La vie villageoise paisible est faite aussi d'un dur labeur qui nécessite un effort permanent contre : la pauvreté, la maladie, la sorcellerie, la jalousie... Les besoins nouveaux nés de l'apport des sociétés mercantiles mettent sous pression l'équilibre traditionnel. Ces pressions et tensions peuvent apparaître sous forme de conflits sociaux entraînant : la dissolution des normes de solidarité au profit d'un comportement individualiste, des exclusions, des mécanismes victimaires, l'exploitation des pauvres par les nantis ou des "faibles" par les "forts". Malgré l'intégration toute naturelle de la personne handicapée dans la société traditionnelle, sa présence dans une famille constitue toujours, même dans les circonstances où elle n'implique pas des dépenses spécifiques, une charge à supporter.