VI.2.1.1. Restrictions apportées au modèle de l'impression sémantique

Il nous faut toutefois souligner quelques restrictions qui préviennent contre un emploi trop confiant du différenciateur sémantique comme mesure de la signification.

La seconde restriction ressort d'une expérience de DICKEN (1957) 122. Celui-ci ne trouve pas l'effet de généralisation lorsque les termes critiques sont une paire de mots définie, non plus par la communauté de leurs réponses associatives libres, mais par la congruence de leurs réponses sur le différenciateur sémantique (faible score D) : ce qui semble prouver que cette dernière estimation est relativement indépendante de la première, et suggère que les réponses au différenciateur sémantique ne sont pas un échantillonnage "représentatif" de la signification connotative du mot et par suite constituent un indice peu sûr de l'impression sémantique elle-même.

Enfin nous pouvons citer les recherches de SOLLEY et MESSICK (1957) 123, qui s'attaquent au problème difficile de la relation entre impression sémantique et référence cognitive, posé mais non approfondi par OSGOOD. Ces auteurs construisent artificiellement la structure statistique de la référence cognitive d'un mot et comparent le codage de l'impression s'y rapportant selon qu'il est fait par la technique d'association libre ou par celle du différenciateur sémantique. Leurs résultats suggèrent que ce qui, de l'impression sémantique, est codé par le différenciateur sémantique d'OSGOOD n'a qu'un rapport incertain aux caractéristiques objectives du référent ou, en d'autres termes, ne se rattache qu'à une référence cognitive partielle au signifié, mais non à une référence exhaustive.

En conclusion, nous adoptons le point de vue de François JODELET (1973) 124 qui nous rappelle que l'utilisation du "différenciateur sémantique" doit être restreinte dans tous les cas par le principe énoncé au début de l'exposé : "la signification dont il s'agit, celle qu'on différencie, n'est que la signification connotative, codage de l'impression sémantique, en une liaison associative verbale. Quant à l'impression sémantique, elle est un aspect partiel ou un moment du processus de signification et consiste très précisément en l'impact, sur le système de représentations pratico-émotionnelles d'un sujet, du processus symbolique par lequel un signifiant est mis en rapport avec un signifié".

En s'appuyant sur ce qui précède, nous avons élaboré un modèle de différenciateur sémantique qui propose un choix de 5 (cinq) réponses associatives disposées sur vingt deux (22) échelles métriques et notées de (1) à (5) afin d'évaluer la représentation des sujets congolais sur le phénomène du handicap.

Notes
122.

DICKEN C.G. : Connotative meaning as a determinant of stimulus generalization, Unpubl, doctoral dissert., Univ; of Minnesota, 1957.

123.

SOLLEY C.M., MESSIK S.J. : Probability, learning, the Statistical structure of concepts and the measurement of meaning, Amer. J. Psychology, 1957, 70, pp. 161-173.

124.

JODELET F. : L'Association verbale in : Traité de Psychologie Expérimentale ; Tome VIII ; PUF ; Paris ; 1973 ; p. 127.