Chapitre 1. Généalogie du partenariat public-privé du pragmatisme anglosaxon aux débats d’idées français

Le partenariat public-privé : une innovation des modes de faire l’action publique ?

À la fin des années 1970, les villes anglo-saxonnes sont le théâtre de graves crises : crise économique importante augmentant par conséquent les taux de chômage et les besoins en aides sociales, accroissement des inégalités sociales, paupérisation des centres-villes, départ des populations aisées vers les quartiers résidentiels de banlieue. Les États-Unis et le Royaume-Uni, chacun de manière différente, vont mettre en place des dispositifs de partenariat (public private partnership), tout en restructurant leurs administrations publiques, avec une caractéristique commune : la nécessité politique d’agir (Howard, Menez, Trache, 2007). La notion de partenariat public-privé décrit toutes formes institutionnelles de coopération réunissant des collectivités publiques, semi-publiques et différents acteurs privés dans le but de planifier, aménager, programmer, mettre en œuvre ou coordonner des stratégies et projets complexes de modernisation et de développement (Heinz, 1994, p 249). Nous notons également un consensus général autour de l’émergence de tels dispositifs.

‘« - L’importance des exigences de modernisation spatiale et infrastructurelle, conséquence des profondes restructurations économiques et de manière concomitante, le renforcement et l’intensification des concurrences et compétitions entre villes et régions.
- L’accroissement de la pénurie financière des budgets publics et des trésoreries communales.
- Le déficit de compétences et de savoir-faire des administrations locales.
- L’impact des politiques fédérales de déréglementation visant à « plus de marché et moins d’État ».3

Mais les expressions concrètes du partenariat public-privé, autrement dit les pratiques relevant de ce principe, sont différentes tant la notion se réfère à une conception de ce qu’est l’État, conception qui se réfère à la culture du pays. Notamment pour la culture anglo-saxonne, distinguant radicalement les sphères publique et privée, le partenariat est perçu comme un moyen de promouvoir les valeurs entrepreneuriales du secteur privé auprès du secteur public (Nelson, 2001). Dès lors, les dispositifs mis en place à partir des années 1980 et leur multiplication dès le début des années 1990 traduisent cette acculturation progressive et renouvellent les modes d’interventions publiques sur la ville (section 1). En France en revanche, le partenariat s’inscrit dans la continuité d’une longue tradition de coopération public-privé (délégation et concession de services publics, société d’économie mixte, etc.). À la différence des pays anglo-saxons, peu de dispositifs innovants ont été mis en place, hormis les récents contrats de partenariats publics privés (ordonnance du 17 juin 2004) dont il est encore trop tôt pour mesurer les effets. Il convient alors de décoder et d’inscrire les discours et les débats sur le partenariat en lien avec ceux sur la restructuration de l’action publique (section 2).

Notes
3.

HEINZ W., 1994, « Bilan : caractéristiques principales des partenariats du développement urbain » in HEINZ W.(dir), Partenariats publics privés en aménagement urbain, éditions l’Harmattan, Paris, p 10