1.2 Les débats français : rupture ou continuité des coopérations anciennes public-privé ?

Il est difficile de discerner précisément l’acte de naissance de la notion de partenariat public-privé. Il y a néanmoins un consensus général quant à l’inspiration anglo-saxonne et à l’apparition de la traduction littérale du public private partnership au milieu des années 1980 (Ascher, 1994 ; Le Gales, 1996). Notamment, le colloque organisé par l’université de Paris-Dauphine sur la question du financement des équipements publics (Prud’homme & Terny, 1986) fait émerger cette notion, même si les intervenants rencontrent bien des difficultés à définir le « partenariat public-privé » à la Française et entretiennent une définition plus que générale : le partenariat public-privé désigne alors toute forme de collaboration entre public et privé pour la réalisation et/ou le financement d’un bien public. Les actes de ce colloque sont publiés dans un ouvrage titré Les financements des équipements publics de demain alors que l’en-tête de ces mêmes actes est intitulé « partenariat public-privé ». Cette anecdote montre bien une émergence timide de cette notion. Mais dès la fin des années 1980, le partenariat public-privé devient un leitmotiv, une notion reprise par l’ensemble des chercheurs comme des praticiens, mais une notion qui fait débat.

Certains redécouvrent alors des montages juridiques existants dans le domaine des services publics (concession, délégation, affermage), formes partenariales largement développées sous l’égide de Jean-Baptiste Colbert (Basle, 1988). Le principe d’associer les ressources publiques et privées n’est donc pas une innovation en soi, puisque depuis plusieurs siècles, la France a développé ces formes de concession pour la conception et la gestion de ses services publics (Bezançon, 1999 & 2004). Faut-il alors considérer que le partenariat serait un terme générique pour désigner toutes ces formes hybrides, s’opposant d’un côté à la régie ou la gestion intégrale par le public et de l’autre côté à la privatisation ou la gestion complète par le secteur privé ? Pour autant, ces distinctions sont issues des débats sur les formes juridiques de contractualisation entre public et privé et n’intègrent pas l’ensemble des dimensions du rapport public-privé.

L’examen de ces débats français sur la notion du partenariat public-privé et plus largement sur le rapport public-privé montre de nombreux paradoxes et ambiguïtés, entre l’émergence de nouvelles pratiques et la redécouverte de relations existantes. Par conséquent, ces discussions alimentent le flou sur ce qu’est effectivement le partenariat. Désigne-t-il l’ensemble des coopérations public-privé ? En quoi, est-il révélateur d’une nouveauté au sein du rapport public-privé ? Relève-t-il uniquement du registre du discursif ou bien répond-il à de nouvelles exigences politiques et idéologiques ? Pour certains, le partenariat serait une déclinaison du tournant néo-libéral de l’Europe, par l’introduction massive de financements privés et par l’adaptation de méthodes de management de la sphère économique dans les domaines de l'action publique. Pour d’autres, le partenariat public-privé illustre au contraire une résistance à ce même basculement idéologique en maintenant les principes d’actions du secteur public. Si ce débat n’est toujours pas tranché, son existence est une preuve d’une remise en cause des pratiques et des principes de l’action publique aujourd’hui.

Dans ce contexte, nous ne pouvons ainsi que donner des éléments de définition permettant de caractériser le partenariat public-privé et ainsi nous fournissant une grille analytique pour l’évaluation de l’évolution des rapports public- privé dans l’aménagement urbain. Le débat n’est toujours pas tranché et certains estiment que si, en France le partenariat n’est pas une véritable nouveauté, il s’accompagne néanmoins de nouvelles pratiques de coopération public-privé (Martinand, 1993 ; Novarina, 1994). Même s’il semble indispensable d’évoquer les débats au sein des juristes, nous ne pouvons nous limiter à ce seul point de vue. Les sciences de la gestion alimentent également le débat comme d’autres disciplines en particulier l’économie où le partenariat suscite des débats sur les formes de la mixité ou des questions relatives aux effets de levier (volume d’investissements publics versus volume d’investissements privés). Sans chercher à donner une définition précise du partenariat public-privé dans l’absolu, il nous a semblé alors importé d’exposer ici les différentes acceptions de la notion et de resituer cette notion dans les débats qu’elle provoque. Ceci permet alors de mieux appréhender cette notion dans le domaine de l’aménagement avec les problématiques propres de ce domaine (Cf. Chapitre 3).