Pluralité des pratiques et tentative de modélisation

Le partenariat public-privé fait ainsi référence à une pluralité de pratiques et de situations, dont les expériences de success stories sont largement reprises par les chercheurs comme par la presse spécialisée (Marcou, 2002). L’innovation contenue dans l’usage de la notion de partenariat public-privé consiste en la constitution de nouvelles formes de coopération entre public et privé, avec une intégration de l’ensemble des acteurs à la décision politique.

‘« Certains élus – de gauche ou de droite – refusent de déterminer des options pour leur ville à quinze-vingt ans, arguant non seulement que l’avenir est incertain, mais qu’il appartient aux habitants et aux acteurs qui font la ville : « Notre ville sera ce que ses citoyens et les « partenaires » privés en feront » affirment-ils. La vie démocratique et le partenariat public-privé sont ainsi convoqués pour légitimer les limites à imposer à la planification urbaine ; la puissance publique – municipale en l’occurrence – se refusant à figer des projets que les citoyens et les entreprises doivent réévaluer »12

Dans cette perspective, le partenariat public-privé et la démocratie participative indiquent au-delà d’une évolution des modes de faire, une autre représentation de ce qu’est le pouvoir politique et par conséquent l’action publique. Les chercheurs sont en fait unanimes sur la pluralité des registres recouverts par le partenariat public-privé. Cette notion se fait l’écho de nouveaux modes de faire par l’intégration de nouvelles techniques, notamment en termes de gestion de projet. Mais elle ne peut être réduite à cette seule dimension technique. C’est ainsi que plusieurs auteurs n’hésitent pas à caractériser le partenariat comme une nouvelle stratégie d’action basée sur la constitution de relations stables et durables entre différents partenaires publics et privés (Ascher, 1994 ; Decoutère 1994, Chatrie & Uhaldeborde, 1996 ; Marcou, 2002). C’est aussi dans cette perspective que s’inscrit la modélisation par Dominique Lorrain des rapports public-privé dans la gestion des services urbains.

‘« Le système français de services urbains se définit par quelques caractéristiques simples. Une architecture institutionnelle qui repose sur les communes et des partenaires privés ou mixtes, entourés par des interventions multiformes de l’État. La recherche de formules de coopération à tous les niveaux qui finissent par produire avec le temps un partenariat. L’idée acceptée par le public que la rentabilité du secteur est normale. Une grande souplesse institutionnelle qui permet une adaptation à toutes les situations locales qu’elles soient caractérisées par un héritage technique, par des situations politiques, ou des partages de responsabilité. »13

La conception du modèle français des services urbains s’appuie sur une analyse des jeux d’acteurs et non sur des mécanismes financiers, dont l’analyse des modalités de coopération entre public et privé reste à faire. Ce modèle est un modèle de fait, pragmatique, technique et politique plutôt qu’économique, il apparaît aujourd’hui aussi complexe, aux yeux même de ceux qui le mettent en œuvre, que prometteur aux yeux de la communauté internationale (Davezies, Prud’homme, 1993 : p 48). La diffusion et la promotion par de grandes instances administratives françaises de ce modèle (Martinand, 1993) participent à la construction progressive d’une certaine idée – à la Française – du partenariat, entre pragmatisme et culture renouvelée de l’action publique. Néanmoins, il faut reconnaître que la notion de partenariat public-privé est aujourd’hui mentionnée et relayée par ces mêmes instances, dans le sens de l’outil, avec l’idée que la collaboration public-privé est complexe à mettre en œuvre mais permet d’assurer des services publics de meilleure qualité au moindre coût pour la société (Nambard, 2002 : p 16). C’est bien dans ce sens que nous envisageons l’utilisation de façon pragmatique de la terminologie du « partenariat public-privé ». Toutefois, cette logique est reprise au niveau européen, où depuis quelques années on s’oriente vers une harmonisation européenne des dispositifs partenariaux.

Notes
12.

ASCHER F., 1991, « Projets publics et réalisations privées », in les annales de la recherche Urbaine, n°51, juillet 1991, p 9

13.

LORRAIN D., 1990, « Le modèle français de services urbains » in Économie & Humanisme, n° 312, mars-avril 1990, p 55