1.2.3 Pour un encradrement juridique européen et français des pratiques partenariales

Une convergence des dispositifs partenariaux encouragés par la construction d’une Europe communautaire

La construction d’une Europe commune et l’influence progressive des directives de la banque mondiale sur les politiques budgétaires nationales ont favorisé le recours à la formule partenariale pour l’établissement de projet en tout genre, allant de la réalisation d’une infrastructure de transport à une opération d’aménagement. Ainsi, la construction de l’Europe et les conséquences de la mondialisation passent par l’accroissement des projets d’infrastructures de transports et de communications, qui ne peuvent se passer de formules partenariales pour être réalisés. (Lignières, 2002, p 6-7). Le partenariat est alors perçu comme un outil de gestion efficace des services et des biens publics.

En avril 2004, la Commission Européenne exprime ses souhaits d’inscrire le partenariat public-privé dans des normes juridiques communes à l’ensemble des pays européens. Elle publie alors un Livre vert sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions, à partir d’une consultation auprès d’institutions, de sociétés et d’organismes para-publics ou mixtes menée en 2003. Partant d’une définition plus que générale – des formes de coopération entre les autorités publiques et le monde des entreprises qui visent à assurer le financement, la construction, la rénovation, la gestion ou l’entretien d’une infrastructure ou la fourniture d’un service14 -, la Commission reconnaît l’utilisation massive et disparate de ce terme, entre les pays et à l’intérieur même de ces pays. Mais elle est favorable au développement de ce principe, en essayant d’encadrer juridiquement au niveau communautaire ce qu’elle qualifie de « phénomène du PPP ».

Ainsi, le Parlement Européen entend développer le recours au partenariat en assouplissant certaines règles, permettant une concurrence efficace et une clarté juridique (point 16). Néanmoins, la Commission distingue les partenariats de type contractuel (liant secteur public et secteur privé dans une convention clairement définie) et les partenariats de type institutionnel (coopération entre secteur privé et secteur public au sein d’une même entité, comme peut l’être l’économie mixte).

Dans le cadre des partenariats de type contractuel, relevant soit du « modèle français de la concession » ou soit du « modèle britannique du PFI », la Commission entend mettre en place une procédure visant à sélectionner le partenaire privé. Aux côtés d’une procédure ayant déjà fait ses preuves (la passation de marchés publics de travaux, ou de marchés publics de services publics), la Directive 2004/18/CE entend instaurer une nouvelle procédure dite de « dialogue compétitif » dont l’objectif est de permettre aux autorités publiques de discuter avec les entreprises candidates des solutions susceptibles de répondre à leurs besoins15.

L’Europe œuvre pour l’adoption de cette procédure reconnaissant et encourageant la négociation au préalable entre l’autorité publique et les candidats du secteur privé. La Commission Européenne facilite et officialise ainsi la culture de l’arrangement informel qui existait auparavant. Dans le même temps, l’adoption d’une telle procédure préfigurerait de nouveaux rapports, sur une base libérale, entre le secteur public et le secteur privé, au nom toujours d’une meilleure efficacité et transparence dans la passation des marchés publics. D’ailleurs, en réponse aux questions posées dans le Livre Vert, certaines collectivités locales s’inquiètent d’un tel dispositif, les pouvoirs publics risquant de perdre la maîtrise de leur marché ( http://europa.eu.int/comm/internal_market/publicprocurement/ppp_fr .htm ). Néanmoins, le régime de passation des concessions n’est pas (encore) concerné par cette Directive, mais la Commission pose clairement la question, évoquant la frontière très fine qui sépare la passation de marchés publics de celle de la concession. Dans une stratégie d’ouverture à la concurrence de la gestion de services publics aux partenaires extérieurs (entreprises privées mais aussi entreprises publiques « étrangères »), cette question n’est plus aussi anodine qu’elle n’y paraît. Il s’agit bien en effet de refonder, dans un système commun et unique, l’ensemble des disparités nationales de gestion de services publics, et une normalisation de la qualité et de l'offre en services publics en tout genre (aussi bien les transports publics que l’énergie, l’eau, etc.).

Notes
14.

Livre vert sur les partenariats publics privés et le droit communautaire des marchés publics et des concessions, 1.1.1.

15.

« Cette nouvelle procédure permettra aux organismes adjudicateurs d'instaurer avec les candidats, un dialogue dont l'objet sera le développement de solutions aptes à répondre à ces besoins. Au terme de ce dialogue, les candidats seront invités à remettre leur offre finale sur la base de la ou des solutions identifiées au cours du dialogue. Ces offres doivent comprendre tous les éléments requis et nécessaires pour la réalisation du projet. Les organismes adjudicateurs évaluent les offres en fonction de critères d'attribution préétablis. Le soumissionnaire ayant remis l'offre économiquement la plus avantageuse peut être amené à clarifier des aspects de son offre ou à confirmer les engagements contenus dans celle-ci, à condition que ceci n'ait pas pour effet de modifier les éléments substantiels de l'offre ou de l'appel d'offres, de fausser la concurrence ou d'entraîner des discriminations. » extrait du Livre vert sur les partenariats publics privés et le droit communautaire des marchés publics et des concessions, 2.1.1.25