L’instauration des contrats de partenariat en France : un élément tangible du renouvellement de la boîte à outils depuis les premières réformes du code des marchés publics

L’émergence de pratiques relevant de partenariat public-privé a suscité bien des débats dans la sphère juridique, depuis le milieu des années 1980. La loi sur la maîtrise d'ouvrage publique du 12 juillet 1985 dite loi MOP (n°85-704) est une première réponse et va entraîner une réflexion plus profonde sur l’encadrement juridique des rapports public-privé. Entre affaires de corruption, transparence et simplification du droit, différentes lois se sont succédées pour une défense et l’assurance d’une garantie d’un certain intérêt général. Il faut attendre la loi n°2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit et l’ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat pour répondre aux contradictions auxquelles étaient confrontées les collectivités locales, malgré les différentes réformes du code des marchés publics. En effet, les problèmes économiques autour du financement de la réalisation ou de la rénovation des équipements publics se trouvent dans une impasse avec les instruments juridiques classiques (voir supra.) : il est impossible de revoir les modalités d’une délégation de service public en cours de contrat ; le régime des marchés comme celui de la concession se prête mal à des paiements publics étalés sur la durée (Deruy, 2003). Le nouvel instrument, le contrat de partenariat doit permettre d’assouplir les règles de gestion des contrats tout en assurant aux co-contractants une certaine garantie financière.

Le contrat de partenariat à la différence de la concession ou de la délégation inclut la conception, la réalisation, le financement, l’entretien, la maintenance et parfois la gestion de l’ouvrage ou de services publics (prisons, écoles, équipements militaires, etc.) et permet une négociation conjointe sur l’ensemble du processus avec les mêmes partenaires. Reprenant les directives européennes, le gouvernement intègre aux dispositifs de la procédure, le principe de dialogue compétitif. À ce principe, le gouvernement français ajoute celui de l’évaluation préalable, où l’objectif recherché est de justifier économiquement et financièrement par la personne publique le type de contrat qu’elle recherche (contrat de partenariat ou contrat plus classique du code des marchés publics). Cela incite également à anticiper en amont du projet les coûts et les conditions liés à la réalisation et à l’exploitation de l’objet du contrat et à restructurer les services de la personne publique le cas échéant. Cette technique de management, n’est néanmoins pas inconnue des gestionnaires publics (Monnier, 1987, 1992 ; Müller, 1994 ; Duran 1999 ; Trosa, 2004) mais aucun texte n’avait encore légiféré sur ces modes de faire. En outre, il s’agit d’une évaluation au préalable, alors que bon nombre des évaluations sont conduites a posteriori. L’idée contenue dans cette loi est d’expliciter les responsabilités et les risques endossés par chaque cocontractant et d’établir une évaluation économique et financière qui intègre plus d’information qu’un simple budget prévisionnel. En contrepartie, la procédure est assez lourde et pour le moment nous n’avons aucun recul sur les avantages de ces types de contrats vis-à-vis des procédures plus classiques de marché public16.

Ces contrats ne peuvent ainsi que s’appliquer à certains objets, certes complexes (associant conception, réalisation et gestion) mais très limités. En outre, leur mise en œuvre implique des savoir-faire et des logiques peu communes aux administrations publiques. Les modalités de financement et de rémunération constituent en effet, un des éléments essentiels du contrat et font l’objet de négociations et d’appréciation à discrétion des cocontractants. La puissance publique dispose alors d’une marge de négociation importante au moment de l’appel d’offre et de l’élaboration du contrat, en faisant valoir la concurrence puisqu’il est possible de négocier avec plusieurs partenaires. Mais une fois le contrat signé, il est difficile de revenir sur les engagements pris, sauf clauses particulières. En outre, il est prévu une rémunération par la puissance publique envers les entreprises contractantes sous forme d’un loyer. Ainsi, la personne publique va transformer les emprunts qu’elle faisait auparavant dans un système classique vers le secteur privé, avec des remboursements étalés dans le temps et négociés par avance.

Ce type de contrat soulève bien des interrogations et des polémiques. Sans revenir sur la manière dont il a été adopté (par ordonnance du gouvernement et sans consultation des législateurs), cet instrument renforce aussi la position des grands groupes du BTP au détriment de celle des petites et moyennes entreprises. Les petites collectivités locales sont également désavantagées par un tel instrument dont le mécanisme s’appuie essentiellement sur le rapport de forces et la négociation. Enfin, ce type de contrat renoue avec l’esprit des marchés d’entreprises de travaux publics (METP) en intégrant l’ensemble des phases de réalisation et de gestion de l'ouvrage ou du service. La nouveauté réside dans l’instauration par le Ministère de l’Économie et des Finances, d’une mission d’appui, afin d’assister les personnes publiques dans la mise en œuvre de ces contrats, très difficiles et complexes d’un premier abord (Breton, 27 mai 2005). Cet organisme expert présidé par un inspecteur général des Finances compte sept experts, issus de la sphère publique mais ayant effectué des passages en entreprises ou au sein d’institutions financières au cours de leur carrière17. Cette mission a enfin pour objet d’assurer un suivi des contrats existants, afin de faire évoluer la réglementation en fonction des cas rencontrés. Une démarche est également innovante et intervient dans un contexte où l’instauration des contrats de partenariat engendre de nombreuses craintes.

En effet, on retient également des différentes polémiques qui surgissent autour de ce contrat, qu’il ne répond ni à une plus grande transparence de l’action publique, ni à l’ensemble des champs concernés par l’action publique (à commencer par les opérations d’aménagement). Les contrats de partenariat ne sont qu’un nouvel instrument fortement limité et ne remplacent pas les formes juridiques traditionnelles de la concession d’aménagement ou de la délégation de service public. Toutefois, ils répondent à une demande de plus en plus pressante de la part de certains grands groupes, prônant un droit du partenariat, permettant de simplifier les règles et les codes de collaboration entre le public et le privé, notamment en intégrant dans les procédures d’appel d’offre les processus de construction-conception et d’exploitation des ouvrages réalisés (Beaugé, 2004). Tout laisse ainsi supposer qu’on entre désormais dans une nouvelle phase dont nous saisissons déjà les prémisses d’un changement culturel à travers une analyse des modes de faire sur un temps long.

Notes
16.

BRETON T., COPE J.F., Préface des contrats de partenariat, principes et méthodes. http://www.ppp.minefi.gouv.fr/guide_contrat_partenariat.pdf, voir aussi Contrats de partenariat, principes et méthodes: http://www.ppp.minefi.gouv.fr/guide_contrat_ partenariat.pdf