Chapitre 2. De la modernisation de l’appareil d’État à la gouvernance : restructuration institutionnel des compétences et renouvellement des cadres de référence de l’action publique

Le contexte culturel dans lequel s’inscrit le débat autour de la notion de partenariat public-privé en France

Jusqu’au milieu des années 1970, la politique du plan est la référence pour le développement économique de la France et elle guide fortement l’action publique. Mais suite aux crises économiques des années 1970 et aux revendications des collectivités locales, désireuses de s’affranchir de ce carcan administratif et régalien (Thibaud, 1992), la politique de plan est affaiblie et « l’État Providence » vivement critiqué, pour son incapacité à répondre à la crise économique dont le caractère international le dépasse totalement (Merrien, 1997). Le mythe de l’État Providence s’effrite tout doucement au profit d’une régulation par le marché, plus apte à répondre aux besoins et aux exigences de nos sociétés en mutation. L’action publique se fonde ainsi sur de nouveaux critères, intégrant les thèses libérales.

Cela se traduit concrètement par un repositionnement de l’État dans l’économie et une refonte de l’action publique, visible à travers l’étude de trois indicateurs, qui permettent de comprendre la recomposition de l’action publique, en phase avec les ambitions et les stratégies du secteur privé. En premier lieu, la crise économique signale la fin du modèle classique de financement des équipements publics et surtout la mise en exergue de l’économie de marché comme nouveau référentiel de l’action publique (section 1). Parallèlement, l’appareil bureaucratique français est jugé obsolète, inadapté et renfermé sur ses propres logiques. Il est donc « nécessaire » de moderniser l’appareil administratif français, tout en l’adaptant aux nouveaux référentiels. On entame alors une révolution silencieuse (Lorrain, 1991 & 1993-c) que de nombreux auteurs analysent comme le passage d’un esprit gestionnaire à celui d’entrepreneur (Harvey, 1989). Dans un tel contexte, les villes prennent une nouvelle dimension et deviennent les pivots d’une action publique considérée comme moderne et dont les modalités restent à voir (section 2). En conformité avec ces nouveaux principes, l’État développe une politique contractuelle avec les autres institutions publiques et instaure des partenariats public-public avec les collectivités territoriales. La contractualisation, largement encouragée par les politiques nationales devient un leitmotiv, traduit au-delà de l’outil, une évolution des logiques d’action et de l’instauration progressive d’un nouveau cadre de référence de l’action publique (section 3).

Enfin, dans un tel contexte idéologique, politique et économique favorable à l’ouverture et la participation du secteur privé à la fabrication de l’action publique, la notion de « gouvernance » s’impose naturellement. Importée du monde des entreprises à celui de l’action publique, elle renforce la diffusion et l’hégémonie de la pensée néo-libérale aux principes de l'action publique. Surtout la gouvernance devient aussi un cadre d’analyse pour comprendre les mutations en cours et le rapprochement entre les sphères publique et non publique (section 4).