2.2.2 Une culture « managériale » dans les services de l'État

Parallèlement, les services de l’État ont été déstabilisés et remaniés. Au nom de la modernisation de l’État et de l’appareil administratif (aussi bien étatique que local), la mise en œuvre des politiques et la vision même de l’action publique se sont transformées. Nous renvoyons ainsi le lecteur aux travaux de Catherine Grémion sur les fonctionnaires d’État (Grémion, 1979 ; 1995, Müller, 1992) et à l’école de la sociologie des organisations travaillant sur l’administration publique. Ainsi Sylvie Trosa montre plusieurs tendances : « le passage de la procédure aux objectifs », « le passage de l’exécution à des procédures itératives entre les services de terrain et les administrations centrales », « le passage de la réglementation à l’expérimentation » et enfin « le passage du décisionnisme au partenariat » (Trosa, 1992) À cet égard, Sylvie Trosa évoque un transfert de la légitimité affirmée de la puissance publique vers le secteur privé et la société civile dans son ensemble.

‘« L’autorité publique a longtemps été vécue en France ayant une légitimité spontanée en soi, liée exclusivement à son statut, à son existence et par là-même nécessairement supérieure à la légitimité des autorités locales ou privées. Cette tendance à magnifier les pouvoirs publics est elle-même issue du concept juridique de puissance publique. Les fonctions sont certes distinctes mais dans toute politique publique, tout service public, au côté ou en face des autorités publiques, il y a des entreprises, des associations, des citoyens, qui sont des partenaires actifs et pas simplement des sujets. Cette prise en compte du contexte est quelque chose qui marque les pouvoirs publics aujourd’hui. »27

Cette thèse rejoint également celle de Catherine Grémion qui constate le développement de pratiques partenariales, entre administrations mais aussi entre publics et privés. Le partenariat public-privé puise alors tout son sens dans une crise de l’État et de ses administrations, et rend légitime l’action publique adossée au secteur privé. Mais la crise est bien plus profonde que ces bouleversements idéologiques et politiques (Bodiguel, 1992). Ainsi, la modernisation de l’administration publique française ne saurait se passer d’une meilleure gestion en interne des compétences dont elle dispose et qui ne sont pas mis à profit. Nous laisserons aux sociologues, spécialistes de l'administration publique, le soin de débattre sur cette controverse. Toutefois, les modernisateurs de l’administration ont ainsi importé du secteur privé des règles de management du privé. Cette nouvelle culture va ainsi se diffuser progressivement, contribuant à modifier la conception même de l’action publique et les rapports entre les services de l'État et les collectivités locales.

Notes
27.

TROSA S., 1992, « Service public : les voies du renouveau » in CROZIER M., TROSA S. (dir), La décentralisation: réforme de l'État, éditions Pouvoirs locaux, Paris, p 165