2.2.3 La stratégie au cœur de l’action publique locale

La décentralisation, dont de nombreux hommes politiques de tendances diverses, chercheurs ou chefs d’entreprises critiquent l’inachèvement, a surtout transformé le rapport des collectivités à leurs territoires et leurs administrés. Elle a alors renforcé le pouvoir des régions, départements et des villes. Dans ce contexte, les villes ont entrepris une réorganisation de leurs compétences mais aussi de leurs stratégies et de leur communication. Dans un tel contexte, les villes deviennent des acteurs à part entière, devant maîtriser leur propre développement, définir leurs propres règles, au détriment éventuellement des contraintes imposées par l’État central (Demesteere et Padioleau, 1991). Le thème de la ville-acteur a nourri de nombreux travaux de recherche, montrant notamment l’importance du renforcement de cet échelon décisionnel dans une Europe en construction et la diffusion de thèses libérales.

En s’emparant d’un nouveau rôle, les collectivités locales engendrent-elles de nouvelles pratiques et modes d’action publique ? De nombreux chercheurs (Crozier, 1992 ; Calame & Talmant, 1998) ont montré le repositionnement des collectivités locales sur des domaines d’intervention publique : la politique de la ville, le développement économique local, les politiques du cadre de vie, etc. Tous notent une concurrence accrue entre les villes pour capter les subventions de l’État et les investissements privés. On assiste ainsi à une redéfinition du rôle de l'État (Animateur ? Aménageur ? Régulateur ?) autour de ces nouvelles missions et une autonomie affirmée des collectivités locales. Jérôme Dubois a finement analysé dans sa thèse (Dubois, 1997), l’émergence de la figure du maire-entrepreneur et de la ville-acteur de son développement, maîtresse de la construction progressive de son réseau. Les politologues, inspirés de la sociologie des organisations sont les premiers à avoir développé des outils d’analyse des pouvoirs locaux dès la fin des années 1970. Cette nouvelle donne géographique a entraîné de vives concurrences entre les villes. Patrick Le Galès a observé dans sa thèse, l’attitude « entrepreneuriale » des « nouvelles » villes modernes :

‘« La plupart des travaux comparatifs internationaux convergent pour donner l’image d’une transformation des rapports entre ville et développement économique depuis une vingtaine d’années. La crise, quelle que soit le sens qu’on lui donne, a provoqué de profondes restructurations, que ce soit dans l’organisation de la production, son organisation spatiale, la relation entre l’État, le marché et les villes. Dans ce contexte macro-économique, les villes semblent à nouveau jouer un rôle important dans le développement économique, du fait des caractéristiques du développement économique et de la perte de la légitimité de l'État-Providence. La résurgence du local, mais aussi la compétition entre les villes et l’entrepreneurialisme urbain font partie des tendances fortes que l’on peut observer dans les pays capitalistes occidentaux. »28

Par conséquent, les villes ont dû nouer des relations étroites avec le tissu économique local (mais aussi plus au niveau mondial). Cet état de fait a ainsi encouragé l’élaboration de rapprochements entre les administrations locales et les entreprises dont les processus et les rapports mériteraient d’être approfondis. Mais ce n’est pas notre propos, notons simplement qu’il se dégage de ces différents constats, de nouveaux modes de gouverner autour d’une culture affirmée du management de projet et la nécessité de construire des stratégies au niveau local.

Notes
28.

LE GALES P., 1993, Politique urbaine et développement économique local : une comparaison franco-britannique, éditions l’Harmattan, Paris, p 125.