2.3.1 Découverte du contrat comme support de la négociation

Le recours au contrat est finalement l’une des méthodes les plus répandues pour gérer les services publics (notamment l’ensemble des contrats de concession), pour construire et produire (les contrats liés aux marchés publics et aux marchés de maîtrise d'œuvre) et pour cadrer les relations entre l’État central et ses administrations territoriales (les contrats de plan État-Régions, par exemple, les contrats de ville, etc.). Le succès du recours au contrat s’explique par un attrait juridique et politique de la formule. Le contrat permet de légitimer l’action publique, de définir d’emblée les objectifs de la négociation, de stabiliser et encadrer les relations entre les acteurs et il s’inscrit parfaitement dans la démarche d’efficacité recherchée par l’action publique (Marcou, Rangeon, Thiébault, 1997). Les travaux présents dans cet ouvrage, de nature juridique et politique, concernent essentiellement les rapports entre l’État et les collectivités locales. Les auteurs constatent alors que le contrat agit plutôt comme un support pour la négociation que comme une véritable valeur juridique, notamment lorsque l’objet du contrat est un programme d’action à mettre en œuvre. En ce sens, le contrat introduit de nouvelles régulations juridiques, passant d’une régulation « par en haut, fondée sur la production et la sanction des règles par l’État » à une « relevance juridique partielle, qui n’est exprimée qu’en cas de conflit provoquant l’intervention du droit étatique.29 » (Marcou, Rangeon, Thiébault, 1997, pp 32-33). Les négociations autour de l’établissement du contrat donnent alors lieu à des échanges formels, sans pour autant négliger les arrangements informels qui restent d’actualité.

Les auteurs mettent en garde contre les rigidités inhérentes au contrat. Le recours au contrat tend à allonger les délais du projet et à alourdir les procédures. Il est également difficile de revenir sur l’inscription de certaines clauses dans le contrat. Tout en protégeant les cocontractants de certaines dérives (notamment sur le non-respect des engagements), il enferme la décision dans un carcan, parfois difficilement flexible et adaptable. Les questions posées peuvent être transposées aux relations qu’entretiennent le secteur public et le secteur privé. Comment la culture de contrat imprègne-t-elle les collectivités locales et les rapports qu’elles entretiennent avec l’ensemble de leurs partenaires extérieurs ? Néanmoins, les formes de contractualisation ne sont pas nouvelles et reprennent les formes déjà anciennes et connues des contrats de concession ou des sociétés d’économie mixte. Déjà, des expériences avaient été tentées dans les années 1970 entre l’État et certaines collectivités locales, initiées par la DATAR et le ministère de l’Équipement. Ainsi, la contractualisation n’est pas la conséquence de la décentralisation, mais un phénomène bien plus discret, silencieux qui a émergé au cours des années 1970, soit au moment où la modernisation de l’administration publique française était en question. Ce qui est novateur en revanche c’est « leur généralisation et surtout leur affichage politique, qui en font un phénomène neuf » (Gaudin, 1999, p12). Il rejoint alors Norman et Susan Fainstein, pour qui, le développement de telles pratiques relèvent plus d’une nouvelle communication sur l’action publique, qu’un renouveau de l’action publique. (Fainstein N. & Fainstein S., 1994). Ainsi, l’introduction du contrat dans l’élaboration progressive des politiques publiques ou des projets d’aménagement induit une régulation par le bas, c'est-à-dire que le local se sent investi de nouvelles responsabilités et marges de manœuvre. Par conséquent, certains chercheurs estiment que le contrat est révélateur d’une nouvelle culture de l’action publique et permet d’inscrire le cadre des négociations.

Notes
29.

note des auteurs : La notion de relevance juridique est empruntée à Santi ROMANO (1975), L’ordre juridique, Paris, Dalloz, trad. de la 2ème éd (1946). Voir infra : G. MARCOU, « La coopération contractuelle, la ville et le droit ».