3.1.2.3 Recomposition de la maîtrise d'ouvrage urbaine autour du pouvoir local

Parallèlement à ces recherches sur les grands groupes opérateurs de l’urbain, d’autres recherches émergent sur le pouvoir local et sa transformation dont nous avons déjà évoquées les conclusions dans le chapitre précédent. Nous nous focalisons alors sur les recherches centrées sur la figure du maire. En effet, certains maires de grandes villes, dont l’agglomération lyonnaise dans laquelle les maires successifs depuis la fin des années 1950 ont construit en partie leur légitimité sur la réalisation d’opérations prestigieuses d’aménagement. La décentralisation a renforcé l’inscription de l’opération d’aménagement dans l’agenda politique, devenant parfois le support de batailles électorales (Dubois, 1997). Au cours des années 1980, la métamorphose de la maîtrise d’ouvrage urbaine va ainsi s’accélérer avec le retrait progressif de l’État et la réhabilitation du leadership local autour d’un « maire-entrepreneur » (Le Bart, 1992 & 1999), faisant suite au « maire bâtisseur »55 et au « maire-animateur » 56 (Garraud, 1989). Si les deux dernières figures sont sans équivoque, celle du « maire entrepreneur » est soumise à de nombreuses critiques dans la sphère scientifique (Guéranger & Kübler, 2004). Mais au-delà de cette polémique, nous retenons une évolution du pouvoir local dans la manière de mobiliser les ressources et de solliciter les réseaux qui l’entoure pour faire valoir des stratégies urbaines, sinon politiciennes. Enfin, plutôt que de prendre part dans ces controverses, nous optons pour une analyse des mécanismes qui ont conduit le maire à s’afficher et à endosser une responsabilité - au minimum médiatique - dans la réalisation de ces opérations emblématiques.

Les analyses de la démarche de projet invitent ainsi le chercheur à comprendre les collaborations entre les acteurs au-delà des montages institutionnels, et de les replacer dans une étude des ressources et des réseaux. En ce sens, l’analyse de la manière dont les acteurs vont conduire l’opération d’aménagement – mobiliser leurs ressources et leurs réseaux, va permettre de saisir les mutations en cours. L’écart entre la méthode de la fin des années 1960 (opération de rénovation urbaine de la Part-Dieu) et celle des années 1990 (Z.A.C. de la Cité Internationale) correspondrait alors aux mutations décrites par l’avènement du partenariat public-privé.

Au terme de cette première section et du travail préalable sur la notion de partenariat public-privé, nous supposons que ces mutations relèvent essentiellement de deux dimensions :

Notes
55.

« Ce « modèle du maire-bâtisseur » s’affirme dans un contexte de forte croissance économique, d’urbanisation accélérée et de développement d’une idéologie de la « modernisation ». Il est étroitement lié à la mise en œuvre de politiques publiques nationales d’équipement destinées à faire face aux effets de la croissance urbaine, et d’incitations financières particulièrement importantes. Il apparaît donc clairement que ce « modèle » constitue l’ajustement du comportement à un environnement en pleine mutation. Sur le plan des pratiques municipales, il conduit à des investissements considérables soutenus par des subventions fortes, une politique d’emprunt et une pression fiscale croissante. Il entraîne rapidement une multiplication de réalisations et d’équipements de diverses natures. » GARRAUD P., 1989, Profession : homme politique ; la carrière politique des maires urbains, collection logiques sociales, éditions l’Harmattan, Paris, pp 158-159

56.

« Ce modèle du « maire-animateur » conduit à privilégier les problèmes de gestion et d’animation et s’accompagne donc d’un rythme de production d’équipements plus faible, ce qui ne signifie donc pas de ce fait un arrêt brusque et total des réalisations mais un déplacement sensible des priorités. » GARRAUD P., 1989, Profession : homme politique ; la carrière politique des maires urbains, collection logiques sociales, éditions l’Harmattan, Paris, p 160