4.1.3.2 Expression de lyon, ville post-moderne : la réalisation du centre directionnel de la Part-Dieu

De l’ensemble résidentiel à la programmation d’un centre directionnel à la Part-Dieu

En 1957 l’armée confirme la fermeture de la caserne militaire de la Part-Dieu, situé sur la rive gauche du Rhône, à un kilomètre de la Presqu’île, libérant ainsi 22 hectares. Dans un premier temps, il est question d’un ensemble majoritairement résidentiel, d’un important groupe scolaire et un grand parc (Bulletin Municipal Officiel (BMO) du 15 décembre 1958). La réalisation serait confiée à la récente S.E.R.L. avec des subventions provenant du Fonds Nationale d’Aménagement du Territoire. Cette opération devrait être achevée huit ans après la libération du foncier par les militaires et la ville de Lyon ne ferait que la viabilité.

Des négociations commencent alors entre le ministère des Armées et celui de la Construction. Ce dernier espère également profiter de l’opportunité de ces terrains pour y implanter une cité administrative et une maison de la Radio Diffusion. Les services ministériels préconisent également la réalisation d’un centre commercial de 4 000m² et plafonnent le nombre de logements à 2 075 environ, dont 1 100 de type HLM ou Logécos (BMO du 22 février 1960). L’opération semble en bonne voie et Louis Pradel espère l’achever avant le début des années 1970. Mais il subsiste un désaccord entre les différents ministères sur le prix de cession des terrains et sur la contrepartie que la Ville de Lyon doit verser. La caserne reste toujours partiellement occupée et le projet piétine. Néanmoins, à partir de 1962, au moment où le groupement d’urbanisme se crée, de nouvelles orientations sont données pour le site de la Part-Dieu, où l’idée d’un centre d’affaires complémentaire à celui de la Presqu’île est évoquée. Les études intègrent progressivement les directives de la DATAR, qui estime que Lyon doit devenir une métropole d’équilibre et se doter d’un centre directionnel. Tout projet de logements est abandonné à la Part-Dieu – alors que la première barre est en voie d’achèvement – et le projet s’oriente vers un centre d’affaires et commercial. Il est aussi question de construire une nouvelle gare, pour seconder celle de Perrache et remplacer celle des Brotteaux devenue trop étroite. La gare de triage de la Part-Dieu, jouxtant les terrains de la caserne est une véritable opportunité. À partir de ce moment, toutes les conditions sont réunies pour faire de la rénovation de ce site, le centre directionnel et tertiaire qui fait défaut à Lyon.

De 1964 à 1967, de nombreuses esquisses vont se succéder. Charles Delfante, en sa qualité de directeur de l’atelier d’urbanisme est nommé urbaniste en chef de l’opération de la Part-Dieu, et assume cette tâche en collaboration avec Jean Zumbrunnen. Ces deux hommes produisent ainsi les différents plans masses, sur lesquels les négociations entre le maire et les administrations déconcentrées se basent. Les bureaux d’études de la S.C.E.T. établissent les enquêtes permettant d’attribuer aux différentes fonctions retenues les surfaces adéquates et acceptables par le marché immobilier lyonnais. Pour la conception du centre commercial, la S.E.R.L. et l’atelier d’urbanisme font appel à des expertises externes aux ministères ou à la S.C.E.T., car l’implantation d’un centre commercial en centre-ville est une première française et rencontre des problèmes techniques et urbains conséquents, notamment au sujet du stationnement et du calcul des surfaces et du potentiel de vente. L’architecte américain Victor Gruen ébauche les premiers plans et conseille le cabinet Larry Smith, spécialiste américain qui établit les études de commercialisation et des potentiels de vente.

Par délibération du 30 octobre 1967, les élus locaux vont fixer de façon définitive le « parti urbanistique » et la programmation du centre directionnel de la Part-Dieu. Louis Pradel (BMO du 30 octobre 1967, allocution du maire) présente en personne le programme qui sera adopté sans débat et affirme que ce centre directionnel est considéré comme une extension au centre-ville actuel, et non comme un pôle concurrent. Il rassure ainsi une partie de la bourgeoisie locale commerçante, installée dans la presqu’île et inquiète de la réalisation d’un nouveau centre ville (Lojkine, 1978). L’emprise concernée par l’opération inclut deux périmètres93 : une zone A dans laquelle est prévu le centre directionnel ; une zone B sur les emprises ferroviaires : on y projette une gare régionale de voyageurs multimodale (gare routière, gare métro et gare SNCF), agrémentées de commerces (26 000m² de planchers) et de bureaux (76 000m²). Le centre directionnel se décompose en quatre grands domaines correspondant aux fonctions urbaines issues de l'urbanisme de la Charte d’Athènes. La procédure de rénovation urbaine implique également un découpage du foncier en lots distincts, auxquels les aménageurs ont donné une lettre, en attendant un nom commercial (les surfaces indiquées sont des surfaces de planchers).

La fonction administrative se compose ainsi d’une cité administrative locale (pour la communauté urbaine de Lyon) de 51 000 m² (lot G), d’une cité administrative d’État de 73 000 m² (lot J) et du centre de gestion EDF-GDF de 32 000 m² (lot C). L’ensemble socio-culturel comprend une bibliothèque de 28 000 m² (lot K), une maison de la radio de 35 000 m² (lot B) inaugurée en septembre 1969, une rue de la culture (qui reste encore à préciser) de 3 000 m², un théâtre de 10 000 m², une crèche de 3 000 m². Ces trois derniers éléments ne seront jamais réalisés. En revanche, un auditorium sera ensuite programmé sur le lot M, à la place du théâtre. La fonction économique correspond à la programmation d’un centre commercial de 100 000 m² conformément à une étude réalisée par le cabinet américain Larry Smith (Lot L), et des bureaux à usage privé pour 100 000 m² également (lots N, P, Q, R, S). Enfin, le logement ou fonction résidentielle est déjà construit ou en cours d’achèvement au moment de l'adoption du programme quasi-définitif de la Part-Dieu. Au total, 500 logements sont construits, répartis en deux immeubles de 18 000m², rue Desaix (lot A) et rue du Lac (lot D).

Concernant le stationnement, chaque lot est assujetti à la réalisation d’un nombre de places de parking en fonction de sa surface de planchers et de sa fonction, conformément à l’application des règlements d’urbanisme en vigueur à cette époque. Mais ces ratios normatifs et nationaux imposent aux acquéreurs des lots d’attribuer des surfaces trop importantes au stationnement par rapport à la fonction du lot. Par conséquent, l’aménageur a obtenu une dérogation à ce règlement et prévoit la construction d’un parking public, à destination essentiellement des usagers des cités administratives. Enfin, le parc public est maintenu, le long de l’avenue Garibaldi.

Figure 1 : photo de la maquette du centre directionnel Lyon Part-Dieu en octobre 1967, soit le projet tel qu’il a été adopté par les élus municipaux puis approuvé par le Préfet en 1968.
Figure 1 : photo de la maquette du centre directionnel Lyon Part-Dieu en octobre 1967, soit le projet tel qu’il a été adopté par les élus municipaux puis approuvé par le Préfet en 1968.

Source : Archives de la S.E.R.L.

Notes
93.

Voir le plan Part-Dieu, zone 1967 : où on voit l’emprise sur deux secteurs : celui du centre directionnel et celui de la gare.