4.2.1.2 Chronologie de la réalisation du cœur du centre directionnel

Pour mieux comprendre le dispositif de pilotage de l'opération du cœur du centre directionnel de la Part-Dieu et les conflits inhérents, il nous semble important de présenter l’enchaînement chronologique des événements et décisions qui ont complètement modifié le plan masse de 1967 de la Part-Dieu (voir figure 2). Déjà, peu de temps après l’adoption du parti architectural et urbanistique de l’opération en octobre 1967, la SNCF annonce son refus de développer une nouvelle gare centrale à la Part-Dieu, dans les meilleurs des cas, il est question d’une gare régionale devant desservir la banlieue est et les deux villes nouvelles programmées par la DATAR (L’Isle d’Abeau et la Plaine de l’Ain). Cette décision remet en cause une partie du plan-masse et surtout la conception même du centre commercial. Mais les architectes du centre continuent de prévoir un accès direct entre le centre et la future gare régionale ou centrale.

En avril 1970, la S.C.C. est retenue pour le développement du centre commercial (lot L) et met une option sur le lot S (tour de bureaux de grande hauteur) accolée au centre commercial. La S.C.C. prend le cabinet Delfante et Mr Régis Zeller pour assurer la maîtrise d'œuvre du centre commercial et choisit le cabinet Pei et Mr Cossutta pour la réalisation de la tour. Les études de conception des ouvrages architecturaux se poursuivent autour essentiellement, de deux revendications : le déplacement du lot S et l’impossibilité de construire les places de stationnement calculées selon les ratios en vigueur sur les lots « retenus ». Durant cette même année, le Printemps qui devait acquérir le grand magasin sud du centre commercial se désiste, mettant en péril la réalisation du centre commercial. Régis Zeller et la S.C.C. cherchent alors un acquéreur potentiel auprès de grandes enseignes internationales.

En mars 1971, le compromis de vente pour le centre commercial est signé entre la S.C.C. et la S.E.R.L. S’ajoute à ce compromis une série de contrats et de conventions qui lient fortement la S.C.C. et la S.E.R.L. Entre temps, les discussions se poursuivent au sujet du déplacement du lot S et des problèmes de stationnement. La S.C.C. commande alors une nouvelle étude à Larry Smith, pour prendre en compte les mutations de la concurrence commerciale dans l’agglomération lyonnaise engendrées par les récentes implantations de centres commerciaux dans la périphérie.

En avril 1972, Louis Pradel accorde le déplacement du lot S, conformément aux vœux de la S.C.C. et malgré l’avis défavorable de Charles Delfante. En mai 1972, les Galeries Lafayette et la S.C.C. signent l’acte de vente pour le grand magasin nord. En août 1972, Jelmoli, enseigne suisse concurrente des Galeries et du Printemps acquiert le grand magasin sud. Ce même mois, Larry Smith livre son nouveau rapport à la S.C.C., qui préconise une offre de stationnement plus importante et une bonne desserte du centre commercial – routière et en transport en commun - , pour que ce dernier puisse concurrencer les magasins périphériques.

En septembre 1972, LPA, la S.E.R.L. et la S.C.C. signent un accord au sujet du parking public central, qui sera en partie destiné aux usagers du centre commercial. En contrepartie, les commerçants du centre paieront une redevance à la C.O.U.R.L.Y., calculée sur leur chiffre d’affaire et devant couvrir une partie de l’investissement du parking supporté par la C.O.U.R.L.Y.. De fait, en septembre 1972 le permis de construire du parking central est obtenu et les travaux démarrent. En octobre 1972, l’option sur le lot S est levée par la S.C.C., la société se déclare officiellement acquéreur du lot S, où seront développés l’agence commerciale régionale du Crédit Lyonnais, des bureaux et un hôtel de haut standing.

Le 17 mars 1972, la SNCF annonce son intention de créer une liaison rapide, en turbo-train entre Paris et Lyon. Puisque les quais de la gare de Perrache sont trop courts et que la gare des Brotteaux doit être entièrement rénovée, la SNCF opte pour la construction d’une nouvelle gare, à la Part-Dieu (Waldmann, 1991). Mais les plans du cœur du centre directionnel sont trop avancés pour prendre en compte cette nouvelle décision de la SNCF, l’opération de la gare fait alors l’objet d’une autre opération, la Z.A.C. de la gare de la Part-Dieu, également concédée par la C.O.U.R.L.Y. à la S.E.R.L.

Le 30 janvier 1973, le permis de construire du centre commercial est obtenu sous réserves du Préfet. Ce dernier désapprouve l’ajout partiel d’un quatrième niveau (au droit des grands magasins) et la transformation du toit terrasse du centre commercial en parking, qui devait être à l’origine, un jardin public. La S.E.R.L. va alors œuvrer auprès du préfet pour le compte de la S.C.C. pour faire valoir les changements, nécessaires au bon fonctionnement du centre commercial. Le modificatif du permis de construire sera approuvé le 24 janvier 1974 et le 25 mars 1974 l’acte de vente est signé.

Entre temps, la commercialisation des boutiques débute en mars 1973 et le chantier en octobre 1973, après que les travaux de la station de métro, sous le centre commercial, ont été achevés. En juillet 1973, la S.C.C. passe devant la Commission Régionale des Opérations Immobilières et de l’Architecture (CROIA), qui donne un avis favorable à l’obtention du permis de construire, accordé le 18 septembre 1973. Il sera suivi, en octobre 1973, par la signature d’un accord entre LPA, la S.E.R.L. et la S.C.C., au sujet de la réservation annuelle de 200 places de stationnement au sein du parking public des Halles à proximité de la tour de bureaux et géré par LPA. Ces places sont destinées aux clients de l'hôtel et seront payées par la chaîne hôtelière, locatrice de la tour. Le chantier de la tour débute en 1974.

Le centre commercial est inauguré le 8 septembre 1975, soit 2 jours après l’inauguration de la rue piétonne de la rue de la République en Presqu’île. À l’occasion un immense buffet est organisé dans les mails du centre commercial où un millier de personnes est convié, dont le « gratin » parisien. Le maire se félicite de cette réalisation hors pair et du travail réalisé par la S.E.R.L., Charles Delfante, les architectes du centre et les promoteurs. Le 31 mais 1977, la Tour du Crédit Lyonnais est achevée, devenant l’emblème de Lyon. Mais l’ambiance est loin d’être euphorique, puisque son inauguration a lieu en plein marasme économique et crise lyonnaise de l'immobilier de bureaux.