5.2.3 Le montage institutionnel ou le modèle ensemblier à la Lyonnaise

5.2.3.1 Un montage institutionnel complexe clarifié lors du protocole de février 1990

Le protocole d’accord signé le 8 février 1990 fixe les principes du dispositif de pilotage de l’opération et les modalités de sa réalisation. Celle-ci nécessite l’enchaînement, si possible sur l’année 1990 de plusieurs documents administratifs et juridiques, suivant le schéma suivant établi par le cabinet de consultants Algoe (source documents de la communauté urbaine de Lyon). Les élus espèrent une réalisation de la première tranche de l’opération avant les prochaines élections (c'est-à-dire en 1995) comportant au minimum le palais des congrès, l’extension du parc, le musée d’art contemporain, l’hôtel international et quelques bureaux. La signature du protocole d’accord entre la communauté urbaine, la Ville de Lyon et l’opérateur permet le déclenchement du processus.

Suite au protocole d’accord, une convention entre la Ville de Lyon et l’opérateur règle les conditions de gestion du Palais des Congrès (délégation de service public car l’animation d’un centre de congrès est de compétence municipale) ; la Ville de Lyon étant propriétaire des terrains – une fois acquis les surfaces appartenant à l’État, les élus optent pour une location longue durée du foncier par l’opérateur via des baux emphytéotique entre la Ville de Lyon et l’opérateur. Enfin, la communauté urbaine et l’opérateur doivent signer une convention d’aménagement une fois la Z.A.C. créée.

Le protocole entérine les accords convenus sur le programme de l’opération et son déroulement. Ainsi, la SARI s’engage à créer une société en nom collectif, responsable de l’aménagement de la zone : la SPAICIL. Les actionnaires principaux sont la Compagnie Générale des Eaux (actionnaire majoritaire) et LUCIA (regroupant notamment la BNP, AXA, OLIPAR). Cette société a pour mission immédiate, la signature de l’ensemble des documents contractuels et juridiques (protocole du 8 février 1990 article III-1) puis elle prend en charge l’aménagement du site selon le programme arrêté dans le protocole d’accord, préfigurant le Plan d’Aménagement de Zone (P.A.Z.) de la Z.A.C. prochainement créée.

Le programme de construction est fixé à 220 000 m² de SHON au total (il n’était que de 185 000 m² lors du premier concours), avec une définition plus précise des fonctions du centre de congrès, une augmentation des programmes hôteliers et résidentiels.

Note : Même si pour le moment on n’envisage que des résidences locatives au mois avec services (type Facotel). Toutefois, on prévoit un réajustement de cette partie de ce programme en fonction des premiers résultats de commercialisation prévus en 1991.

Centre de Communication et d’échanges
Ensemble Congrès expos
Hôtellerie 3 étoiles
Club Affaires
Centre de Commerce International
Forum permanent de la santé
Formation
Technoforum
Centre Audiovisuel
Cercle Europe
Boutiques
Fonctions annexes

15 000 m²
6 000 m²
1 500 m²
7 000 m²
8 500 m²
2 500 m²
1 500 m²
500 m²
1 500 m²
3 000 m²
3 000 m²
50 000 m²
Hôtel International   10 000 m²
Hôtel 3 étoiles   5 000 m²
Para-hôtellerie   10 000 m²
Résidences locatives   35 000 m²
Bureaux   90 000 m²
Équipements ludiques et culturels   5 000 m²
Commerces   15 000 m²
TOTAL SHON   220 000 m²

Ce protocole entérine également le principe des baux à construction et prévoit des charges foncières forfaitaires, utilisées pour le paiement de l’ensemble des coûts d’équipements et honoraires afférents à l’aménageur (les frais de communication, le remboursement à la Ville des frais avancés189 et à la prise en charge des frais financiers tenant compte des décalages entre financement des travaux et vente des charges foncières). Autrement dit, les charges foncières exigibles par les collectivités locales dans une procédure de Z.A.C. sont destinées au financement des équipements publics prévus (la rue intérieure couverte, les VRD hors boulevard urbain190, l’aménagement du nouveau parc, le traitement des dolines et des berges et les parcs de stationnement191). Ces équipements devront être réalisés lors de la première phase de l'opération. En outre, la SARI s’engage à confier la maîtrise d'œuvre totale à Renzo Piano, annexant à ce protocole, le contrat conclu entre l’opérateur et l’architecte192.

‘« Compte tenu, néanmoins, de la complexité de l’opération et de son désir d’unicité qui doit se traduire notamment par la limitation du nombre des intervenants, la SARI souhaite ne pas limiter son rôle à une simple cession de charges foncières mais propose des solutions souples pouvant aller de la maîtrise d'ouvrage déléguée à la Vente l’État futur d’achèvement. En tout état de cause, R. Piano devra être mandaté comme maître d’œuvre de l’opération193. »194

La réalisation de la Z.A.C. s’opère sur plusieurs tranches. La première porte sur 110 000 m² de SHON avec la réalisation totale du Centre d’Échanges et de Communications, le complexe hôtelier, la para-hôtellerie, une partie des commerces et des bureaux. Des garanties sont exigées pour chaque partie. Ainsi la CGE apporte une caution bancaire, renforcée par la renommée du groupe et les différents contrats qui lient déjà le groupe aux collectivités locales. La Ville de Lyon s’engage à réaliser le boulevard urbain au plus tard fin 1992, et de mettre en place une liaison performante en transport en commun avec le centre-ville et la Part-Dieu, ce qui permettra une desserte de la zone à aménager. Puis, une Société en Nom Collectif d’exploitation dans laquelle la CGE est actionnaire majoritaire gère le Palais des Congrès.

Dès ce protocole, un Directoire composé du maire de Lyon, du président de la Communauté urbaine de Lyon, du maître d’œuvre et du Président de la SARI est mis en place et veillera au respect du contrat. Il assure donc le suivi et le contrôle de l'opération. Les élus locaux s’engagent ainsi fortement sur cette opération, garantissant aux investisseurs privés une issue favorable. D’ailleurs, compte tenu du programme et des effets d’annonce195 de la part de la communauté urbaine de Lyon, l’opération de la Cité Internationale se réalisera. Enfin, pour conclure ce protocole un calendrier prévisionnel est donné mais n’a pas de valeur contractuelle. La signature de l’intégralité des documents juridiques est prévue pour fin décembre 1990, avec un démarrage des travaux en janvier 1991. Les documents vont être établis mais avec quelques années de retard. Avant d’analyser les raisons de ces retards propres au jeu d’acteurs et aux enjeux de l’opération, nous exposons les contenus des différents contrats.

Notes
189.

Cela concerne sans doute les études préalables qui ont été nécessaires (je pense notamment aux études hydrauliques, topographiques que nous avons retrouvées dans les archives de la communauté urbaine). Cela concerne aussi les frais de démolition (cf VI 3 du présent protocole).

190.

financé par les collectivités locales sur leur budget propre.

191.

hors résidences locatives et hôtel international qui bénéficient de parcs de stationnement propres et accessibles uniquement aux usagers.

192.

Malheureusement nous n’avons pas retrouvé trace de ce contrat. Nous ne savons donc pas les bases sur lesquelles les deux parties se sont engagées.

193.

Quels sont les moyens juridiques pour contraindre les promoteurs et les preneurs de baux à prendre Piano comme maître d’œuvre ? Est-ce une volonté de la collectivité locale ou bien est-ce inscrit dans le contrat de Piano, pour assurer une continuité architecturale sur le site ? Personne n’a voulu répondre à cette question : Bazard expliquant que de toute manière Piano convenait tout à fait à la SARI ; l’atelier Piano ou en tout cas la personne rencontrée n’a aucune connaissance de ces procédures… Le fait que SPAICIL peut proposer des « services » autre que l’aménagement signifie sans doute, que pour elle, ces services permettent de lui assurer une certaine rentabilité, on sait bien que l’aménagement est une activité peu rentable, surtout pour une boîte privée et sur une opération aussi consommatrice d’équipements publics.

194.

Extrait du protocole d’accord du 8 février 1990, Titre III-4 a).

195.

La communauté urbaine communique beaucoup au début des années 1990 sur cette opération d’aménagement.