6.1.1.1 Le partage du financement et du risque financier

Tout d’abord, le secteur privé participe plus largement aux financements des équipements publics lors de l'opération de la Cité Internationale que lors de celle de la Part-Dieu, même s’il est difficile de donner des chiffres, compte tenu des sources non fiables ou inexistantes. Toutefois, la procédure n’est pas la même – la Part-Dieu est réalisée avec le principe de lotissement alors que la Cité Internationale est opérée avec une Z.A.C., pour laquelle la participation aux équipements publics (voiries et réseaux divers, équipement culturel ou scolaire, etc.) est obligatoire et implique une négociation entre la collectivité locale (le Grand Lyon) et l’aménageur privé. Dans le cadre du lotissement de la Part-Dieu, les charges foncières dues par l’acquéreur d’un lot au titre du financement des équipements publics (uniquement ceux nécessaires à la viabilisation du lot, donc voiries et équipements publics) sont fixées par avance et déterminées suivant les occupations futures du lot (bureaux, logements, hôtels, surfaces commerciales, restaurant, places de stationnement). Ces charges foncières sont calculées suivant la surface construite. Néanmoins, lors de l’achat des lots « centre commercial » et « tour de bureaux », le promoteur négocie ces charges, en tentant de réduire certaines (tour de bureaux) et d’augmenter la surface à construire pour d’autres sans changer le coût global des charges (centre commercial). De la manière, le plan de financement défini pour le parking central donne lieu à des discussions, une fois le parking réalisé. Celles-ci aboutissent à un retrait de la participation du secteur privé, suite à la fréquentation estimée trop faible du centre commercial durant les premiers mois de son ouverture aux yeux des commerçants et du promoteur/gestionnaire du centre commercial. Par conséquent, la part devant revenir au secteur privé est reportée sur la collectivité locale afin de combler le déficit.

Dans le cas de la Cité Internationale, la procédure de Z.A.C. permet de définir d’emblée les règles du jeu, basées sur la négociation des participations du privé au programme d’équipements publics. Comme la Ville de Lyon reste propriétaire du foncier, le loyer du terrain donne lieu également à des négociations entre l’aménageur privé et la ville. Si la participation de l’aménageur dans le cadre de la Z.A.C. est actée dès le début de l’opération, celle concernant le paiement du loyer implique de nombreuses discussions pour aboutir finalement au contrat de bail emphytéotique de 1993. Ce contrat prévoit alors une clause de révision financière et permet à l’aménageur privé d’envisager son retrait de l’opération, en cas de déficit trop important de l’opération (notion de déficit laissée à l’appréciation subjective des cocontractants). Dans ce contexte, les acteurs considèrent d’emblée la prise de risque et son partage entre les collectivités locales et le secteur privé. Ce principe est d’ailleurs largement accepté par l’ensemble des acteurs, même si les modalités font l’objet de sérieuses négociations. En ce sens, on note une évolution par rapport à l’opération de la Part-Dieu, où derrière le formalisme figé de la procédure, se cachent des discussions et des arrangements quasi-informels (l’abandon de la redevance des commerçants pour le parking et la subvention supplémentaire de la communauté urbaine ayant donné lieu à aucune délibération, la S.E.R.L. prenant la défense de la S.C.C. contre la Préfecture pour expliquer les surfaces construites supplémentaires du centre commercial). Surtout, l’ensemble des acteurs prend conscience du risque financier et l’intègre dans les discussions dès l’amont des négociations. Sur ce point précis, nous notons des divergences avec le partenariat public-privé anglo-saxon. En France, la prise de risque de la part des investisseurs privés reste très faible comparativement à celle des investisseurs britanniques, mais avec en contrepartie, un autre rapport aux bénéfices et une « rentabilité » plus importante dans les projets outre-manche (Howard, Menez, Trache, 2007).

Les acteurs financiers locaux dans le cas du cœur de la Part-Dieu sont majoritairement les collectivités locales impliquées dans cette opération. Nous avions évoqué dans le chapitre 4 la tentative avortée d’un groupement de financiers locaux conduit par Jean Labasse, échec sans raison apparente si ce n’est le désintérêt des investisseurs principaux, notamment du promoteur S.C.C. de cette proposition. Il n’en reste pas moins que les capacités financières locales sont moindre face à des institutions comme la Caisse des Dépôts et Consignations ou le Crédit Lyonnais. En revanche, lors de la première phase de la Cité Internationale, il était question d’impliquer les acteurs privés locaux au risque de l’opération, en leur octroyant une part non négligeable au capital de la S.E.M.A.C.I.L. Finalement il en sera autrement lors de la réalisation avec la délégation à la SPAICIL (filiale d’un grand groupe opérateur de l’urbain) de l’aménagement de l’opération et une participation plus faible des investisseurs locaux au capital de la S.E.M.C.I.L. Ces opérations montrent néanmoins l’engagement d’investisseurs locaux dans l’aménagement de leur territoire, indépendamment des périodes étudiées et de l’importance du soutien financier des collectivités locales dans ces opérations de grande envergue et emblématique pour ces mêmes collectivités. Il faudrait envisager l’étude d’opérations plus « ordinaires » pour avancer sur ce sujet.