6.2.1.1 Aux fondements de la Loi d’Orientation Foncière : des débats sur le financement de l’aménagement

Ce n’est qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale que les premières grandes opérations d’urbanisme vont être encadrées juridiquement. Les lois sur les Zones d’Urbanisation Prioritaires, les Zones d’Habitation, les Zones Industrielles et enfin les Zones de Rénovation Urbaine donnent ainsi naissance à l’urbanisme opérationnel, avec un partage précis des rôles entre le secteur public et le secteur privé, notamment en matière de financement des aménagements. Cependant, même si les crédits publics ne manquent pas, des débats s’élèvent au sujet de la récupération des plus-values foncières réalisées par certains propriétaires et en particulier d’habiles promoteurs. Les premières réflexions s’engagent sur une réforme du système fiscal, avec une logique prégnante : faire porter par le secteur privé une part de l’investissement public dans les infrastructures et les équipements et maîtriser la spéculation foncière.

‘« Comme le remarque Henri Lefèbvre, il y a loin de l’urbanisme des hommes de bonne volonté à l’urbanisme des promoteurs. On peut penser que l’obstacle majeur à une urbanisation rationnelle est la hausse exagérée des prix de terrains due à la spéculation foncière et immobilière. Il est anormal que des agents économiques privés – particuliers et promoteurs – s’approprient la plus grande part de plus-values provenant, pour l’essentiel, d’aménagements urbains réalisés par la collectivité. Une politique de réserve foncière et d’imposition foncière, la première appelant la seconde si elle veut avoir une réelle ampleur, paraît de jour en jour plus indispensable. Edgard Pisani, ancien ministre de l’Équipement, s’en explique très clairement : « L’urbanisation est un effort par lequel le sol change d’usage. Hier outil de production, il devient en ville support de construction. Par les investissements qu’elle réalise, par les autorisations qu’elle donne, la collectivité change la signification et la valeur du sol. Il est inadmissible que sur ce changement de signification et de valeur puisse s’épanouir une scandaleuse spéculation. Ou bien, par un impôt foncier réel, la collectivité harmonisera les charges et les profits de la croissance urbaine, ou bien elle devra recourir à la municipalisation des sols. Il est temps qu’elle crée l’un pour s’épargner l’autre. »212

C’est dans ce contexte que la Loi d’Orientation Foncière sera écrite et adoptée. Pour autant son analyse dans le détail des procédures montre clairement le basculement d’un système régi par le public à l’instauration d’un système où la négociation et la coproduction sont au cœur de la production urbaine.

Notes
212.

DERYCKE P.H., 1970, Économie Urbaine, Paris, PUF, pp 145-146