2.2 L’application de la méthode structuraliste dans le domaine de la critique littéraire 

Le structuralisme comme méthode a été créé dans le but d’étudier les structures dans tous les lieux où elles se rencontrent. Les structures se définissent comme étant les agencements de relations cachées plus symptomatiques que perceptibles. L’analyse les montre à chaque fois qu’elle les met en évidence.

Si les structuralistes ne s’opposent pas essentiellement aux explications psychologiques et sociales de la littérature, puisqu’il est du droit de ces sciences d’étudier la littérature tout comme elles étudient tout fait ou toute réalité humaine, il n’en reste pas moins que le structuralisme implique l’abandon par la critique de la recherche des conditions du travail littéraire ou de ses définitions extérieures psychiques, sociales ou autres, pour fixer son attention sur le travail littéraire en soi. Il ne faut pas le considérer en tant qu’effet mais en tant que partie intégrante absolue 16. En effet, la notion de l’analyse structurelle est considérée comme équivalente à ce que les Américains appellent la lecture close « close reading » et que les Européens appellent, selon Spetzer, « l’étude inductive des travaux ». Spetzer a décrit cette nouvelle tendance dans l’analyse comme étant « structurelle ». Alors qu’il exposait en 1960 le développement qui l’a mené de l’étude psychologique première du style à une critique affranchie, il réussit à l’utiliser pour expliquer que les travaux libres sont des entités poétiques en eux-mêmes sans avoir recours à la psychologie de l’auteur17 :

« Entendons-nous, nous ne cherchons nullement à contester la validité des interprétations psychanalytiques ou sociologiques. Ces deux sciences ont parfaitement le droit d’interroger l’œuvre littéraire au même titre que toute autre manifestation de la réalité humaine, qui constitue leur objet. Nous voulons seulement leur contester la compétence esthétique qu’elles s’arrogent parfois, peut-être involontairement. En interrogeant le langage du poète comme on fait d’un symptôme ou d’un document, on manque ce qui les distingue et qui est la beauté. Sur le problème, seul pertinent pour le poéticien — par quoi la poésie diffère-t-elle de la prose ? — ni la psychanalyse ni la sociologie n’ont rien à dire. Une métaphore peut être le signe d’une obsession, ce n’est pas pour cela qu’elle est poésie, mais parce qu’elle est métaphore, c’est-à-dire une certaine manière de signifier un contenu qui aurait pu, sans rien perdre de lui-même, s’exprimer en langage direct. Derrière ce vers de Baudelaire :

Mais le vert paradis des amours enfantines,

le psychanalyste a le droit de projeter l’ombre oedipienne de Madame Aupick. Mais la même inférence aurait pu s’appuyer sur une phrase de prose banale : « Les enfants amoureux sont si heureux » qui aurait gardé le contenu et perdu la forme et du même coup la poésie.

La linguistique est devenue science du jour où, avec Saussure, elle a adopté le point de vue de l’immanence : expliquer le langage par lui-même. La poétique doit adopter le même point de vue : la poésie est immanente au poème, tel doit être son principe de base. Comme la linguistique, elle a affaire au seul langage, la différence étant seulement que la poétique prendre pour objet non le langage en général, mais l’une de ses formes spécifiques. Le poète est poète non par ce qu’il a pensé ou senti, mais parce qu’il a dit. »18

"فلا يمكن للدراسات النفسية أو الاجتماعية أن تُقَدِّم لنا صورة فارقة بين الأسلوب الشعري والأسلوب النثري ؛ هذا من خصوصية الدراسة الأدبيـة ومفاهيمها ، وربما كانت الصورة الشعرية ذات دلالة علي فكرها ، ولكنها لا تُعَدُّ سمة شعرية لهذا السبب ، بل لأنها طريقة مجسمة للتعبير عن شيء ، كان يمكن أن يعبر عنه بلغة عادية فكيف عَبَّرَت الصورة عن الفكرة؟ وبطرح آخر كيف تشكَّلت الصورة بالكلمات ؛ فأكسبت اللغة خصوصية داخل النص الأدبي تفرقها من اللغة العادية ؟ هذا هو السؤال الذي يطرحه النقد البنيوي حينما ينظر إلى الأدب لقد أصبحت اللغة علمًا في الوقت الذي أخذت فيه على يد "سوسير" الاعتماد علي نفسها ، أي شرح اللغة باللغة ذاتها ؛ وعلى ذلك فإن انتقال المنهج البنيوي إلى مجال النقد الأدبي كان تركيزًا علي النظر إلى النص الأدبي في ذاته ؛ فعلى الشعر أن يفعل مثل اللسانيات فكلاهما يعمل في اللغة ، والشاعر ليس شاعرًا لما فكر فيه أو أحسه ، ولكنه شاعر لما يقوله ويبدعه من شعر ، فهو ليس خالق أفكار بل كلمات ، فعبقريته تكمن في إبداعه اللغوي" .

(MoÎammad El-waliyy et MoÎammad El- cAmriyy, Binyat ’allu È ah ’a š-š i c riyyah, p. 40.)

À partir de là, l’analyse critique structuraliste traite du travail littéraire sans considération pour les références ou les impulsions, alors que la méthode structuraliste donne à cette étude inductive une forme de rationalité dans la compréhension qui se substitue à la rationalité de l’explication. De même, chaque unité à l’intérieur de la structure du travail littéraire devient délimitée par des relations.

Il reste que cette vision critique inductive de la littérature qui traite du travail littéraire à travers la seule langue, nous amène à réfléchir sur la nature de la littérature et sur sa différence avec la langue ordinaire. Ce qui confirme cela est que la traduction d’une expérience émotionnelle dans un texte littéraire avec une langue non littéraire ne peut être considérée comme un texte de création à l’image du texte d’origine. Au demeurant, Jakobson a pu clarifier les limites entre le structuralisme et le structuralisme critique à travers sa théorie sur les fonctions de la langue de la littérature et sa différence fondamentale avec les fonctions du langage poétique. Il a donc posé les bases de la critique esthétique moderne et montré le « rôle épisodique des valeurs psychiques et sociales » dans cette critique, dans le cas où elle ne constitue pas un bilan qui aide à la compréhension de la structure formelle linguistique des travaux littéraires19.

Le structuralisme a donné à la critique littéraire une mutation méthodique et intellectuelle et approfondi le concept de la critique ainsi que sa terminologie. En outre, il a concrétisé l’application de la connaissance linguistique dans le domaine de l’analyse du texte littéraire.

Notes
16.

Cf. ÑalāÎ FaÃl, Na Û ariyyat ’al-binā’iyyah finnaqdil ’adabiyy, pp. 209-210.

17.

Ibid., p. 13.

18.

Voir J. Cohen, Structure du langage poétique, pp. 40-41.

19.

Cf. ÑalāÎ FaÃl, Na Û ariyyat ’al-binā’iyyah finnaqdil ’adabiyy, p. 211.