1. La dérivation 

1.1  Définition de la dérivation 

Les linguistes arabes s’accordent à considérer la dérivation comme étant le plus grand et le plus important moyen d’enrichissement lexicographique.

Dans son article De la racine au mot ou du mot à la racine, Hassan Hamzé étudie la question de la dérivation et en indique sa conception :

« En arabe, la dérivation se fait, généralement, par le jeu de la flexion interne, parfois au moyen de la flexion externe, comme c’est le cas dans le duel, le pluriel dit "sain" et le nom de relation. »72

Selon H. Hamzé, les spécialistes de la langue arabe ont cerné la dérivation de différentes manières. On peut retenir ici ce qui est défendu par ’Ibn DiÎyah (m. 633 H) lorsqu’il dit : "La dérivation consiste à créer une forme à partir d’une autre forme même si les deux se rejoignent dans le sens, dans la matière et dans la façon de se construire pour exprimer à travers la deuxième [forme] le sens d’origine." (’as-SuyūÔÐ, ’al-Muzhir, vol.1, pp. 346-347.)

" الاشتقاق أخذ صيغة من أخرى مع اتفاقهما معنى ومادة أصلية ، وهيأة تركيب لها ؛ ليدل بالثانية على معنى الأصل ، بزيادة مفيدة لأجلها اختلفا حروفـًا أو هيأة ؛ كضارب من ضَرَبَ ، وحَذِرْ من حَذِرَ ".

La dérivation se fait généralement de deux manières :

1/- à travers la flexion interne.

2/- à travers la flexion externe, comme c’est le cas dans le nom de relation dans la source retenue.

Dans le second cas, il souligne que l’opération de dérivation doit obéir à deux critères, tout en présentant comme argument ce qui a été soutenu par ’Ibn ’as-SarrÁÊ :

- le premier concerne l’existence des lettres d’origine avec leur agencement, aussi bien dans le mot dérivé que dans le mot duquel celui-ci dérive. D’où la convergence des deux mots dans la matière d’origine, dans la façon de se placer et leur divergence dans les voyelles brèves, les lettres, les suffixes et dans leurs formulations.

- le second critère concerne l’existence d’"un sens commun aux deux mots et non le même sens. Si aucun sens commun ne les réunit, il n’y a pas de dérivation, chacun des deux mots étant étranger par rapport à l’autre. Si aucune différence ne les différencie, il n’y a pas de dérivation non plus, l’un des deux mots étant l’autre." 73

Eu égard à ce qui a été cité précédemment, H. Hamzé parvient à deux résultats lors de son exposé de la notion de dérivation dans l’étude de l’ancienne grammaire :

1/- Le phénomène de la dérivation dans le patrimoine syntaxique découle de la racine linguistique de la langue arabe. En effet, les grammairiens arabes soulignent, comme nous l’avons vu dans la définition d’Ibn DiÎyah, que la racine constitue une condition indispensable dans la dérivation car le mot dérivé tout comme celui dont il dérive doivent se rejoindre aussi bien dans le sens commun que dans la racine commune. Par conséquent, la racine reste une chose indispensable à laquelle les grammairiens attribuent l’appellation de lettres d’origine ou bien matière première. Cela ne fait que confirmer sa primauté dans la parole74.

2/- "Les grammairiens arabes considèrent que la dérivation consiste à créer un mot à partir d’un autre. Or, la racine n’est pas un mot ; ce n’est pas une unité du lexique, mais une unité abstraite qui ne se réalise que dans le mot."75

À ce titre, les anciens grammairiens arabes se sont intéressés au sens d’origine, qu’il s’agisse de sons ou de verbes, c’est-à-dire qu’à chaque fois qu’ils ont découvert une ressemblance de forme, ils ont cherché un sens commun entre les deux. Comme le soutient ’Ibn ’as-SarrÁÊ (m. 316 H), ’Ibrahim ’Ibn ’az-ZaÊÊÁÊ (m. 311 H) par exemple, ne voyait pas de convergence dans l’expression entre deux mots sans chercher la relation abstraite qui les lie, si bien qu’il pensait que l’un dériverait de l’autre76.

Notes
72.

Voir Hassan Hamzé, « De la racine au mot ou du mot à la racine : problématique de la création d’une nouvelle mémoire de l’emprunt en arabe » in Revue tunisienne de sciences sociales n o spécial : actes du colloque de linguistique, Tunis 25 -26 et 27 sept. 1997, no 117, année 1998, 35 ème année, p. 62.

73.

Ibid., p. 63.

74.

Cf. Hassan Hamzé, « Fi-l-waÃc wa-l-’ištiqÁq wa-d-dilÁlah », in Revue ’al-Mu c Ê amiyyah, n° 18, 19, 2002-2003, pp. 88-89.

75.

Voir Hassan Hamzé, « De la racine au mot ou du mot à la racine : problématique de la création d’une nouvelle mémoire de l’emprunt en arabe » in Revue tunisienne de sciences sociales n o spécial : actes du colloque de linguistique, Tunis 25 -26 et 27 septembre. 1997, no 117, année 1998, 35 ème année, p. 63.

76.

Cf. ’Ibn ’as-SarrÁÊ, RisÁlat ’al-’ištiqÁq, p. 15.