Chapitre -II La formation par transfert sémantique des termes

1. L’emprunt terminologique interne 

L’emprunt terminologique interne se définit comme étant « emprunt interne par lequel le signifiant d’un terme est transféré d’une langue de spécialité à une autre à l’intérieur d’une même langue.»100 Mathieu Guidère souligne que « la problématique de l’emprunt réside essentiellement dans sa motivation. En règle générale, le traducteur emprunte un mot pour désigner un référent qu’il estime sans équivalent dans sa propre langue […]. L’adoption de ces emprunts se fait de différentes manières : certains subissent des modifications morphologiques, d’autres des modifications phonologiques pour être conformes au système de la langue arabe. Tous, néanmoins, peuvent être classés en trois catégories :

a) les emprunts directs […] ; b) les emprunts assimilés morphologiquement […] ; c) les emprunts homophoniques […]. »101

Sur la base de cette définition, le sens du terme se transmet d’un champ sémantique à un autre avec l’acquisition d’une nouvelle signification. Cela donnera au terme deux acceptions, dont chacune est déterminée par le cadre de la connaissance dans lequel il est employé102.

Cela veut dire que le degré de diffusion du terme dans chacun des deux champs est différent du fait que sa diffusion dans l’un des deux champs est indépendante de sa diffusion dans l’autre103.

Ce qui mérite d’être signalé ici est que l’étude de l’emprunt des termes critiques arabes qui sont traduits se fait en deux étapes :

-la première consiste à présenter les notions des termes français dans le discours français d’origine. Jean Cohen est le premier à avoir emprunté pour la critique littéraire des termes français relevant du patrimoine rhétorique et syntaxique ;

-la seconde consiste à examiner les acceptions du terme arabe emprunté à d’autres disciplines scientifiques afin d’évaluer la portée du changement qu’il a subi, soit par extension soit par rétrécissement lors de son transfert du premier champ vers le champ poétique et structurel.

L’ouvrage de Jean Cohen fait partie de la  «  poétique structurelle »104. Dans le cadre de sa méthode, qui repose sur le recensement, la comparaison et l’interprétation des chiffres, des tableaux et des schémas, l’auteur traite un ensemble de figures rhétoriques à partir de trois phases (le classicisme – le surréalisme – la romantisme) à la lumière de la connaissance linguistique moderne, tout en déclarant que son étude va dans le sens du renouvellement de l’ancienne rhétorique.

À travers le mécanisme de l’emprunt terminologique interne deux ensembles de terminologies, se sont constitués :

1/- des termes loin des champs de la critique littéraire, tirés des sciences linguistiques, notamment la phonétique et la sémantique, à partir de deux sources principales : De Saussure et Jakobson, ainsi qu’à partir des théories de la grammaire générative, et des indications de la logique, de la psychologie, de la sociologie et de l’histoire.

2/- d’anciens termes rhétoriques et syntaxiques très répandus chez Jean Cohen, qui a procédé à leur présentation à la lumière des notions structurelles. Cette orientation vers la renaissance des termes classiques, ne constitue pas véritablement une orientation propre à l’auteur mais a été également adoptée par les structuralistes et il est possible d’attribuer au structuralisme l’appellation de « la nouvelle aristotélicienne » pour s’être appuyé sur Aristote et sur la rhétorique classique105.

Notes
100.

Voir Lelubre Xavier, La terminologie arabe, p. 259.

101.

Voir Mathieu Guidère, « La créativité lexicale en arabe moderne : l’exemple de la traduction publicitaire », in Revue turjman, p. 115. Voir aussi Nabil Esber, La terminologie de la linguistique : problème de traduction, français-arabe, tome III, textes traduits, p. 103.

102.

Cf. Mahdi ŠarÐf, Mu ÒÔ ala Î naqd ’ašši c r, p. 241.

103.

Cf. Stephan Ulmann,  D aw r al-kalimah fil-lu È ah, traduit par Kamāl Bišr, p. 166.

104.

Cf. El-waliyy et El- cAmriyy, Binyat ’al-lu È ah ’a š-š i c riyyah, p. 5.

105.

Idem, p. 13.