2.1.3 L’emprunt des termes et les modalités de l’analyse de la structure poétique 

2.1.3.1 L’emprunt linguistique

Selon L. Leroy :

« L’emprunt est une innovation de la parole, elle affecte des parties diverses de la langue phonétique, morphologique, syntaxique, vocabulaire ; dans ce dernier cas, le plus fréquent, les grammairiens usent du terme "néologisme" quand ils veulent ranger l’emprunt dans une catégorie lexicographique, le mot emprunté est en effet par essence un néologisme. »111

L’emprunt linguistique est un fait auquel aucune langue humaine, diachroniquement ou synchroniquement parlant, ne peut inéluctablement échapper, il est l’inévitable conséquence des contacts entre les langues, les cultures et les civilisations. C’est aussi une source de nomination lexicale et terminologique que toute langue vivante renferme, « l’emprunt est tellement un phénomène habituel et indispensable dans les langues, écrit Tournier, que l’on admet que le latin médiéval est devenu une langue morte quand il n’a plus emprunté, n’a plus créé. »112

Les termes équivalents en arabe sont effectivement puisés dans d’autres disciplines (la linguistique, la psychologie, la logique…). Cela trouve son explication dans le fait que les origines des termes français remontent à ces termes qui sont puisés dans d’autres disciplines scientifiques et plus particulièrement la linguistique. En effet, l’écrivain français utilise ces termes pour présenter une analyse structurale du message poétique. Ce qui a fait que ces termes, dans cette étude, ont été considérés comme faisant partie de ceux de la structure poétique. Et il est possible de donner comme exemples les termes (communication – message – code – émetteur – contexte). Des termes qui constituent une partie de ceux qui ont été transmis de la linguistique vers la science de la critique structurale.

« Jean Cohen a recours à l’emprunt des origines de ces termes dans la langue française, à partir de la linguistique, en se basant sur la règle disant : "La linguistique est devenue une science, le jour où avec Saussure, elle a adopté le point de vue de l’immanence : c'est-à-dire le fait d’expliquer le langage par lui-même. En plus, la poétique doit adopter le même point de vue. Donc, La poésie est immanente au poème. À l’instar de la linguistique elle s’intéresse uniquement au langage." » (El-waliyy et El- cAmriyy, Binyat ’allu È ah ’a šš i c riyyah, p. 40.) 

لقد سبق (جون كوهين) الترجمة العربية في استعارة أصول هذه المصطلحات في اللغة الفرنسية من عـلم اللسانيات تأسيسًا على قاعدة وهى: "أن اللسانيات قد صارت علمًا يوم تبنت مع سوسير مبدأ المحايثة ، أي تفسير اللغة باللغة نفسها. ويجب على الشعرية أن تتبنى المبدأ نفسه، فالشعرية محايثة للشعر ، وهي كاللسانيات تهتم باللغة وحدها".

Ce qui distingue la linguistique de la poétique est que la première s’intéresse à la langue générale alors que la seconde se limite à l’une de ses formes spécifiques. J. Cohen écrit :

‘« La linguistique est devenue science du jour où, avec Saussure, elle a adopté le point de vue de l’immanence : expliquer le langage par lui-même La poétique doit adopter le même point de vue : la poésie est immanente au poème, tel doit être son principe de base. » 113

Jean Cohen fait appel à ces termes à partir de la linguistique pour présenter une analyse structurelle de la figure poétique, dont la formation poétique repose sur un élément placé en dehors de la phrase, c’est-à-dire dans le contexte que l’on peut illustrer à travers ces deux structures poétiques :

Je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé

Le Prince d’Aquitaine à la tour abolie… 114

La figure poétique relevée à travers ces deux vers, est constituée d’un élément étranger que l’on peut expliquer et prendre en considération, à la lumière d’un système de liaison poétique qui repose sur une base linguistique, comme le soutient Jakobson fondateur de « la structure linguistique moderne. » Selon lui, tout événement linguistique comprend un message et quatre éléments qui lui sont liés : L’émetteur, le récepteur, le contenu du message et le code utilisé115.

Le message (M) et le code sous-jacent (C) sont tous deux des supports de communication linguistique, mais tous deux fonctionnent d’une manière dédoublée : l’un et l’autre peuvent toujours être traités soit comme objets d’emploi, soit comme objets de référence. C’est ainsi qu’un message peut renvoyer au code ou à un autre message, et que, d’un autre côté, la signification générale d’une unité du code peut impliquer un renvoi, soit au code, soit au message116. Le pronom personnel «je» indique, selon le code, la personne qui émet le message, tout comme il peut faire allusion à toute autre personne. Aussi, pour éviter toute forme d’ambiguïté allant dans ce sens, il faudrait définir la substance même de celui qui émet le message.

L’émetteur reste donc celui qui parle. Du fait que le poème est une œuvre écrite, cela suppose que la langue écrite se réalise en dehors du cadre. Nous nous retrouvons devant une figure poétique constitué de références tirant le pronom personnel «je» vers de nouvelles significations qui n’existaient pas dans le code. L’absence de référence à laquelle fait allusion le code dans le message lui-même va donner lieu à une carte connotative à même de créer une figure (celle du poète absolu)117.

Notes
111.
Cité par Akram Odeh,La traduction et la terminologie linguistique du français en arabe, thèse de doctorat Lyon II, 1998, p. 210.
112.

Ibid., p. 320.

113.

Voir J. Cohen, Structure du langage poétique, p. 41.

114.

Ibid., p. 148.

115.

Ibid., pp. 147-148.

116.

Cf. Voir J. Cohen, Structure du langage poétique, p. 147.

117.

Cf. Voir J. Cohen, Structure du langage poétique, pp. 148-149. Voir aussi ÑalāÎ FaÃl, Na Û ariyyat ’al-binā’iyyah fi-nnaqd al-adabiyy, pp. 256-258.