3- Le système éducatif

En Iran, la scolarité est obligatoire de 6 à 14 ans ; elle couvre ainsi huit années d’études, à raison de 5 années pour l’école primaire et 3 années pour le premier cycle du secondaire. À la période obligatoire fait suite le second cycle de l’enseignement secondaire, pour les adolescents de 15 à 18 ans, avec 3 années de lycée suivies d’une année de préparation pour ceux qui envisagent de poursuivre leurs études au niveau supérieur. Les statistiques scolaires révèlent qu’entre 1966 et 1996 le nombre total des élèves des enseignements primaire et secondaire a été multiplié presque par 6 (soit une hausse moyenne annuelle de 6,2 %). En 1996, plus de 80 % des jeunes de la population de 6-19 ans sont scolarisés par le système éducatif, contre 37 % en 1966. Cette massification est encore plus importante pour le deuxième cycle du secondaire : 3,6 millions d’élèves en 1996-1997 contre 1,2 millions en 1979-1980, soit un taux de croissance annuelle moyen de 7,1 % (Paivandi, 2004).

La révolution islamique de 1979 marque un tournant dans l’évolution du système éducatif iranien. Une des priorités du nouveau régime a été d’amener tous les enfants iraniens sur le chemin de l’école primaire, obligatoire et gratuite. Vingt-sept ans après les premières mesures, les statistiques résument clairement cette évolution : le taux de scolarisation primaire des filles est passé de 28 % en 1979 à 97 % aujourd’hui. Les garçons, scolarisés à 59 % en 1979, le sont aujourd’hui à 98 %. L’Unicef, basé à Téhéran, est la première à reconnaître l’important travail en matière d’éducation qui a été fourni par le régime islamique : un cinquième du budget national iranien est désormais consacré à l’éducation, plusieurs milliers de nouvelles écoles ont été construites, des aides spécifiques ont été débloquées pour les familles les plus démunies. Les fournitures scolaires sont largement subventionnées : pour 9200 rials (15 francs), chaque enfant achète pour l’année ses livres de classe, dix cahiers, dix crayons et une gomme.

Aujourd’hui, plus de dix-sept millions d’enfants sont scolarisés. Un pari qui semblait bien difficile à tenir dans un pays à la croissance démographique importante, où plus de la moitié de la population a moins de quinze ans. Et contrairement aux idées reçues, la plupart des filles vont bien à l’école en Iran.

L’expansion quantitative du système éducatif en Iran s’est réalisée dans un contexte particulièrement difficile, caractérisé par la multiplication des problèmes économiques, politiques et démographiques. On assiste, durant cette période, à une très forte poussée de la demande liée à la croissance démographique élevée d’une part, et aux besoins non satisfaits en éducation, d’autre part. La forte croissance quantitative de ces deux dernières décennies n’a pas été suivie par les dépenses publiques pour l’éducation. Le ralentissement généralisé de la croissance des budgets publics d’éducation a été largement lié à celui de l’économie et à la guerre dévastatrice avec l’Irak (1980-1989). Par conséquent, la décroissance continue des ressources publiques pour l’éducation face à une demande particulièrement forte a produit au moins deux effets visibles :

Ces transformations quantitatives remarquables doivent aussi être étudiées en rapport avec un autre fait important, à savoir la nouvelle orientation du système éducatif, après 1979, qui prétend incarner « l’idéal islamique ». Le cas iranien constitue à double titre une expérience récente et importante dans ce domaine. D’une part, on se trouve face à un système éducatif largement instrumentalisé par l’institution politique afin de former le nouvel individu de la « société islamique ». À travers cette orientation politique et idéologique de l’école, le système éducatif iranien revendique, d’autre part, la mise en œuvre d’un nouveau modèle éducatif fondésur les valeurs islamiques, dans lequel, par exemple, la séparation des femmes et des hommes constitue une donnée essentielle.

Les éléments les plus importants des finalités du nouveau système éducatif iranien adopté par le Conseil Supérieur de l’Education, selon B. Mohsenpour (1988), se résument ainsi :

Ces préoccupations idéologiques ne pouvaient qu’avoir des répercussions importantes sur la manière de percevoir le fonctionnement du système éducatif et les programmes scolaires. Les réformes issues de ces orientations ont radicalement changé le système éducatif iranien. Dans la perspective de ces réformes, les manuels scolaires, la formation des enseignants et la mise en place d’un dispositif de propagande politico-religieuse à l’intérieur de chaque établissement occupent une place prépondérante.

Ces nouvelles orientations du système éducatif iranien sont largement soulignées et analysées dans les travaux de Yavari-d’Hellencourt (1988), Mehran (1991, 1992), Taleghani (1994), Paivandi (1995a et 1998), Javanroh (1998), Menashri (1992) et Nahid (1993-1994), qui mettent l’accent sur l’endoctrinement religieux comme la principale caractéristique du système éducatif iranienne après 1979. L’éducation des filles constitue un axe important des réformes successives que connaît l’école iranienne depuis 20 ans. Les changements intervenus concernant les filles comprennent certaines mesures ou restrictions en rapport avec  les règles et principes islamiques (porter le voile par exemple), le contenu des manuels scolaires et la nouvelle politique de l’orientation sexuée des élèves (interdiction de certaines disciplines techniques ou des filières économiques et juridiques pour les filles) ou une organisation très contraignante pour les établissements féminins. La loi d’orientation du ministère affirme la nécessité d’une éducation  adaptée à chaque sexe.

En Iran, l’éducation est fortement centralisée. Le ministère de l’éducation est responsable de la planification éducative, du financement, de l’administration, de l’élaboration des programmes et des livres de cours. La formation des professeurs, leur notation et les examens relève également de la responsabilité du Ministère. On compte approximativement 92500 établissements publics, tous niveaux confondus et un effectif total de 17 488 000 élèves et élèves inscrits.

La structure actuelle du système est constituée de l’éducation pré-primaire (maternelle) non obligatoire, de l’éducation primaire, secondaire de base (cycle d’orientation), secondaire supérieure et des établissements d’éducation supérieure. Tous les établissements publics d’éducation sont placés sous le contrôle du ministère de l’Éducation.Comme le système est fortement centralisé, il est difficile de faire la différence entre l’administration et les organismes d’accréditation. Pour l’éducation supérieure, le Haut Conseil de la révolution culturelle détient l’autorité suprême. Il autorise la création de nouveaux établissements, encadre la politique éducative et la planification et il contrôle les opérations d’admission dans les établissements post-secondaires. Le Haut Conseil de la planification, qui est présidé par le ministre de la Culture et de l’Éducation supérieure, est responsable de l’approbation des programmes d’enseignement supérieur et des projets.

Pour le primaire, le secondaire de base (cycle d’orientation) et secondaire supérieur, l’enseignement privé se déroule dans le cadre d’établissements à but non lucratif. Ces écoles doivent se conformer aux directives du ministère de l’éducation, bien qu’elles soient financées principalement par les frais de scolarité versés par les familles des élèves. Les établissements privés suivent le même programme que les établissements publics. Les écoles pratiquent une sélection rigoureuse et sont libres de concevoir leurs propres examens d’entrée. Un nombre significatif d’élèves reçoivent leur éducation dans des écoles tribales ou ethniques ; les tribus nomades sédentarisées sont considérées comme des communautés rurales. L’éducation tribale n’existe pas au niveau secondaire supérieur. 6 % environ des établissements d’éducation secondaire supérieure sont des établissements privés.

En 2001, le taux d’alphabétisation de la population de plus de six ans a atteint 80,4 % (85,1 % des hommes et 75,6 % des femmes). L’écart entre régions urbaines et régions rurales n’est plus que d’environ 14 % (86,25 % de la population urbaine contre 72,4 % des ruraux). On constate cependant d’importants écarts entre les différentes provinces iraniennes et à l’intérieur même de ces dernières. Le taux net de scolarisation dépasse 97 % et est quasiment le même pour les filles et les garçons.

Cependant, les moyennes nationales masquent des disparités entre les sexes et entre les régions. S’il est vrai que le taux de scolarisation des garçons est de 98 % à l’échelle nationale, il diffère considérablement d’une province à l’autre. Pour les filles, ce taux varie de 99 % à Téhéran à 84 % dans le Sistan-Baluchestan. L’amélioration énorme du niveau d’instruction de la population iranienne s’explique par les investissements très importants que le Gouvernement a réalisés en faveur de l’enseignement public (qui représente en moyenne 45 % du budget des affaires sociales du gouvernement depuis 1989). Malheureusement, le taux de fréquentation des établissements préscolaires est remarquablement bas (moins de 15 %), aucune différence notable n’étant constatée à cet égard entre les garçons et les filles. Des efforts devraient donc être entrepris afin de développer les possibilités d’apprentissage des enfants d’âge préscolaire (Unicef, 2006).