Deuxième partie. L’intégration des TIC dans les systèmes éducatifs

Tous les pays souhaitent améliorer la qualité et l’efficacité du processus d’apprentissage scolaire et voient dans les TIC le moyen d’y parvenir. Des investissements colossaux sont consentis pour équiper les écoles en outils numériques. Les pouvoirs publics veulent connaître les conditions à satisfaire pour que cet effort se traduise par une amélioration des résultats des élèves (OCDE, 2001 : 9)Cependant, discuter sur l’intégration des TIC dans le système éducatif est un défi à relever, tellement les questions sont nombreuses. La situation des TIC est le reflet du développement économique, social, culturel et administratif. Globalement la dimension des TIC doit être intégrée dans les grandes stratégies sociales et éducatives (Larsen, et Istance, 2001), Tel l’OCDE, qui dans son article concernant les nouvelles technologies à école donne, dans une vision très large,les arguments en faveur de l’intégration des TIC à l’école qui relèvent de trois domaines : économique, social et pédagogique. Ces trois champs se recoupent mais ils peuvent impliquer des axes prioritaires différents dans l’introduction et l’utilisation des TIC à l’école.

La logique économiquemet l’accent sur les besoins perçus de l’économie – présente et future – et le besoin de personnel compétent en TIC qu’ont de nombreux secteurs d’emploi. La connaissance des outils numériques et l’aisance à les manier sont en effet un important facteur d’employabilité au XXIe siècle. On admet généralement que celles des nations qui sauront s’adapter à l’ère de l’information en retireront des bénéfices économiques. Prendre conscience de cette dimension économique peut encourager tous les apprenants à acquérir ces compétences et certains à prendre les TIC en option dans une optique de spécialisation professionnelle, notamment l’étude de l’informatique au niveau supérieur et postscolaire.

La logique sociale se fonde sur le fait que l’aptitude à manier les TIC devient une condition préalable à l’insertion sociale et professionnelle. Ces compétences sont considérées comme des « compétences vitales » aussi essentielles que l’aptitude à lire, écrire et compter, de sorte que l’alphabétisation informatique, qui recouvre l’éventail des capacités et processus liés aux TIC, devient une exigence et un droitpour tous les apprenants. Il est donc important de trouver des moyens de dédommager ceux qui ont un accès limité aux ordinateurs hors de l’école. La société souffrira si certains de ses membres ne savent pas, ou pas assez, se servir des outils numériques, et ce d’autant plus que les services, publics et privés, sont de plus en plus proposés en ligne. La pénétration croissante des TIC dans la société apportera des bénéfices plus vastes – liens renforcés entre l’école et la famille, meilleur suivi des progrès des élèves par leurs parents, et plus grande possibilité pour les écoles et autres établissements éducatifs de jouer un rôle interactif dans la vie et l’évolution de la société.

Troisièmement, la logique pédagogiqueconcerne le rôle des TIC dans l’enseignement et l’apprentissage. À cet égard, les progrès techniques ont permis de remarquables avancées depuis les premiers programmes et l’utilisation limitée à un petit nombre de disciplines. Les TIC peuvent élargir et enrichir l’apprentissage, en particulier par l’actualité et le réalisme des nouvelles ressources. Elles peuvent étayer le développement de compétences cognitives d’ordre supérieur, notamment la capacité d’analyse et de synthèse.

Ces logiques économique, sociale et pédagogique convergent car l’alphabétisation informatique acquise et développée par l’utilisation pédagogique des TIC est explicitement nécessaire dans le travail et dans les loisirs de la vie contemporaine. À elles trois, ces logiques apportent une justification irréfutable de l’exploitation pleine et entière des apports des TIC à l’éducation. La société moderne compte de plus en plus sur l’école pour former des individus capables de pensée indépendante et créative, sachant résoudre des problèmes avec confiance et gérer leur apprentissage tout au long de la vie, qualités que les TIC sont précisément en mesure de promouvoir au plus haut degré (OCDE, 2001 : 10-11).

Cependant, la mise en place des TIC dans les systèmes éducatifs des pays en voie de développement se heurte à plusieurs barrières potentielles qui peuvent être très diverses : les obstacles sociaux, problèmes d’ordre financier, le manque de prise de conscience de l’importance de l’information dans le développement de la nation, les barrières infrastructurelles, la politique nationale ou régionale pour intégrer les TIC dans l’éducation (formelle et non formelle), le manque d’existence d’une politique appropriée, claire et cohérente au niveau national et local en matière de TIC, dans la majorité des pays en voie de développement, l’efficacité des TIC dans le domaine de l’enseignement, des pouvoirs locaux, des associations intermédiaires, de l’enseignement, des ONG, des acteurs économiques pour mettre en place des TIC dans le système éducatif, les préoccupations culturelles et linguistiques, la peur que l’utilisation des TIC ait la résistance culturelle à adopter de nouveaux comportements, les coûts très élevés des équipements, les problèmes d’accès au réseau, le manque d’infrastructures telle l’énergie, et le manque de politiques cohérentes en matière de TIC . On trouve peu d’études qui montrent les obstacles et les barrières des TIC dans les systèmes éducatifs des pays en voie de développement. Seuls les directeurs et les coordinateurs techniques d’établissements d’enseignement secondaire (Pelgrum, 2004 : 61-62) qui ont participé à la Deuxième étude sur les technologies de l’information dans l’éducation (SITES-M1), ont reçu une liste type d’obstacles potentiels comportant 38 choix possibles et ont dû « Indiquer le ou les obstacles qui constituent, d’après vous, des obstacles majeursà la réalisation des objectifs de votre établissement dans le domaine informatique pour des élèves en classe ». À partir de leurs réponses, le pourcentage moyen des personnes ayant coché chaque obstacle sur l’ensemble des pays participants, a ensuite été calculé. Les résultats reproduits sur le tableau (2-1)sont classés par ordre de pourcentage moyen décroissant.

Comme l’indique ce tableau,les dix obstacles les plus fréquemment cités (pourcentage moyen supérieur à 50 %) font référence à la fois à des conditions matérielles et non matérielles. Le nombre insuffisant d’ordinateurs arrive en tête de liste. Ce problème avait déjà été signalé en 1989 et en 1992 (Pelgrum et Plomp, 1993 ; Pelgrum, Reinen et Plomp, 1993). Dans ces dix premiers obstacles figurent également d’autres conditions matérielles, telles que périphériques inadaptés, copies de logiciels en nombre insuffisant et manque d’ordinateurs permettant d’accéder simultanément à la Toile. Le manque de compétences et de connaissances des enseignants dans le domaine des TIC vient en deuxième position, preuve que la majorité des pays n’avait pas encore réussi à offrir à leurs enseignants une mise à niveau sur les nouvelles technologies. Dans les dix premiers obstacles non matériels, on peut citer : la difficulté d’intégrer les TIC dans l’enseignement, l’aménagement d’horaires suffisants pour la pratique informatique des élèves, le manque de temps des enseignants ainsi que le manque de personnel de contrôle et de techniciens.

Tableau (2-1). Liste d’obstacles classés par pourcentage moyen de réponses par pays
Obstacle % Obstacle %
Nombre insuffisant d’ordinateurs 70 Mauvaise formation des enseignants 31
Manque de connaissances/de compétences des enseignants 66 Logiciels pas assez adaptables 29
Difficile à intégrer dans l’enseignement 58 Les élèves en savent plus que les enseignants 29
Aménagement des horaires réservés à la pratique informatique du réseau 58 Internet : lenteur des performances 28
Nombre insuffisant de périphériques 57 Manque d’intérêt des enseignants 27
Nombre insuffisant de copies de logiciels performants 54 Difficile à utiliser par des élèves peu performants 22
Manque de temps des enseignants 54 Infrastructures des Télécom médiocres 21
Internet : nombre insuffisant d’accès simultanés 53 Internet : difficulté à trouver des informations 21
Manque de personnel de contrôle 52 Internet : surabondance d’informations 20
Manque d’assistance technique 51 Programmes logiciels incompatibles 19
Réseau scolaire local obsolète 49 Manque d’assistance administrative 19
Peu d’opportunités de formation
43 Logiciels non disponibles
dans la langue d’enseignement
18
Internet : les enseignants n’ont pas le temps de surfer 41 Manque de soutien de la part du conseil d’établissement 17
Internet : aucun horaire prévu dans le programme scolaire 41 Pas de plan de prévention des vols/vandalisme
15
Manque d’informations sur les logiciels
38 Logiciels inadaptés à la culture 1 2
Internet : pas assez de connexions 35 Logiciels trop compliqués à utiliser 10
Internet : soutien technique insuffisant 34 Équipements Internet de mauvaise qualité 9
Manque d’espace pour loger les équipements 32 Internet : complexité des connexions 8
Infrastructures médiocres
(télécommunications, etc.)
32 Internet : surcharge des boîtes aux lettres électroniques 4

Source :Pelgrum, 2001 : 163-187

Toutefois, pour bien préciser la situation des TIC dans les systèmes éducatifs des pays en voie de développement, on peut s'appuyer sur quelques qui bloquent ou facilitent l’intégration rapide des TIC dans le système éducatif des pays en voie de développement. En fait, pour déterminer les obstacles ou les opportunités pour les TIC dans les systèmes éducatifs de ces pays il y a intérêt à utiliser des indicateurs ou des critères permettant de vérifier les résultats obtenus. Des indicateurs sont indispensables pour apporter une réponse aux problèmes que posent le rôle, l’efficacité et l’impact des TIC dans l’éducation.

Pour Carmelita Villanueva (2003), Membre de l’Équipe sur les TIC au service de l’éducation dans les programmes et services d’information de l’UNESCO, en raison des nombreux problèmes liés à l’impact des TIC en général, il devient urgent de chercher à savoir s'il y a des exemples réussis d'utilisation des TIC dans l’éducation. À mesure que l’utilisation des TIC se généralise, les établissements scolaires et d'autres institutions d’enseignement, ainsi que l’ensemble des systèmes éducatifs, doivent définir des indicateurs pour suivre l’utilisation des technologies et leurs résultats et s’acquitter de leur obligation de transparence envers les sources de financement et le public. Ces indicateurs sont nécessaires pour mettre en évidence les liens entre l’utilisation de la technologie et les réformes de l’enseignement, les moyens accrus mis à la disposition des enseignants, les changements induits dans les modes d’enseignement et d’apprentissage et le processus didactique. Il faut montrer que l’éducation ne devrait pas se borner à utiliser la technologie comme une fin en soi, mais aussi comme un moyen de promouvoir la créativité, l’autonomie et l’égalité et de former des élèves performants et capables de résoudre les problèmes.

Dans le développement des TIC, il est possible d’affirmer que l’application des nouvelles technologies à l’éducation dans la majorité des pays en voie de développement va poser différents problèmes et qu'elle est freinée par les caractéristiques du contexte, de la mise en place(Input) et de la mise en œuvre(process) des TIC. Donc pour bien définir des indicateurs et analyser les obstacles et ce qu’apportent les TIC dans le système éducatif des pays en voie de développement, on peut profiter d’une approche globale et systémique du modèle de Stafflebeam qui permet une description large des TIC en éducation. Ce Modèle, largement utilisé dans la recherche en éducation qui comprend 4 piliers ; contexte, mise en place, mise en œuvre et produit. En effet ce modèle, surtout les trois premiers piliers peut être un bon guide et apporter des indicateurs fiables pour bien connaître la situation des TIC dans des pays en voie de développement et surtout la situation des TIC dans les systèmes éducatifs iranien et indien abordée plus loin.