2. Les intérêts et les défis économiques de la mondialisation

En général, la définition la plus courante de la mondialisation, insiste sur les aspects économiques qui y prennent une place immense. De nos jours, les définitions du mot mondialisation accordent pour la plupart une attention spéciale à axe l’économique et à tous les intérêts et les dommages financiers qu’elle apporte pour tout le monde. Par exemple, pour Jean-Pierre Michiels et Dimitri Uzunidis, la mondialisation repose sur deux évolutions fondamentales : technologique, avec l’avènement d’Internet, et idéologique, avec la primauté des lois du marché et du libre-échange (Elmandjra, 1992).

Un autre exemple de définitions économiques de la mondialisation est celle de la Commission européenne de 1997 qui dit : "La mondialisation peut se définir comme le processus par lequel l’interdépendance entre les marchés et la production de différents pays s’accroît sous l’effet des échanges de biens et de services ainsi que des flux financiers et technologiques. Il ne s’agit pas là d’un phénomène nouveau mais de la poursuite d’une évolution amorcée depuis longtemps".

Dans le même ordre d’idées, Antoine Ayoub en 1998 suggère une définition qui souligne le rôle central du libre-échange s’étendant à une portion de plus en plus large des activités humaines. Selon lui, la mondialisation peut être définie comme étant la propagation de la libre circulation des biens, des services, des capitaux, des hommes et des idées entre tous les pays en faisant abstraction des frontières politiques qui les séparent.

Enfin, pour connaître le concept économique de la mondialisation, il faut dire qu’il est apparu il y a environ 25 ans pour décrire des évènements et phénomènes nouveaux du monde contemporain. Dans le livre« Mondialisation – les mots et les choses », il est fait mention d’une liste de faits ou d’évènements décrivant ce qu’on peut appeler un processus de mondialisation où tous les évènements démontrent la place spéciale de l’économie dans le concept de la mondialisation. On assiste donc depuis 25 ans à :

Cependant pour bien comprendre du sens économique de ces définitions, il est indispensable de revoir l’histoire de la mondialisation. Dans ce sens, la mondialisation, en tant que phénomène, prend sa source dans la libéralisation des échanges et l’émergence des marchés mondiaux. En effet, la naissance d’une économie-monde remonte à l’époque moderne, au XVIe siècle. Inséparable de l‘essor des échanges lié aux Grande Découvertes, elle a été mise en relief par l’historien Fernand Braudel. À partir de l’exemple de la Méditerranée, à l’époque du roi d’Espagne Philippe II, Braudel met en évidence la naissance d’un capitalisme marchand, qui tend à déborder son espace d’origine, d’ou cette expression d’ « économie-monde » qui s’applique à une partie de la planète, économiquement autonome et organisant l’espace autour d’elle. Il ne s’agit cependant que d’une ébauche de mondialisation : Les échanges de biens sont le trait dominant, le monde demeure considérablement cloisonné et Braudel ne distingue pas moins de 76 aires culturelles différentes dans le monde de l’an 1500.

Mais la libéralisation des échanges débute véritablement lorsque les États souverains modernes, rejetant, à partir du XVIIIe siècle, le mercantilisme et le protectionnisme, acceptent l’idée de commercer entre eux librement et à cette fin entreprennent concrètement de lever les barrières faisant obstacle à l’échange. Telle que conçue à cette époque, la libéralisation des échanges impliquait principalement l’acceptation du principe de non-discrimination, l’abaissement des barrières tarifaires et une ouverture au moins partielle à la présence commerciale étrangère, le tout généralement sous la forme de traités dits de "paix, de commerce et de navigation". Avant même la fin du XIXe siècle, toutefois, les tendances au protectionnisme refaisaient surface et, au sortir de la Première Guerre mondiale, on assista à l’érosion de pratiquement tous les gains réalisés au siècle précédent en termes de libéralisation des échanges.

Mais le premier âge d’or de la mondialisation fut entre 1870 et 1914.la révolution industrielle qui introduit à partir de 1750 une rupture essentielle. Débutée en Angleterre, elle gagne le continent vers 1830, s’étend aux États-Unis. Le développement de ce capitalisme industriel débouche sur une augmentation du commerce mondial de telle sorte que les années 1870-1914 peuvent être qualifiées de premier âge d’or de la mondialisation. Deux facteurs essentiels expliquent cette première mondialisation, qu ‘il convient sans doute davantage de dénommer internationalisation : 1) l’essor des moyens de communication et 2) une première libération des échanges voulue par le Royaume-Uni et justifiée par les théories libérales d’Adam Smith (1723-1790) et de David Ricardo (1772-1823).

Depuis 1945, la mondialisation est un mouvement continu, qui ne cesse de s’étoffer. En fait, cette date est une rupture. Depuis 1945, se met en place progressivement dans un mouvement continu ce qu’on peut appeler le système monde ou plus généralement la mondialisation. Depuis cette date on peut voir, en effet, les changements suivants :

Les années 1980 et 1990 resteront dans l’histoire comme la période ayant vu l’accélération de la mise en œuvre des préceptes néo-libéraux. En élèves appliqués des théories de l’école de Chicago, Ronald Reagan et Margaret Tatcher ont façonné un ordre économique international voué au culte du profit, au bienfait de la concurrence et à la limitation du rôle de l’État. Vingt ans plus tard, le "Consensus de Washington" et ses corollaires, privatisation, dérégulation, ajustement structurel, mise en concurrence des systèmes sociaux et fiscaux, continue de creuser le fossé Nord-Sud.

Repoussant sans cesse ses frontières et ses garde-fous, le capitalisme est entré dans un nouvel âge. Ce nouveau capitalisme financier transnational qui vise à la marchandisation sans limites de toutes les activités humaines, notamment celles qui relevaient des services publics, est caractérisé par la domination de la sphère financière, la logique spéculative, la dictature du court terme et des rendements rapides, ainsi que la mise en concurrence des pays et de leurs systèmes fiscaux et sociaux à l’échelle mondiale. Celle-ci pousse les gouvernements à abaisser le coût du travail et les protections collectives, à renoncer à la maîtrise de certaines ressources naturelles, pour mieux attirer les investisseurs.

En outre, la mondialisation au sens actuel a commencé environ ces deux dernières décennies à travers les discours économiques, sociaux et politiques. Au cours des deux dernières décennies, le commerce mondial a enregistré une croissance rapide. Depuis 1986, il ne cesse d’augmenter nettement plus vite que le produit intérieur brut (PIB) mondial. Dans les années soixante-dix, la libéralisation des échanges dans le cadre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) a été modeste et progressive et a surtout concerné les pays industrialisés bien plus que les pays en voie de développement. Au début des années quatre-vingt, elle s’est accélérée, notamment dans les pays en voie de développement.

Cette augmentation des échanges n’a pas profité à tous les pays de façon uniforme, les pays industrialisés et un groupe de 12 pays en développement en ayant été les principaux bénéficiaires. La majorité des pays en développement n’a enregistré aucune augmentation significative des échanges.