4. Des pays en voie de développement contre la mondialisation de la culture : les valeurs et les défis culturels et identitaires

La mondialisation fait de la terre une scène unique de jeux de comparaison, d’imitation, de compétition et aussi de coopération. La mondialisation a été la plus controversée parce qu’elle a des effets à la fois positifs et négatifs, donc lorsqu’on veut parler pour l’histoire récente d’avancée de la mondialisation, on est susceptible de réfléchir à ses effets négatifs. Ainsi, les polémiques font rage sur les conséquences négatives de la mondialisation dans les domaines de la culture  et de l’identité, tout aussi controversé et qui sème même encoreplus la discorde, parce qu’aujourd’hui il engage tous les individus ordinaires pas simplement les personnes spécialistes : les hommes politiques, économistes, des responsables non gouvernementaux et des acteurs sociaux particulièrement actifs.

Cependant soulignons avec Moreau Defarges  que beaucoup de conflits de la mondialisation ne sont pas neufs, mais ils sont amplifiés, reformulés, se répétant presque à l’identique au niveau mondial, régional, national, local. La mondialisation, en consacrant la Terre comme un espace fini, en liant plus ou moins la survie de l’humanité à l’acceptation d’un destin commun, suscite bien des conflits nouveaux : unité de valeurs et culture et le destin des identités nationales et locales (Moreau Defarges, 2001 : 63).

Mais on ne sait pas comment on est arrivé à cette situation dangereuse. En réalité on sait que grâce aux TIC et aux autres moyens de la mondialisation, les contacts entre les individus, leurs valeurs, leurs idées et leurs modes de vie ont été accrus, comme jamais auparavant. Les gens voyagent plus fréquemment et plus loin et ils voient tous le monde. La télévision arrive maintenant jusque dans des familles vivant au plus profond des régions rurales de Chine. De la musique brésilienne à Tokyo aux films africains à Bangkok, en passant par Shakespeare en Croatie, aux livres d’histoire sur le monde arabe à Moscou et aux informations mondiales de CNN à Amman, les individus savourent la diversité de l’âge de la mondialisation.

Pour beaucoup, cette nouvelle diversité est stimulante, voire enrichissante, mais pour certains, elle est troublante et désarmante. Ils craignent que leur pays se fragmente, que leurs valeurs se perdent au fur et à mesure que le nombre croissant d’immigrants apporte de nouvelles coutumes et que le commerce international et les moyens de communication modernes envahissent chaque recoin du monde, en supplantant la culture locale. Certains prévoient un scénario cauchemardesque d’homogénéisation culturelle – les diverses cultures nationales laissant place à un monde dominé par les valeurs et les symboles occidentaux.

Or la mondialisation est une réalité du monde d’aujourd’hui, un fait incontournable qui nous affecte tous. La mondialisation n’est pas seulement un fait économique, il faut la voir comme une question fortement culturelle qui est renforcée par le développement des communications et des médias mondiaux. En revanche la mondialisation est un événement puissant qui touche un très grand nombre de civilisations, des cultures et des identités, en particulier les pays non occidentaux comme l’Inde, l’Iran, sans faire attention au fait que les cultures de tous ces pays puissent respirer aussi librement.5 Donc de nos jours, les civilisations et les cultures des pays en voie de développement, de plus en plus, se trouvent confrontées aux aspects nouveaux et lourds de conséquences de la mondialisation culturelle.

En revanche, cette mondialisation de la culture suscite une nouvelle vision du monde qui semble tout à fait vivante dans la lutte contre les uns et les autres pour faire survivre leurs cultures, pour maintenir la vie de leurs identités, pour se nourrir de riches traditions, coutumes et valeurs héritées du passé et enfin pour vivre en harmonie avec leurs cultures. Autrement dit les pays en voie de développement veulent échapper à l’idée souvent affirmée que la mondialisation crée de l’uniformité, que les traditions culturelles se meurent, que les enfants du monde entier ne rêvent que de Mac Donald et de Coca-Cola et de regarder un bon film catastrophe concocté par les studios de la côte ouest des États-Unis. Ils veulent combattre l’idée que dans le monde il n’y a qu’une seule valeur qui est la valeur de vérité et cette valeur de vérité entretient l’exigence d’universalité.

Or la mondialisation qui se présente comme un incontestable catalyseur de transformations pour toutes les cultures du monde a provoqué à elle seule une véritable mutation des identités nationales. Elle s’appuie seulement sur l’idée que les identités ne sont pas passives mais actives6. Donc la mondialisation des cultures signifie l’uniformisation des cultures de monde et elle engage une universalisation des cultures sans respecter les autres cultures et civilisations.

Dans ce sens, les pays avancés fabriquent la culture et les façons de vivre qu’ils souhaitent7. Comme on le voit cette idée est accompagnée d’une réaction de fierté des pays dits non modernes à l’égard des pays occidentaux. Aujourd’hui donc, de nombreux pays globalement en voie développement sont devenus indépendants dans le domaine culturel et veulent être hors de portée de l’impérialisme culturel que les pays développés imposent pour s’assurer une hégémonie culturelle et politique sur la planète.

En tout cas, à l’heure actuelle, la mondialisation représente pour les pays en voie de développement, un défi particulier et cela pour plusieurs raisons. D’abord, elle menace directement la tradition politique et économique nationale du pays, en raison de l’abandon qu’elle implique du contrôle de l’État sur l’économie et donc sur la société.

Deuxièmement, la mondialisation menace certains des principes et des valeurs parmi les plus fondamentaux sur lesquels repose les pays en voie de développement. Troisièmement raison pour laquelle la mondialisation est si difficile pour les pays en voie de développement est que ces pays sont extrêmement attachés à leur culture et à leur identité et que beaucoup ont le sentiment que celles-ci sont aujourd’hui menacées par une mondialisation qu’ils assimilent à une américanisation. En réalité, l’ouverture, la mobilité, le brassage qui a accompagné la mondialisation a des effets à la fois homogénéisateurs et différenciateurs. D’un côté, par rapport à la situation du monde de la fin du XVIIIe siècle, certaines formes d’homogénéisation des identités culturelles sont devenues globales.

Une autre menace culturelle pour les pays en voie de développement est la langue anglaise et la disparition de milliers de dialectes au profit de quelques grandes langues : chinois, anglais, persan, arabe, espagnol, etc. En revanchela mondialisation est toujours une menace parce qu’elle renforce le rôle de la langue anglaise. De fait, beaucoup de monde partage le point de vue de Maurice Druon ou d’Hubert Védrine (Gordon, Philip H et Meunier, 2002 : 103) pour dire que « la langue est l’âme d’un peuple » et les langues des pays en voie de développement restent vitales pour leur identité. Or les langues sont le premier capital des peuples et des nations, les symboles de leur dignité, le passage vers l’intégration et une partie du rêve des pays.

Comme Ivan Bernier l’a démontré, l’identité culturelle, en tant que concept, renvoie à une vision sociologique et anthropologique de la culture qui recoupe une réalité très vaste. La culture est ici définie non seulement en fonction de la langue, des institutions sociales et familiales et des coutumes particulières, des réalisations artistiques et littéraires et des divertissements populaires. Mais aussi du mode de vie, qui englobe tous les éléments de l’activité humaine, qu’ils soient d’ordre social, religieux, sportif, culturel, politique ou économique (Bernier, 2000).

En bref, une des manifestations les plus médiatisées de la mondialisation réside dans ses conséquences supposées en matière culturelle : la mondialisation s’accompagnerait d’une uniformisation culturelle universelle. Le thème a réapparu et a acquis une acuité particulière avec la progression des nouvelles technologies qui ont contribué à rendre les sociétés plus sensibles que jamais aux influences culturelles étrangères, notamment à celles des États-Unis. Les progrès d’Internet et des TIC, la libéralisation des échanges des produits culturels, la propriété intellectuelle et des services, ainsi que le rôle dominant des Etats-Unis abondent dans ce sens. En fait, dans le monde des affaires au niveau international ; tout concourt à ce que les pays en voie de développement craignent pour leurs traditions culturelles et pour leur identité nationale et locale dans un monde qui se globalise. Pour les pays en voie de développement, la solution est claire, ils ne veulent pas supprimer cette question, mais que chaque culture ait confiance en elle-même et des contacts avec les autres ; et pour cela que les individus appartenant à chaque culture aient de l’estime pour sa culture. Les cultures en général comprennent la religion, la langue, les traditions, les valeurs, les normes, les coutumes, les habits, la cuisine, l’art.

Or nous avons abordé aujourd’hui une question cruciale pour l’avenir de l’humanité : la sauvegarde de nos identités culturelles dans le contexte de la mondialisation. Les pays en voie de développement ont ressenti plus tôt et avec le plus d’acuité l’urgence d’agir pour contrer l’homogénéisation culturelle. Pour cette raison, pour bien comprendre cette situation et les peurs de la mondialisation de la culture dans ces pays et notamment pour obtenir une vision plus précise du sujet, trois points de vue importants sur ce problème global sont développés ici. La première vision est la théorie libérale du chocs des civilisations qui a été proposée par Samuel P. Huntington (1993) et deux ans avant lui par Elmandjra (1991). La deuxième vision est un des défis de la modernité occidentale dans les pays non modernes et enfin le troisième vision sera des modèles théoriques de mondialisation culturelle qui expliquera la place de l’impérialisme culturelle et le rôle dont des TIC jouent dans la mondialisation de la culture.

Notes
5.

- Mahatma Gandhi dit : « Je ne veux pas que ma maison soit entourée de murs de toutes parts et mes fenêtres barricadées. Je veux que les cultures de tous les pays puissent souffler aussi librement que possible à travers ma maison. Mais je refuse de me laisser emporter par aucune.»

6.

- L’identité nationale (culturelle) est comprise de manière dynamique et non statique. Elle ne doit pas être figée, elle doit évoluer avec le temps, se délester de ce qui ne répond plus aux besoins de la communauté, assimiler le nouveau, se récréer sans cesse sur un fonds commun et au rythme de la vie. Mais à l'époque de la mondialisation, le problème de l'acculturation se pose essentiellement avec les mêmes termes. Il dépend de chacun que la mondialisation ne devienne pas homogénéisation mais prenne la voie de la diversification culturelle.

7.

- On se souvient que, dès les années 1960 et 1970, aux États-Unis, des chercheurs, comme le docteur José Delgado l’un des plus chauds partisans du contrôle de l’esprit en vue d’arriver à une « société psycho-civilisée », affirmaient que la question philosophique centrale n’était plus : « qu’est-ce que l’homme ? » mais « quel genre d’homme devons-nous fabriquer ?». Le professeur Marvine Minsky, l’un des pères de l’ordinateur, a pronostiqué : « En 2035, l’équivalent électronique du cerveau, grâce à la nanotechnologie, sera peut-être plus petit que le bout de votre doigt. Cela signifie que vous pourrez avoir, à l’intérieur de votre crâne, tout l’espace que vous voulez pour y implanter des systèmes et des mémoires additionnels. Alors, petit à petit, vous pourrez apprendre davantage chaque année, ajouter de nouveaux types de perceptions, de nouveaux modes de raisonnement, de nouvelles façons de penser et d’imaginer » (Ramonet, 2002 : 150)