2. La situation en Inde

Pour bien comprendre pourquoi en Inde des professeurs et des directeurs d’écoles sont inquiets face à l'introduction des TIC dans le domaine scolaire, se référer à la culture indienne est indispensable. En fait, cela oblige réellement à approfondir le sens de cette culture à l'ère de la mondialisation. Nous devons vraiment comprendre pourquoi dans un pays où l’islam et le christianisme n’ont posé aucun problème d’assimilation, où les pensées et les philosophies d’autres cultures sont entrées sans aucun souci, cette inquiétude culturelle persiste pour les TIC.

Un mot historique sur les liens voire la domination culturelle entre l'Inde et d'autres cultures. Les premiers habitants à s’être installés sur le territoire indien furent les Dravidiens. Plus tard, divers envahisseurs vinrent s’y joindre, en particulier les Aryens, les Arabes musulmans, les Mongols puis, les Anglais, qui dominèrent l’Inde à partir du XVIIIe siècle. Cette domination britannique fut marquée par l'opposition non violente du Mahatma Gandhi, qui par ses nombreux actes et sa sagesse, aida grandement à l’obtention de l’indépendance en 1947. Cette indépendance marqua l’Inde au point de vue économique, entre autres avec le boycottage des produits anglais. Les Indiens ne se sont pas laissés envahir par les produits et symboles de l’Occident. Encore de nos jours, les Indiens baignent dans les images de leur propre culture, qui garde tout son dynamisme et toute sa nouveauté. La deuxième caractéristique de la culture indienne est la diversité des religions. En effet, de nombreuses religions cohabitent sur le territoire. On y trouve des Musulmans, des Bouddhistes, des Juifs, des Sikhs, des Jaïns et principalement des Hindous. Cette vaste palette de croyances est parfois à l’origine de violentes querelles, mais au-delà d’une grande ferveur religieuse, les coutumes et le mode de vie restent partagés de tous. Ainsi, la philosophie est l’une des composantes essentielles de la civilisation indienne. L’un de ses thèmes principaux est « l’unité fondamentale derrière le foisonnement des apparences ». Cette philosophie venue du bouddhisme vient rejoindre les autres philosophies bouddhistes et hindouistes dont les valeurs principales sont la recherche de la vérité, le sens de l’unité, le détachement, l’obéissance, la tolérance, la non-violence et la maîtrise de soi (Girard, 1998).

L’Inde est une terre de croyants. Tous les Indiens prennent la religion très au sérieux quelle que soit leur foi (Hindous 82 %, Musulmans 12 %, Chrétiens 2 %, Sikhs 2 %, Bouddhistes 1 %, Jaïnistes 1 % ou Parsis). La liberté de culte est garantie par la constitution qui a instauré un État laïc quand l’Inde est devenue indépendante en 1947. La religion hindoue ne se caractérise pas par des dogmes fixes comme les religions révélées, chrétienne, islamique et juive. Elle est plutôt un système de croyances spirituelles et sociales étroitement liées qui a évolué pendant les 3000 dernières années ou 4000 si on fait remonter ses origines à la culture Dasyus qui s’est développée de 2500 à 1500 avant JC dans la vallée de l’Indus (principalement à Moenjo Daro et Harappa). Le système hindou est composé de plusieurs sectes et cultes et on dit même que son panthéon comprend 330 millions de divinités.

Quelques Hindous pensent que ces divinités et ces esprits sont tous des manifestations diverses du même Dieu unique, qui est aussi le Dieu des Musulmans, des Chrétiens et des Juifs. Ils reconnaissent cependant que cette croyance n’est partagée que par une petite minorité et que la vaste majorité des Hindous croient tout à fait littéralement aux mythes et aux légendes qu’on leur a enseignés sur les diverses divinités qu’ils adorent.La culture indienne, grâce à sa diversité d’ethnies, de langues15, de religions et de coutumes, a su se forger une identité bien à elle qui, à travers les siècles, a su conserver ses traditions tout en respectant l’actualité, et cela sans perdre son cachet religieux et philosophique. Un exemple de maintenir une identité locale en même temps qu’une identité globale est développée peut être trouvée parmi des jeunes les gens en Inde. L'Inde a une croissance, de pointe vigoureux secteur économique, mené en grande partie par les jeunes. Cependant, même les jeunes dans bien qualité, qui sont devenus véritables membres de l'économie globale, toujours la plupart du temps préférer avoir un mariage disposé, selon tradition indienne. Ils également compter généralement s'occuper de leurs parents dans la vieillesse, encore selon la tradition indienne. Ainsi, ils ont un identité pour participer à l'économie globale et réussir au monde rapide-entraîné de la technologie de pointe, et une autre identité, enracinée dans la tradition indienne, qu'ils maintiennent en ce qui concerne leurs familles et leurs vies personnelles (Arnett, 2002).

Ainsi, il est possible de dire que la diversité ethnique favorise la richesse culturelle de l’Inde si on considère ce que chaque peuple a apporté à ce pays. Aujourd’hui, à l’ère de la science et de la technologie, la culture indienne est confrontée à de nouveaux défis exigeant de nouvelles adaptations. La culture de l’Inde a donc un nouveau défi : intégrer, comme elle le fait depuis plus de cinquante siècles, les nouvelles tendances tout en conservant ses traditions et ses valeurs.

En fait, l’Inde trouve sa place dans la mondialisation d’aujourd’hui en diffusant, ce qu’elle promeut depuis longtemps –spiritualité, danse et musique classiques. Les agents individuels ou collectifs d’une culture très contemporaine, qui trouve un nouveau public : les écrivains, y compris ceux qui s’expriment en langues vernaculaires, commencent à être traduits en nombre, les tableaux de peintres contemporains sont mis aux enchères à Londres, à New York, à Singapour, les films indiens16 couronnés dans les festivals internationaux. Face à la menace d’uniformisation culturelle qu’on prétendait liée à la globalisation, l’Inde et les magnats des télévisions internationales tell Star TV, ont vite réagi, en s’adaptant à un marché un temps curieux des séries américaines, mais très vite demandeur de fictions à l’indienne ou de chaînes d’informations ancrées sur le national et sur les États de l’Union(Racine, 2003).

Une rencontre nationale sur la dimension sociale de la mondialisation en Inde, qui s’est tenue à New Delhi le 11 décembre 2002, a permis d’organiser un dialogue politique de haut niveau entre une centaine de citoyens sélectionnés issus d’horizons divers : industrie, syndicats, gouvernement, parlement, organisations non gouvernementales, médias, agriculture, enseignement, arts, culture et littérature. L’impact de la mondialisation sur la culture a préoccupé de nombreux participants. La culture mondiale et les sociétés issues du marché, qui peuvent conduire à une aliénation des individus ou des familles, risquent également de menacer la diversité culturelle et linguistique de l’Inde. La montée du communautarisme et le développement du terrorisme ont été situés dans ce contexte. Aucune prescription claire n’a émergé. Les participants ont néanmoins estimé qu’il fallait trouver une solution à ces problèmes (Religioscope, 2005).

En fait, cette préoccupation n’est pas seulement pour des intellectuels, car d'autres résultats de recherche démontrent queles jeunes Indiens qui résident dans les grandes villes du pays ont des vues plutôt conservatrices, des sentiments nationalistes et restent en majorité attachés à leur religion, comme le révèle l’enquête menée par un grand magazine indien. Le sondage publié par India Today (31 janvier 2005) porte sur un échantillon de plus de 2000 personnes de la classe d’âge entre 18 et 35 ans, interrogés dans dix principaux centres urbains à travers le pays. L’enquête s’intéressait aux classes aisées de la population, c’est-à-dire à ceux qui, demain, dirigeront les destinées du pays. Les résultats de l’enquête –qui occupent l’intégralité du numéro d’India Today– apportent d’intéressantes indications sur les attitudes des jeunes Indiens urbains et aisés face à la religion ou à bien d’autres aspects de la vie.

‘«  Les jeunes pensent globalement, mais restent essentiellement Indiens17  –et culturellement conservateurs. […] L’adjectif ‘indien’ ne cause plus l’embarras. [Les résultats] réfutent les vues selon lesquelles il faudrait répudier certains traits nationaux pour être moderne. La nation fait un retour remarquable. […] Il est à la mode d’être patriote.» (Joshi parue, 2002).’

Or quand on voit la relation culturelle entre Inde et les autres, jusqu’à maintenant, comme le dit le Mahatma Gandhi, les valeurs vraies de l’Inde, les valeurs éternelles, les valeurs traditionnelles ne sont pas envahies par une culture qui est extérieure. En effet, cette célèbre citation de Gandhi, le Père de la Nation, prend tout son sens lorsqu’il s’agit de culture et de mondialisation. Gandhi démontre que « Je ne veux pas que ma maison soit entourée de murs de toutes parts, ni que mes fenêtres soient condamnées. Je veux que les cultures de tous les pays puissent souffler dans ma maison le plus librement possible. Mais je refuse de me laisser emporter par aucune (Kapil Desai, 2003).

Notes
15.

- Le scénario linguistique de l’Inde est très complexe. On dénombre 1 562 langues maternelles, 10 systèmes d’écriture et 76 langues dans le système scolaire. La constitution indienne reconnaît 18 langues parlées par 98 % de la population. D’après Vijayanunni (1999), près de 20 % de la population indienne sont bilingues et un peu plus de 7% trilingues.

16.

- En effet, Bollywood, capitale du cinéma indien est le premier producteur de films au monde, en nombre de films produits, juste devant Hollywood. Pour l'année 1999, on comptait 724 longs métrages indiens produits contre 628 américains. De plus, l’Inde est l’un des rares pays au monde dans lequel les parts de marché réalisées par les films américains sont quasiment nulles. L’Inde est totalement hermétique à la culture américaine dans le domaine cinématographique tout du moins. Ainsi, alors que les parts de marché des films américains vont de 55% à Hong Kong à 80% au Royaume-Uni, elles ne sont que de 4% en Inde. Le cinéma de Bollywood serait-il l'unique résistant à la concurrence américaine ? Mais le principe de l’exception culturelle française pourrait être un autre exemple. La domination américaine connaît donc des échecs symboliques. D’ailleurs, notons que certaines régions du globe sont encore vierges de toute influence.

17.

- Steve Derné (2003) rappelle tout d'abord que 80 % de la population est bien trop pauvre pour être concernée par ces changements économiques et culturels de la mondialisation. En revanche, les 3 % d'Indiens les plus riches, qui ont profité économiquement de la mondialisation, obtenu des postes à haut salaire et parlent anglais, se sont eux totalement acculturés au mode de vie occidental tel qu'il est véhiculé par ces nouveaux produits de la culture de masse (consommation, mode, minceur...). Le personnage d'Ally Mc Beal peut ainsi incarner, pour les Indiennes de ce groupe.