Chapitre II. Analyse des obstacles de mis en place des TIC et la situation économique

La mondialisation pourrait être positive pour les populations et la planète, mais, les choix actuels ont plutôt entraîné des phénomènes d’appauvrissement et un pillage généralisé des ressources. Ainsi, le monde n’a jamais été aussi riche, mais n’a jamais été aussi injuste. Les richesses mondiales ont certes augmenté, mais l’écart entre les plus riches et les plus pauvres a été multiplié ces 30 dernières années (Chomsky,1998 : 91). Certains se sont peut-être enrichis mais globalement, la pauvreté augmente dans les pays pauvres comme dans les pays riches.

On ne peut certes tout imputer à la mondialisation. Des guerres, des régimes politiques dictatoriaux, des catastrophes naturelles sont responsables en bonne partie de l’appauvrissement des populations. Néanmoins, la mondialisation a des effets directs indéniables. De nos jours, la mondialisation rend les riches des pays riches plus riches. Elle a aidé certaines des économies des pays émergents et en voie de développement à croître et à réduire la pauvreté. Mais elle a aussi rendu plus pauvres encore certains des plus pauvres. Ce sont là des conséquences de la façon dont la mondialisation a été conduite. L’opinion publique reste persuadée que la mondialisation des échanges est à l’origine d’inégalités croissantes entre les peuples. Certains ne voient alors pas d’autre remède que la fermeture pure et simple des frontières.

Pour les pays riches, la mondialisation économique comporte deux bénéfices essentiels. Le premier profite au consommateur, qui a accès à un éventail plus large de biens (diversité) à un prix plus faible que s’ils étaient fabriqués dans le pays même. Quantitativement, cet effet est considérable et peut être appréhendé en additionnant les gains des consommateurs à l’achat de produits textiles chinois. Le second bénéfice profite aux détenteurs du capital, qui obtiennent un meilleur rendement de leurs avoirs. Parmi les pays économiquement pauvres, les plus pauvres restent largement en dehors du processus de mondialisation. La Banque mondiale estime que le nombre de personnes vivant dans la misère a diminué d'environ 125 millions entre 1990 et 1999 (ABC Des Nations Unies, 2006 : 225).

Malgré la diminution du nombre de personnes vivant dans une pauvreté extrême depuis le début des années 1990, environ un cinquième de la population mondiale continue à vivre avec un revenu égal ou inférieur à 1 dollar américain par jour, alors qu’un autre quart doit se contenter de moins de 2 dollars américains par jour (Horman, 2003 :20, Chrestia, 2004 :133, Kuengienda, 2004 :118). La pauvreté est particulièrement sévère en Afrique où près de la moitié de la population vit avec un revenu inférieur à 1 dollar américain par jour.

La communauté internationale entre dans le nouveau millénaire avec la différence la plus importante jamais enregistrée entre pays riches et pauvres. Alors que certains pays ont connu un progrès économique soutenu, la croissance économique dans d’autres est restée modeste, a stagné ou a même diminué. Dans un grand nombre de pays pauvres, le revenu par tête n’a pas augmenté mais a diminué en termes absolus au cours des 25 à 30 dernières années. Aujourd’hui, le revenu par tête des 20 pays les plus riches est près de 37 fois supérieur à celui des 20 pays les plus pauvres (Chrestia, 2004 :133). Il y a 40 ans, il était moins de 20 fois plus élevé. En même temps, l’écart entre les riches et les pauvres augmente dans de nombreux pays et régions.

La pauvreté est un phénomène aux multiples aspects (Kuengienda, 2004 :118) qui est mieux caractérisé par une absence de liberté qui conduit à une absence d’accès aux opportunités : accès à une alimentation suffisante, à des vêtements et à un logement décents, aux services de santé et à un enseignement de base, aux transports et aux communications, au crédit et à l’assurance contre les désastres naturels. Le rapport sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) signale que quelque 90 millions d’enfants en âge scolaire dans le monde en voie de développement se voient dénier la chance de fréquenter l’école primaire. Les conséquences du manque d’accès à des services sanitaires adéquats, combinées à une prévention médiocre des maladies, sont particulièrement sévères et menacent gravement les perspectives de développement pour de nombreux pays (Rapport aux évêques de la COMECE, 2001).

En fait, si l’on prend les trente dernières années au niveau mondial, il y a une croissance formidable mais, parallèlement, pour la même période, la pauvreté a augmenté. En dix ans, on passe de 250 millions à 1 milliard de pauvres. Et rien qu’avec la crise de l’Asie du Sud-est en 1998, 14 millions d’Indonésiens ont été réduits à la pauvreté en une année. Finalement, ce développement, d’une part ne profite pas à tout le monde (il ne réduit pas la pauvreté) et d’autre part, il est sujet à des retours en arrière. Plusieurs pays, au moins 70 à 100, ont vu leur revenu moyen régresser entre 1980 et 1993 pour se resituer au niveau de 1980 ou même de 1970. En définitive, ces 70 à 100 pays n’ont connu globalement aucune croissance et certainement le nombre de pauvres y a augmenté.

Pourtant, certains pays on connu une certaine croissance. Et quand on fait la corrélation entre l’augmentation du PIB et l’augmentation du taux de pauvreté, il n’y a pas de corrélation positive. D’autre part, on trouve dans tous les rapports qu’un phénomène de concentration de la richesse s’est fait jour dans les pays les plus riches. La différence de revenu entre les pays riches et les pays pauvres était de 5000 dollars à peu près et a été multipliée par trois en 10 ans. Même à l’intérieur de chaque pays il y a une aggravation de la répartition des richesses. On a même vu l’apparition de nouvelles formes de pauvreté dans les pays développés : les sans-abri en France ou les sans domicile fixe, etc. Ce sont des formes nouvelles qui n’existaient pas avant dans les années 1960-1970 et le début des années 1980 et qui sont apparues même dans les pays développés. Un des rapports de l’Institut des Nations Unies pour le développement parle, pour les pays pauvres en général et pour la catégorie des ouvriers agricoles enparticulier, d’une baisse de revenu de 20 à 30 %. Il y a donc une érosion des revenus assez forte en particulier durant cette ère de la globalisation (Elloumi, 2003).

Mais il y a également des nouvelles moins alarmantes : en dix ans, la Chine est parvenue à réduire la pauvreté de moitié, de sorte que 150 millions de Chinois ont disparu des statistiques de la pauvreté. De façon ironique, c’est cette même Chine, l’un des rares pays à ne s’être pas de bonne grâce laisser gagner par la « globalisation » dans les années 1990, qui, en fait, sauve la face du monde. Dans un monde d’où la Chine serait absente, ce rapport contiendrait encore à peine une faible lueur d’espoir.

Si nous faisons abstraction de la Chine, les statistiques des années 1990 sont carrément dans le rouge, et sur toute la ligne. Grâce à son importante population, ce pays a naturellement un poids énorme dans les statistiques mondiales et il fait remonter les moyennes vers le haut. Le PNUD en arrive par exemple à la conclusion que, dans les années 1990, le nombre de pauvres sur terre a baissé de 123 millions et que le nombre de gens souffrant de la faim a régressé de 20 millions. Mais sortons la Chine des statistiques et il apparaît que pour le reste du monde, le nombre de pauvres a quasiment augmenté de 30 millions, de même que le nombre de gens souffrant de la faim (Ceukelaire , 2003).

Pour les TIC aussi la mondialisation n’a pas changé la situation d’inégalité des chances. En fait comme on l'a démontré dans des écrits antérieurs dans « La situation basique d’intégration des TIC dans le système éducatif des pays en voie de développement » l’expansion des nouvelles technologies de l’information et de la communication exacerbe des différences énormes entre pays riches et pays pauvres, ainsi qu’entre les groupes de population privilégiés et défavorisés des pays les moins avancés. Le fossé numérique est plus alarmant dans les pays en voie de développement par rapport aux pays riches. Du point de vue des technologies de l’information et de la communication qui couvrent un large éventail de services, des applications, des technologies, des équipements et des logiciels et tous les outils comme la téléphonie et l’Internet,l’apprentissage à distance, les télévisions, les ordinateurs et les réseaux, les pays moins avancés ont beaucoup de barrières économiques pour les mettre en place dans le système social général et partiellement dans le domaine de l'éducation. En effet, comparativement aux tendances mondiales, les systèmes éducatifs dans les pays en voie de développement ont du retard par rapport aux TIC.

L’étude met en évidence l’écart colossal qui sépare pays riches et pays pauvres en termes d’accès aux TIC. Ainsi, un pays moyen, membre de l’OCDE, a un revenu par habitant 11 fois supérieur à celui d’un pays d’Asie du Sud ; il possède également 40 fois plus d’ordinateurs, 146 fois plus de téléphones mobiles et 1036 fois plus d’hôtes Internet.

Pour ce qui est d’accès à Internet, on observe de grandes différences entre les pays développés, où l’accès à large bande progresse rapidement, et les pays en développement, où l’accès par ligne commutée reste prédominant (HDR, 2004 : 183 et Bjørke, 2006). Dans les pays riches, l’utilisation d’Internet s’est répandue grâce à de meilleures vitesses de connexion, une grande fiablilité et la baisse des coûts d’accès, tandis que dans les pays pauvres elle reste entravée par des coûts élevés et un mauvaise service (Banque Mondiale, 2004 : 298).Ces différences de mode d’accès à Internet constituent une nouvelle dimension de la fracture numérique internationale. Dans les pays riches, les abonnés au réseau à large bande ont augmenté de près de 15 % au cours du second semestre de 2005, pour s’établir à 158 millions de personnes. En fait, la croissance du réseau à large bande est essentiellement due à la concurrence et à la baisse des prix, mais elle dépend également des infrastructures disponibles. Dans de nombreux pays en développement, du fait de l’absence d’économies d’échelle, il y a peu d’incitations à étendre au-delà des zones urbaines les infrastructures de réseau à large bande. Les technologies hertziennes et les satellites permettent dans certains cas de faire l’économie du coût des infrastructures dans les zones rurales, éloignées ou faiblement peuplées (Rapport sur l’économie de l’information, 2006 :6-8).

Par rapport aux questions de genre, dans un grand nombre de pays en développement, il est difficile d’obtenir des statistiques fiables sur l’utilisation de l’Internet par les femmes dans les pays en développement car les indicateurs sont rarement désagrégés par sexe et les données disponibles ne sont pas toujours fiables ou comparables. Toutefois, il est évident que les chiffres sont petits et que la distribution est limitée. Les chiffres disponibles indiquent que, par région, les femmes représentent 22 % de tous les utilisateurs de l’Internet en Asie, 38 % en Amérique latine et 6 % dans les pays du Moyen-Orient. Les chiffres régionaux par sexe ne sont pas disponibles pour l’Afrique. Il convient de noter que la plupart des utilisatrices de l’Internet dans les pays en développement ne sont pas représentatives des femmes dans ces pays, mais plutôt, d’une petite élite instruite et urbaine. Les statistiques par pays sont particulièrement intrigantes car aucune corrélation ne semble exister entre l’utilisation de l’Internet par les femmes et les indicateurs escomptés, tels que le taux d’alphabétisation des femmes, le PIB par habitant des femmes, la représentation féminine dans les emplois professionnels et techniques ou la valorisation de la femme. Les pays en développement avec une utilisation féminine importante de l’Internet connaissent un faible emploi général de l’Internet. Dans les pays où l’Internet est utilisé essentiellement par une élite urbaine, les femmes sont bien représentées, mais quand le PIB augmente, la domination générale des hommes fait baisser le pourcentage de l’utilisation féminine.

Dans les systèmes éducatifs des pays en voie de développement la démocratisation des TIC dans les écoles est assez faible. Dans les pays de l’OCDE et les pays partenaires, tous les élèves ou presque fréquentent un établissement pourvu d’un ordinateur au moins, mais le nombre d’ordinateurs accessibles aux élèves varie sensiblement d’un pays à l’autre : on compte environ trois élèves par ordinateur aux État-Unis. et en Australie, contre 42 élèves par ordinateur dans un pays partenaire, le Brésil (OCDE, 2006 : 432).

Dans l’éducation, l’accès aux TIC a besoin de moyens financiers pour pouvoir utilement complété l’enseignement traditionnel/formel. Car, pour les écoles de pays comme d’Inde et d’Iran, le coût d’accès aux nouvelles technologies est encore trop élevé. Un équipement informatique standard pour écoles coûte très cher pour un pays par exemple comme l'Inde où encore plus de 35 % des enfants n’ont pas les moyens pour entrer à l’école. Tout compris, l’accès à Internet, équipement téléphonique et informatique, abonnement, coût des communications, des moyens technologiques comme les ordinateurs de bureau, les ordinateurs portatifs, les logiciels, les périphériques, les liaisons Internet, l’audio vidéo conférence, l’apprentissage virtuel, à côté de la télévision ou de la radio éducatives et tous les autres moyens de TIC ont besoin d'une énorme dépense qui, par pauvreté, dans les pays en voie de développement ne se résout pas facilement. Donc la démocratisation de l’accès aux TIC semble être l’un des principaux enjeux d’un développement réussi des TIC dans les écoles.

Mais cette démocratisation des TIC dans les écoles est extrêmement différenciée. Par exemple, comme le résultat de notre recherche le montre il n'y a pas d’égalité d’accès aux TIC dans les systèmes éducatifs des écoles privées et des écoles gouvernementales, surtout en Inde ni au même rythme. Autrement dit par rapport aux pays développés, la situation des TIC dans le système d’éducation d’Iran et d’Inde est faible, mais par rapport à eux-mêmes, la situation des TIC en système éducatif privé en Inde est plus développée que dans écoles gouvernementales. Notre recherche a montré, en effet, que le chiffre des équipements en TIC par élève entre des écoles privées et gouvernementales ou entre des écoles urbaines et rurales est différent :

1) Le nombre des équipements en TIC par élève entre les écoles privées et gouvernementales de notre échantillon ainsi que celui des équipements des écoles gouvernementales en Iran et Inde sont différents. Par exemple le nombre d’élèves par ordinateur dans l’enseignement secondaire :

  • Dans les écoles privées en Inde : 6 ordinateurs pour 100 élèves
  • Dans les écoles privées en  Iran :6 ordinateurs pour 100 élèves/garçons (G) et 2,5 pour 100 élèves/filles (F)
  • Dans les écoles gouvernementales urbaines/G en Inde : 2 ordinateurs pour 585 élèves et 1 ordinateurs pour 238 dans les écoles gouvernementales urbaines F
  • Dans les écoles gouvernementales urbaines/G en Iran : 8/5 ordinateurs pour 500 élèves et 10 ordinateurs dans les écoles gouvernementales urbaines /F
  • Dans les écoles gouvernementales rurales /G en Inde : 1 ordinateurs pour 440 élèves et 1 ordinateurs pour 370 dans les écoles gouvernementales rurales/F
  • Dans les écoles gouvernementales rurales /G en Iran : 7 ordinateurs pour 200 élèves et 6 ordinateurs pour les écoles gouvernementales rurales/F

Attention  : Le nombre d'ordinateurs par élève dans écoles secondaires d’ Union européenne est 8,6 ordinateurs pour 100 élèves

2) En Iran et en Inde, le nombre des lycées et des collèges gouvernementaux de notre échantillon qui ont accès à l’utilisation des équipements des TIC après les heures d’école est égal à 0 (en fait il n’y a pas d'équipements), seules des écoles privées en Inde, deux sur quatre, ont accès aux équipements en TIC après des heures d’école.

3) En Inde le nombre d’heures qu’école accède à l’Internet dans les écoles gouvernementales sont trop faible .Ils ne sont accessibles chaque semaine quand on veut les utiliser que dans les écoles privées. (La situation en Iran n’est pas mauvaise pour cet indicateur, ils sont accessibles chaque semaine quand on veut utiliser)

Attention  : L'accès à Internet par élève dans les écoles secondaires d’ Union européenne est 14,9 ordinateurs pour 100 élèves

4) En Inde le nombre d’ordinateurs reliés à l’Internet dans les écoles gouvernementales rurales (dans notre échantillon) est trop faible. (en fait il n’y a pas assez d'ordinateur ou d'Internet)

Dans les deux parties suivantes, il s'agit d’analyser plus profondément la situation dramatique d'inégalité des chances au niveau mondial et national des TIC en Inde et en Iran en expliquant d’abord la situation économique et ensuite le rôle qu’elle joue dans le domaine des TIC. En fait, à l’ère de la mondialisation, l'économie explique pourquoi les TIC dans les systèmes éducatifs de pays comme l’Iran et l’Inde par rapport aux pays développés, sont encore faibles. Comment la situation économique peut-elle agir sur la faiblesse des TIC en Iran et en Inde en général et dans leurs systèmes éducatifs en particulier ?