A.1- Pierre Marty

Le vocable “psychosomatique” est employé pour la première fois en 1818, par le psychiatre allemand Heinroth, pour définir une certaine forme d’insomnie. Cet adjectif se voit ensuite repris pour décrire une nouvelle vision médicale donnant une place à la dimension psychique dans le développement d’une problématique organique.

Pour parler de psychosomatique, il convient en premier lieu d’évoquer Pierre Marty, dont l’intérêt pour le sujet se situe dans le prolongement des travaux de Franz Alexander, tout en se réclamant directement dans la lignée de la psychanalyse.

Il nous paraît donc important de rapporter tout d’abord un questionnement concernant la coexistence des deux écoles de pensées que sont la psychanalyse et la psychosomatique. Comme Marty, nombreux sont en effet les psychosomaticiens qui revendiquent une filiation avec la psychanalyse. Mais Marty apporte pour autant une nuance à ce rapprochement :

‘“La psychosomatique ne se réduit pas à la psychanalyse dont elle contient théoriquement le domaine économique. Dans la pratique, elle en diffère globalement : quant aux patients qu’elle traite (malades somatiques dont le but est parfois très éloigné, par l’appauvrissement de la sexualité, de celui des névrosés mentaux à a sexualité inhibée ou distordue) ; quant aux buts qu’elle poursuit (permettre avant toute chose au patient de rétablir ses mécanisme de défense et l’organisation, même névrotique, de sa sexualité) ; quant aux techniques qu’elle emploie ([…] utilisation des ‘transferts latéraux’, rythme modulé et souvent plus lent des séances […])” (1990, p14).’

Les deux courants psychosomatique et psychanalytique semblent ainsi loin de se marier avec évidence. À ce propos Jacques Press, reprenant une idée de Michel de M’Uzan nous dit :

‘“Avez-vous essayé de mettre un chat dans un carton à chaussures ? Eh bien, c’est ce que nous tentons de faire bon an mal an, dans notre effort pour faire rentrer la complexité du vivant (le chat) dans nos théories (le carton). Lorsqu’on confronte la psychosomatique à la psychanalyse, la question me paraît double : quel chat pour quel carton ?”(2004, p47).’

Pour Press, en effet, il se révèle difficile de faire fusionner le modèle martyien, qu’il décrit comme un “modèle achevé” et “global”, avec l’œuvre de Freud, qu’il caractérise comme plus ouverte et analytique,

‘“pleine d’allées et venues, de retours en arrière, de nouvelles poussées, de contradictions aussi” (2004, p46).’

Forts de ce questionnement, nous tenterons ici de mettre en lumière les travaux de Marty et du courant qui les a suivis, étayé par les psychosomaticiens qui ont fait ou font vivre et évoluer ce modèle.

On peut, en première instance, parler d’Alexander comme “l’inspirateur” de Marty. Du point de vue d’Alexander (1952), on aurait affaire, avec le symptôme psychosomatique, à un dysfonctionnement des organes végétatifs, dû à un excès ou à un manque d’excitation émotionnelle. Il utilise ainsi le terme de “névrose d’organe” pour décrire ce trouble.

Alexander ne rejoint pas l’idée, notamment défendue par Helen Dunbar (1935), d’une structure de personnalité spécifique aux désordres psychosomatiques. Il émet davantage l’hypothèse des maladies somatiques liées à un conflit psychique, sans distinction d’une structure particulière. Ce conflit aboutirait à la répression d’un besoin, et donnerait lieu, ultérieurement, à l’expression, redirigée sur le versant physiologique, de ce besoin.