B.2.1- Réinterpréter le passé, anticiper un nouvel avenir

S’il est un mode de persuasion par excellence, c’est, me semble-t-il, certainement l’hypnose. La marque posée en moi par la psychanalyse donne pourtant une connotation encore péjorative du concept de persuasion appliqué à la psychothérapie. Mais ma raison systémique me démontre chaque jour combien l’interaction avec le patient relève de l’idée de le convaincre d’adopter une position différente dans son univers. Il existe en nous, thérapeutes, la motivation d’apporter une correction dans la vision de la réalité avec laquelle arrivent les patients, et pour ce faire, d’insuffler en eux des modes de pensée qui

‘“deviennent des lunettes perceptives” (Zeig, 1997, p114).’

Je me souviens, il y a longtemps, d’une femme que je connaissais peu. Un jour, elle me raconta le week-end qu’elle venait de passer à la montagne avec son mari et son fils : “C’était merveilleux, me dit-elle. Il faisait un temps splendide, nous nous sommes promenés tous les trois en discutant et en riant. Nous n’avons même pas vu le temps passer. Et puis, nous sommes arrivés à un village perdu, qui nous a conduits vers une église très ancienne. Nous sommes entrés, c’était somptueux, avec cette atmosphère de sérénité, et la lumière qui passait à travers les vitraux en colorant la pièce. Alors, j’ai pris mon mari et mon fils par la main, et je leur ai dit…”… À ce moment de la conversation, j’étais positivement émue. Bien que totalement profane et insensible à toutes les représentations évoquées, la montagne, la marche, la beauté d’un vitrail, j’appréciais ce discours que je qualifiais d’agréable et reposant, jusqu’aux paroles suivantes : ”… j’ai pris mon mari et mon fils par la main, et je leur ai dit…‘Profitons-en, ça ne va pas durer’”.

Comment était-ce possible ?! Qu’une maman, qui aurait pu souscrire au modèle winnicottien comme une “mère suffisamment bonne”, puisse sceller, par une poignée de main, dans un lieu sacré, un moment si fort en émotions positives par une connotation aussi pessimiste ? En quelques mots, cette femme, dans cet environnement, prit une dimension particulière à mes yeux, alors que j’entrevoyais le “menu déroulant” de son mythe familial dans un registre du type “Tout bonheur est éphémère et ponctuel. La vraie vie, c’est la souffrance”. Plus tard, j’appris qu’elle luttait depuis de nombreuses années contre la maladie de Crohn, une affection inflammatoire chronique de l’intestin, que son mari se remettait d’un cancer, et qu’ils avaient tous deux perdu un fils de dix ans.

Je perçois mon travail comme l’extraordinaire possibilité de réinterpréter l’histoire -une histoire qui se terminerait par “profitons-en, avant de vivre bientôt une nouvelle expérience aussi merveilleuse”- et d’accompagner le patient, ensuite, dans la construction d’une réalité inédite, empreinte d’un mythe plus adapté à sa santé.

Dans la conception constructiviste, le phénomène d’anticipation joue un rôle fondamental. L’anticipation se présente, en effet, comme le moteur de la construction d’une réalité. Mario Berta définit le processus d’anticipation comme “l’actualisation d’un futur prévu”, et ajoute :

‘“Grâce à l’anticipation, le futur devient actuel, intégralement. On ne peut vivre autrement le futur. Lorsqu’il adviendra, ce sera pour nous le présent. Nous aurons rejoint l’actuel. Le futur anticipé permet de transférer l’avenir au présent et de le vivre en actualisation, maintenant, selon le degré de sa charge affective. L’imagination nous offre seule la solution ; elle est à la fois affective, cognitive et biologique. Selon Sutter : ‘L’anticipation, c’est la vie avant la vie’” (1999, p39).’

Anticiper, c’est donc une manière de “vectoriser” la réalité à venir, par le biais de l’imagination. Il s’agit alors d’interpréter à l’avance une réalité attendue, c’est-à-dire de la créer, puisque la réalité n’existe que par l’interprétation qu’on en fait, mais aussi de la modeler, de la façonner concrètement.

En hypnose, l’exemple de l’impact biologique ou comportemental d’un mécanisme anticipatoire se retrouve dans le processus idéo-dynamique :

‘“L’activité idéo-dynamique implique penser à quelque chose si intensément qu’en suit un comportement effectif. Par exemple vous pensez à un caramel, vous commencez à saliver (idéo-sensoriel) ; si vous êtes du côté passager dans une voiture, et que vous voulez que le conducteur s’arrête, vous pouvez appuyer sur une pédale de frein qui n’existe pas (idéo-moteur)” (Zeig, 1997, p125).’

L’anticipation pose ainsi son sceau sur la réalité, et non pas uniquement sur la réalité psychique. Anticiper, c’est créer la réalité, à différents niveaux : biologique, psychique, et social.

C’est ainsi qu’une “prédiction auto-réalisante” peut se produire, à l’échelle individuelle ou collective, en induisant des changements de comportements qui vont mener directement à l’objet de cette prédiction.

‘“En mars 1979, les journaux californiens commencèrent à faire beaucoup de bruit autour d’une importante et imminente pénurie d’essence ; les automobilistes californiens se ruèrent alors sur les pompes à essences pour remplir les réservoirs de leurs véhicules, et les maintenir aussi pleins que possible. Le remplissage de douze millions de réservoirs (qui jusqu’alors restaient au trois quarts vides) épuisa les énormes réserves d’essence disponibles, et entraîna quasiment du jour au lendemain la pénurie annoncée […]. Une fois l’excitation apaisée, on se rendit compte que la livraison de carburant à la Californie avait en fait à peine diminué” (Watzlawick, 1988, p109-110).’

Cet exemple caricature les comportements qui sont ceux de tous les êtres humains, au quotidien, au travers de l’anticipation, jouant un rôle rétroactif dans la réalité ainsi créée : l’anticipation alimente la réalité, qui à son tour alimente l’anticipation.

On connaît, par exemple, la caractère anticipatoire du stress, et son impact sur les dimensions biopsychosociales. Il apparaît que le stress agit, notamment, sur les capacités auto-immunitaires d’un individu. Psychiquement, le stress active de nombreuses anticipations négatives et favorise la dépression ou les passages à l’acte. Sur un plan comportemental, il incite à deux stratégies adaptatives, le retrait (la fuite) ou l’agressivité (le combat). Ces dimensions sont indissociables, et interagissent.

Ernest a cru percevoir dans le regard de son patron quelque chose d’accusateur. Plus tard, son patron l’a convoqué dans son bureau. Le rendez-vous est prévu pour la semaine suivante. En attendant, la rumination mentale pousse Ernest à anticiper des remontrances de la part de son patron. Peu après, il se trouve pris de nausées et de diarrhées, jusqu’au matin du rendez-vous où la santé lui revient, exceptée une fatigue résiduelle. Par ailleurs, Ernest est sur la défensive, anticipant le pire. Son patron souhaitait simplement lui poser des questions simples sur l’avancement de son travail, mais il trouve Ernest confus et assez agressif. Sa perception de l’employé s’en trouve alors entachée, ce qu’il laisse entendre à Ernest, de sorte que celui-ci se dit qu’il avait bien jugé le regard accusateur de son patron. Malheureux de la situation, Ernest se congratule néanmoins de son “instinct” qui ne le quitte jamais, et suppose qu’un jour il pourra lui servir.

Ce qu’Ernest appelle son “instinct” n’est autre qu’une réalité qu’il a lui-même construite et interprétée à posteriori, et qui se présente à fois comme un handicap et comme une ressource. Avec l’hypnose, le thérapeute a la possibilité d’utiliser les ressources apportées par le patient, et, avec celles-ci, de créer des anticipations, des “interprétations préventives”, cette fois-ci positives, tout en restant adaptées au mythe.

Selon François Roustang,

‘“Le triple pouvoir de rêver, de configurer le monde et d’imaginer se révèlera sous une forme dérivée : celui d’anticiper […]. Anticiper, c’est se tenir à l’écart dans l’espace et dans le temps pour préparer une action susceptible de modeler à nouveau la réalité. L’anticipation suivra les étapes de l’induction hypnotiques. Elle sera d’abord un arrêt (l’hypnose comme fascination), elle sera ensuite une attente (l’hypnose comme confusion), puis un projet (l’hypnose comme hallucination), enfin une redistribution des paramètres de l’existence (l’hypnose comme énergie)” (1994, p55).’

Anticiper, c’est “faire comme si demain était aujourd’hui”, et, par ce biais, contribuer à créer ce demain “pré-mâché”. Il s’agit d’un jeu de rôle, qui pourtant nous modifie dans ce que nous sommes au plus profond. Les acteurs ne mettent-ils pas, parfois, des mois, voire des années à se défaire d’un rôle qu’ils ont joué ? Il arrive, disent-ils, qu’ils n’y parviennent même jamais. Combien expliquent que tous les rôles qu’ils ont joués les ont successivement transformés pour toujours ?

C’est ainsi qu’en anticipant la souffrance, on joue le rôle de la souffrance, et qu’inexorablement cette souffrance se constitue dans une réalité. “Qui craint la souffrance souffre déjà de ce qu’il craint”, disait Montaigne.

Or, si l’anticipation est susceptible de créer une réalité dysfonctionnelle, elle porte aussi le potentiel de rétablir cette réalité, ou d’en créer une nouvelle, davantage fonctionnelle. Pour Thierry Melchior :

‘“Plus j’ai peur de quelque chose, plus je l’éviterai, mais plus je l’éviterai, plus je légitimerai ma peur (et la croyance qui y est sous-jacente), et plus je la renforcerai. Plus je construirai comme objectivement, intrinsèquement dangereuse, la réalité à propos de laquelle j’éprouve de la peur. Il en va de même en hypnose : plus j’entre dans l’expérience hypnotique, plus mon comportement se modifie (et peu importe que ce soit plus consciemment ou plus inconsciemment, plus volontairement ou plus involontairement). Et plus ces modifications se produisent, plus elles me signifient à moi-même implicitement (ainsi qu’à mon hypnotiste et à autrui en général) que je suis effectivement en train d’entrer dans autre chose, dans une autre expérience, dans une autre manière d’être, dans une autre façon de me rapporter à moi-même, à mon corps, à autrui et au monde, dans un autre état” (2004, p287-288).’

Cette construction d’interprétations préventives sera véhiculée, en hypnose, par la persuasion. “Les paroles sont action”, nous dit Wittgenstein.

On peut dire, en fait, que l’action de l’hypnose n’est autre qu’un extraordinaire effet placebo, cet

‘“ensemble de résultats subsidiaires, qui viennent augmenter, parfois diminuer, l’effet normalement attendu du traitement et que l’on peut considérer comme extrapharmacologiques” (Patrick Lemoine, 1996, p24).’

Pour pratiquer la persuasion par l’hypnose, il faut en premier lieu que le patient nous confère un pouvoir, sans quoi l’histoire que l’on raconte ne peut se révéler convaincante. Divers moyens sont utilisés par tous les thérapeutes, plus ou moins consciemment, pour asseoir leur force de conviction, leur effet placebo : blouse blanche, prix élevé d’une séance, rendez-vous donnés systématiquement à trois mois, diplômes accrochés au mur de la salle d’attente.

‘“La condition de malade rend la relation inégalitaire. Le plus puissant se retrouve dans une situation implorante. Le plus cartésien se raccroche au moindre espoir. Le plus brillant gobera n’importe quel argument. C’est cette infériorisation qui le rend vulnérable et fait la fortune des charlatans. Mais c’est aussi cette vulnérabilité qui rend absolument indispensable l’humanité du médecin. Tel l’illusionniste ou le prestidigitateur en représentation, un bon praticien, consciemment ou non, usent d’un certain nombre d’astuces personnelles, propres à convaincre, à redonner confiance, à rassurer, à calmer l’angoisse de son vis-à-vis. Tout médecin, dans certains cas, non seulement est capable, mais se doit de bluffer, de faire semblant de savoir. Bien souvent, une prédiction énoncée avec suffisamment d’assurance : ‘ce remède va très rapidement vous remettre sur pied’, favorise grandement l’action du remède en question. Et ce n’est finalement pas tout à fait un mensonge puisqu’il accélère effectivement la ‘remise sur pied’” (Lemoine, 1996, p67).’

Une fois la confiance établie avec le patient, par des interactions de fond et/ou de forme, l’hypnose consiste à lui servir de tuteur conceptuel. Car le patient se présente au thérapeute dans un état de fragilité. L’hypnose se révèle alors comme un outil de re-mobilisation de ses ressources, dans la construction d’une nouvelle perception.

Pour ce faire, il faut comprendre le ou les mythes qui l’animent, comprendre ce qui est pertinent dans sa perception de la réalité, cerner les représentations rigides qui ne souffriront aucune correction, et les représentations souples sur lesquelles le l’hypnothérapeute pourra travailler. L’hypnose, l’hypnose revient ainsi à une forme de conditionnement, ou plutôt de reconditionnement. Car il s’agit bien de conditionner le patient à entrevoir une autre réalité, sous d’autres modalités.

Avec l’hypnose, le thérapeute entre dans l’univers du patient, et non pas l’inverse. Il doit faire preuve de capacité de détection des ressources provenant du patient, et, au cours de l’histoire qu’il raconte, son but est de mobiliser, puis de réinterpréter ces ressources. L’hypnothérapeute doit alors

‘“être capable de se rapprocher graduellement, par étapes adaptées au cours de l’entretien, des idiosyncrasies de l’autre, entendu comme la ‘structure déterminante’ qui lui fait choisir, de façon autorégulée, certaines suggestions plutôt que d’autres” (Martin Wainstein, 1997, p53).’

On peut apparenter le rôle de l’hypnothérapeute à celui d’un tuteur, qui fait corps avec le patient, oserai-je dire, qui pénètre en lui. Je me demande souvent quelles sont les couleurs que quelqu’un a dans la tête, comment sont les dégradés, quels sont ses “décors internes”.

Pour Thierry Melchior, l’hypnose revient ainsi à une annulation temporaire du principe d’altérité chez le patient.

‘“C’est comme si on était placé à l‘intérieur de lui, en disposant d’une connaissance égale, sinon supérieure à la sienne, de ses états internes. En procédant ainsi, le destinateur et le destinataire cessent d’être en position d’interlocuteurs. On passe d’une situation d’interlocution à ce que l’on pourrait appeler une situation d’intralocution” (1998, p254).’

De cette place, de l’intérieur, en se fondant dans l’univers du patient, c’est en effet comme si un dialogue s’instaurait en lui, entre lui-même et lui-même, d’où le sentiment d’une dissociation. Mais un des deux “lui-même” est légèrement différent, et lui apporte un point de vue qui dévie, sans qu’il s’en rende forcément compte. On assiste alors au vécu d’ ”automaticité” propre à l’hypnose, où le patient adopte des sensations, des émotions, ou des comportements, ne sachant plus vraiment s’ils proviennent de lui ou d’”ailleurs”, s’il peut les contrôler ou non. 

Pour Freud, la suggestion correspond ainsi à

‘“une représentation consciente introduite dans le cerveau de l’hypnotisé par une influence extérieure, et qui a été acceptée par lui comme s’il s’agissait d’une représentation surgie spontanément”’

La force de l’hypnose, s’inscrivant directement dans le courant systémique, est de ne jamais chercher à persuader par le conflit, par l’opposition, par l’argumentation, mais plutôt par le sentiment donné au sujet que la représentation qui s’active en lui vient de lui, d’une autre partie de lui, une partie vécue comme dissociée.

Concernant l’expérience dissociative, selon Didier Michaux,

‘“ce serait la capacité d’établir une barrière amnésique dissociant deux expériences contradictoires de la réalité qui déterminerait la capacité à être hypnotisé, si l’on entend par là la capacité de perte apparente d’orientation par rapport à la réalité” (2004, p27).’

Une propriété de l’hypnose serait donc de “s’introduire” dans la réalité du patient par le biais de la dissociation, et de l’amener à la sensation de produire lui-même la réalité alors co-créée, du fait de la suppression du principe d’altérité. Car

‘“on se persuade mieux, pour l’ordinaire, par les raisons qu’on a soi-même trouvées, que par celle qui sont venues dans l’esprit des autres” (Pascal, 1897, p324)’

On nomme ainsi l’agent de la persuasion une “suggestion”. Il ne s’agit pas d’un ordre, mais d’une représentation que l’on adapte au patient pour qu’il soit en mesure de se l’approprier.

‘“Une première manière de caractériser une suggestion serait de dire qu’il s’agit d’un message ayant la forme d’une description, mais dans des conditions d’emploi identiques à celles des ordres, des commandements ou des demandes. Il y a toutefois une différence importante : les ordres ne peuvent porter que sur des comportements réputés volontaires. On peut ordonner à quelqu’un de fermer les yeux ; on ne peut guère lui ordonner de ralentir son cœur ou de cicatriser une blessure” (Melchior, 1998, p253).’

La suggestion, comme “persuasion déguisée”, pourrait-on dire, trouve toute son utilité dans son impact direct sur la perception de l’individu. Ne percevant plus aussi clairement la distinction entre l’hypnothérapeute et lui-même, le sujet peut ainsi accepter des points de vue qui, donnés autrement dans un dîner mondain, aurait probablement mobilisé en lui tout son esprit critique. Dès lors

‘“Les processus suggestifs de persuasion ont un rôle clef : le construit du contournement de la résistance au changement est mis en forme au moyen de stratagèmes de communication capables de rompre le cercle vicieux des tentatives de solution dysfonctionnelles opérées par le patient” (Nardone, 1997, p107).’

Notons qu’à l’évidence, cette stratégie du thérapeute requiert un positionnement chargé d’humilité ! Car, il s’agit alors d’adopter une attitude empreinte de naïveté vis-à-vis du patient, et de la réalité qu’il apporte. Pour qu’il y ait suppression du sentiment d’altérité, en hypnose, il convient d’observer une règle simple qui est “qu’on ne connaît pas la règle”, justement, et que c’est le patient qui nous l’apporte. C’est ainsi que le thérapeute n’est pas un “sachant”, mais quelqu’un qui va se plier temporairement à la réalité du patient, pour en modifier le système de l’intérieur. Combien de patients ont-ils pu me dire “Ah ! Qu’est-ce que je me sens mieux ! Je ne sais pas pourquoi… peut-être parce qu’il fait soleil” ?

Je me souviens d’une conférence organisée par Luis Vasquez, qui avait invité Humberto Maturana, biologiste, cybernéticien chilien de grand renom. Autour du repas de midi, Maturana justifia le choix qu’il avait fait de rester au Chili malgré la dictature. Il nous dit s’être senti plus utile à intégrer le système de l’intérieur, pour en modifier le contenu, de façon imperceptible (faute de quoi il aurait été mis au rang des dissidents, et probablement arrêté). Il nous raconta comment il avait adopté rigoureusement les règles de ce système dictatorial pour se hisser au plus haut, et devenir enseignant, conseiller, chercheur. De cette manière, sans faire de vagues, il eut le sentiment de contribuer à certains changements dans ce système, quand d’autres avaient choisi de produire ce changement par l’extérieur du système.

Et pourtant, à la fois, la stratégie du thérapeute requiert aussi une position haute. Car c’est la croyance en son propre pouvoir, et la mise en scène de cette croyance, qui amplifieront l’efficacité de la suggestion sur le patient. Une forme de compromis serait donc une attitude suffisamment “naïve” pour laisser le patient à la fois projeter son mythe et nous “introjecter”, mais en même temps une attitude suffisamment assurée et contenante, pour augmenter l’efficacité “placebo” de l’hypnose. Le thérapeute induirait ainsi au patient quelque chose de l’ordre de “Je ne sais pas ce que vous avez, mais je sais que j’ai le pouvoir de vous aider à en guérir”.