A.2.3- Neurophysiologie

Sur le plan neurophysiologique, des stimulations nociceptives répétées ont été utilisées à maintes reprises pour des études concernant la douleur chronique, comme des douleurs neuropathiques (Eide, 2000) ou des douleurs musculo-squelettiques (Staud et al., 2001). Selon ces études, l’augmentation du phénomène de sensibilisation, en comparaison avec des sujets contrôles, serait un marqueur clinique courant dans certains syndromes de douleur chronique (Eide, 2000).

En effet, un simple stimulus, répété à une fréquence au-delà de 0,3Hz, provoquerait une sensibilisation réversible durant quelques secondes, par sommation temporelle de la réponse neuronale de la corne dorsale. L’excitation des fibres C engendrerait ainsi une sommation temporelle de la douleur secondaire, appelée “Wind-Up” (Woolf et al., 2000 ; Staud et al. 2007). Le phénomène de maintenance inhabituelle de cette sensibilisation, impliquant fortement le circuit spino-réticulo-thalamique, marquerait la prépondérance de la composante cognivo-émotionnelle dans la douleur chronique.

En ce qui concerne le réseau cérébral impliqué, très peu d’études se sont penchées sur la douleur chronique dans l’absolu, sans stimulation par une douleur expérimentale.

Pourtant, les douleurs aiguë et chronique se présentant cliniquement de façon différente, on peut émettre l’hypothèse d’un réseau cérébral différent lui aussi.

En premier lieu, on a pu observer une activation significativement moins importante du lobe préfrontal chez les sujets souffrant de douleur chronique (Apkarian et al., 2005) par rapport aux sujets sains.

Par ailleurs, Apkarian et al. (2004) ont montré, à partir d’une IRM anatomique, l’existence, spécifique à la lombalgie chronique, d’un phénomène de réduction de la densité de la substance grise thalamique droite et du cortex préfrontal dorsolatéral, en comparaison avec un groupe contrôle. Puis, Schwoebel et al., (2001) ont mené une étude comparant le temps de réponse pour reconnaître la latéralité d’une main photographiée chez des douloureux chroniques et des sujets contrôles. Cette capacité, selon les auteurs, serait corrélée avec le schéma corporel. Ils ont ainsi observé un temps de réponse plus long chez les douloureux chroniques, suggérant une modification du schéma corporel en lien avec la douleur chronique. Cette altération de la “cartographie” du corps impliquerait tout particulièrement le cortex pariétal (Sirigu et al., 1996).

Enfin, Honda et al. (2007), ont montré, dans une étude par tomographie d’émission monophotonique (TEMP), que la douleur chronique engendre une baisse de débit sanguin cérébral au niveau préfrontal dorsolatéral, préfrontal médian, cingulaire antérieur dorsal, et orbitofrontal latéral, avec une dominance dans l’hémisphère droit, en comparaison avec des sujets sains.

Ces résultats mettent en évidence une différence entre les matrices d’activations cérébrales observées en douleur chronique et en douleur aiguë. En effet, une stimulation sous forme de douleur aiguë provoque principalement des modulations métaboliques au niveau des cortex préfrontaux et pariétaux, du cortex cingulaire antérieur, des cortex somesthésiques SI et SII, et de l’insula.

Notons aussi que, si la douleur chronique implique une perte neuronale, notamment au niveau du cortex préfrontal latéral (Apkarian et al., 2004), l’étude IRM de Nolan et al. (2002), montre que des sujets atteints de troubles dépressifs majeurs présentent le même type de déficit au niveau du cortex préfrontal.

Honda et al. (2007) remarquent, de même, que la diminution du débit sanguin cérébral au niveau de l’aire dorsolatérale préfrontale est une caractéristique commune à la dépression et à la douleur chronique.

Enfin, le cortex orbitofrontal a une fonction importante dans le processus de récompense et de punition. Kringelbach et al. (2004) postulent que le cortex orbitofrontal latéral correspondrait au sentiment de punition lié à la douleur, alors que le cortex orbitofrontal médian correspondrait au contrôle et à l’évaluation de la récompense. Honda et al. (2007) ont ainsi montré une baisse d’activation au niveau du cortex orbitofrontal latéral chez les patients douloureux chroniques.

Récemment, une revue de Vuilleumier (2005) a montré une augmentation de l’activité cingulaire et orbitofrontale dans le cadre de symptômes de conversion hystérique, affectant différentes modalités sensorielles et motrices.