A.4- Techniques d’exploration de la douleur et de l’hypnose

Les neurosciences cognitives utilisent fréquemment la tomographie par émission de positons (TEP) ou l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) comme outils d’investigation. Ces techniques d’imagerie permettent d’obtenir une mesure indirecte de l’activité régionale du cerveau, dont le principe repose sur la corrélation “fiable” entre l’activité neuronale et l’augmentation du débit sanguin cérébral.

En TEP, on administre une dose minime d’un traceur radioactif (de l’eau marquée à l’oxygène 15 ([15O]H2O)) dont la demi-vie (temps mis par le traceur pour perdre la moitié de sa radioactivité) est très courte (2 min). Il est donc nécessaire de pratiquer l’injection du traceur et de mesurer le taux d’émission radioactive simultanément. Le cerveau du patient placé au centre de la caméra émet des rayonnements  qui sont alors détectés par une caméra capable de restituer un signal électrique proportionnel au nombre de rayonnements reçus. Un programme de reconstruction tomographique permet ensuite de reconstituer une cartographie en 3 dimensions (3D) de la distribution du débit sanguin régional. La résolution spatiale des images obtenues est de l’ordre de 6mm. Dans l’étude combinée de l’hypnose et de la douleur, la TEP est, par exemple, la technique utilisée par Faymonville et al. (2000, 2003), Rainville et al. (1999), et Hofbauer et al. (2001), ou, dans l’étude de l’hypnose sur la douleur chronique, par Wik et al. (1999).

L’IRM est une technique d’imagerie médicale basée sur les principes de la RMN (Résonance Magnétique Nucléaire). En clinique, on utilise principalement l’imagerie par résonance magnétique (IRM) du noyau d’hydrogène présent dans la molécule d’eau, celle-ci étant présente de 60 à 80% dans le corps humain selon les tissus. L’IRM consiste à étudier les modifications d'aimantation des noyaux d’hydrogène (protons) sous l'action conjointe de deux champs magnétiques : un champ magnétique principal statique et élevé (B0=1,5 ; 3 ; 7 ; ou 11 Tesla (T) ou 3T) et un champ électromagnétique tournant (B1) ou onde radiofréquence (RF). Si le premier permet de polariser l’aimantation microscopique des protons (spins), le deuxième les excite. Leur excitation immédiate renvoie alors un signal RMN qui dépend des caractéristiques biophysiques (temps de relaxation T1 et T2) des molécules d’eau au sein des tissus. À partir de ce signal, que l’on peut coder spatialement grâce à l’application de gradients de champ magnétique dans les 3 directions de l’espace, on peut reconstruire des images anatomiques dont la résolution spatiale obtenue est de l’ordre de 1mm.

Dans le cas de l’IRM fonctionnelle, on effectue des images de moindre résolution spatiale (4 mm), mais avec une résolution temporelle bien supérieure. On acquiert ainsi une cinquantaine de coupes sur l’ensemble du cerveau en moins de 3 secondes afin de suivre les modifications de signal lors d’une stimulation motrice, sensorielle, cognitive ou émotionnelle. Cette stimulation engendre une augmentation du débit sanguin local qui entraîne une augmentation de quelques pourcents (5%) du signal RMN. Une analyse statistique comparant les images obtenues pendant la stimulation et au repos permettra de localiser les régions impliquées dans cette tâche. Cette cartographie fonctionnelle sera fusionnée avec l’IRM anatomique pour identifier précisément la localisation cérébrale des données d’activation. Dans l’étude de la douleur, l’IRMf est, par exemple, la technique utilisée par Apkarian et al. (2004), ou, dans l’étude de la douleur, par Bingel et al. (2007), ou, dans l’étude combinée de l’hypnose et de la douleur, par Derbyshire et al. (2004).

D’autres techniques permettent d’obtenir des informations sur l’activité du cerveau, telles que l’électroencéphalographie (EEG), la magnéto-encéphalographie (MEG), ou encore la mesure des potentiels évoqués (PE).

L’électroencéphalographie repose sur la mesure de l’activité électrique du cerveau, grâce à des électrodes placées en grand nombre sur le cuir chevelu. En fonction du nombre d’électrodes, on obtient une cartographie plus ou moins précise de l’activité électrique du cerveau. Si l’information est obtenue avec une très grande résolution temporelle, de l’ordre de 10ms, la précision spatiale reste très limitée (supérieure au cm). Dans l’étude de l’hypnose, l’EEG est la technique utilisée, par exemple, par Batty et al. (2006).

La magnétoencéphalographie a pour principe la mesure du champ magnétique exercé par l’activité électrique des neurones. Les variations d’activité magnétiques sont enregistrées par un système appelé “SQUID “(Superconducting Quantum Interference Devices). La résolution temporelle est aussi de l’ordre de 10ms et permet une reconstruction tomographique plus précise. Dans l’étude de la douleur, la MEG est, par exemple, la technique utilisée par Forss et al. (2005), ou par Ploner et al. (2002).

La méthode de mesure des potentiels évoqués consiste en l’évocation d’un potentiel d’action neuronal par l’effet d’une stimulation. Le potentiel évoqué émet alors un signal électrique et magnétique que l’on peut mesurer par électroencéphalographie ou magnétoencéphalographie. Dans l’étude de la douleur, c’est, par exemple, la technique utilisée par Garcia-Larrea et al. (2002) et, dans l’étude combinée de l’hypnose et de la douleur, par Pascalis et al. (2007).

Le choix de l’utilisation de l’une ou/et l’autre de ces techniques varie en fonction des résolutions temporelles et spatiales des informations attendues, mais aussi de la faisabilité par rapport aux contraintes d’expérimentation. Il s’avère, par exemple, impossible de pratiquer un examen IRM sur des sujets appareillés ou souffrant de claustrophobie (l’IRM se présente aujourd’hui comme un tunnel étroit dans lequel on insère le corps entier), ou un examen TEP pour une étude concernant les femmes enceintes, du fait de la radioactivité inhérente à cette technique.