Au-delà du principe de profit

Adam Smith commence son ouvrage De la richesse des nations par la description d’une manufacture d’épingles. Il montre que, par la division du travail, la productivité est plus grande et le profit plus important. Plus généralement, les économistes classiques fondaient leur réflexion sur le principe de profit : en recherchant un plus grand profit personnel, les agents faisaient involontairement le bien de tous. Marx, également, voyait dans la recherche du profit par les capitalistes la pulsion qui amènerait irrémédiablement le capitalisme vers la faillite et le monde vers le socialisme.

L’échec des théories classiques à expliquer le développement ou à indiquer les méthodes à suivre, la preuve claire qu’il n’existe aucune tendance à la baisse des profits, désignent une absence. Nous pensons que le risque est ce facteur négligé.

De même que, pendant longtemps, les chimistes ont pensé que l’oxygène était de l’air déphlogistiqué4, plus d’un économiste croit encore que le risque est une absence de profit. Suivant la formule attribuée à Knight, le risque probabilisable est assurable, le risque non probabilisable est radical (radicalement ignoré !).

En réalité, le risque apparaît comme un facteur autonome et irréductible dans la décision des agents5. Mieux encore, il s’agit d’une force de néguentropie qui oblige les agents à coopérer, à créer des institutions, à rechercher de nouvelles opportunités. Par la tension que le risque engendre, il accroît le transfert des informations et évite le déclin progressif des sociétés vers l’extinction.

Cependant il comporte également une dose d’ambiguïté. Janus économique, le risque peut pousser tout à la fois vers plus d’organisation et d’échanges mais tout aussi souvent vers le désordre et l’inactivité.

Dans les pays développés, c’est sa face souriante que l’on peut voir, c’est elle qui permet l’existence des institutions, qui récompense les audacieux ou qui excite les hésitants.

Mais c’est la face grimaçante que le risque montre dans les pays non développés. C’est elle qui fige les initiatives et qui fait fuir capitaux et entrepreneurs (vers les pays développés).

Notes
4.

. Kuhn (1983), p. 84 sq.

5.

. Pour les financiers, il s’agit déjà d’un couple : risque et rentabilité.