Avant d’aborder les théories de la décision ou plutôt les méthodes, il est nécessaire d’évoquer les notions développées par Herbert Simon (1996). Celui-ci constate que l’individu ne prend pas sa décision simplement en fonction de l’environnement externe, par optimisation. Il distingue entre la rationalité substantive, celle qui est seule prise en compte dans la théorie de la décision des néoclassiques, et la rationalité procédurale qui dépend également des capacités cognitives et procédurales de l’individu26.
Ainsi, pour décider, l’individu utiliserait un ensemble de routines et de procédures qui ont fait leurs preuves dans le passé. Les erreurs commises sont ensuite introduites dans le système heuristique pour servir dans les prochaines décisions (Simon, 1996).
Pour mémoire, les ordinateurs ont commencé à battre les meilleurs joueurs d’échecs à partir du moment où il y avait, avant calcul, une sélection des coups adverses les plus habituels. Contrairement à une idée répandue, les ordinateurs d’échecs ne calculent pas tous les coups jusqu’à une certaine profondeur, mais font, à partir de situations semblables, une présélection des coups acceptables, qu’ils étudient. A fortiori donc, l’être humain, qui a des capacités de représentation élevées et de calcul faibles.
L’approche de Simon éclaire les théories que nous allons présenter ci-dessous. La décision y est bien moins le fruit d’une connaissance parfaite que d’une représentation du monde établie sur l’expérience antérieure (probabilité fondée sur des observations antérieures) et peut-être des données religieuses, culturelles ou autres. Elle en accroît aussi la portée, parce que la dépendance de sentier n’est pas seulement matérielle mais aussi cognitive.
Parmi les théories de la décision, nous en avons choisi trois qui couvrent la plus grande partie de la connaissance en la matière : la théorie de l’utilité espérée, la théorie des jeux et la théorie du portefeuille. Ce choix s’imposait d’autant plus que ces théories délimitent bien les bases de notre raisonnement :
. North (1990) justifie également l’existence des institutions par la rationalité procédurale (p. 108).
. Nous avons procédé, spécialement avec la théorie de l’utilité espérée, comme si l’agent était face à une loterie. Bienaymé (2006), parlant de l’Europe, affirme de façon identique : « … l’individu se comporte comme devant une loterie : il pondère les gains qu’il convoite par leurs probabilités respectives. Lorsqu’il lui faut décider sans le secours des probabilités (objectives) son tempérament dicte son attitude » (p. 415).