Expérience 2 : Équivalent certain et probabilité

Pour comprendre la perception du risque, on pourrait simuler à nouveau l’expérience (1) en faisant varier la probabilité et en gardant fixe le gain. Et on aura peut-être :

Tableau 6 : Équivalent certain et probabilité
  Loterie (1) Loterie (2) Loterie (3)
Issue (1) 0 € ; 50 % 0 € ; 10 % 0 ; 1 %
Issue (2) 100 000 € ; 50 % 100 000 € ; 90 % 100 000 € ; 99 %
Équivalent certain 30 000 € 70 000 € 100 000 €

L’expérience serait conforme à ce qui est constaté sur les marchés financiers, à savoir que les agents économiques ont tendance à sur-pondérer les probabilités élevées et à sous-pondérer les probabilités faibles.

L’utilité espérée (UE) a été redécouverte au xx e siècle avec les travaux de Von Neumann et Morgenstern (1944), Savage et Friedman, pour n’en citer que quelques-uns. Le modèle le plus connu est celui de Von Neumann et Morgenstern (VNM). Il s’agit d’un modèle normatif qui stipule ce qu’un décideur normal devrait faire. VNM comporte un certain nombre d’axiomes :

Clairement, le modèle n’est pas généralisable à tous les cas de risque et les axiomes ont été infirmés, notamment par Allais (1953).

Le modèle présume aussi une connaissance du risque et une capacité de le calculer qui sont généralement absentes, comme le montre le paradoxe d’Ellsberg. L’expérience décrite par Raiffa (1961) consiste à répondre à deux questions :

En moyenne, les individus testés ont répondu 40 $ à la première question et 10 $ à la seconde. La conclusion d’Ellsberg est que les individus tendent à être plus risquophobes lorsqu’ils ne comprennent pas le niveau de risque ou ont du mal à le calculer.

On se rend compte des difficultés de généraliser des observations ou des intuitions à des individus différents. En outre, chaque individu pourra, dans des contextes légèrement différents, agir différemment. La règle « toutes choses égales par ailleurs » est à appliquer strictement pour pouvoir obtenir des résultats cohérents. Les aberrations locales que nous avons notées plus haut (la voiture de 30 000 euros espérée) reflètent un contexte différent. La seule certitude est que l’individu face au risque bâtit un certain nombre de scénarios, des « états du monde » et qu’il décide sur un « gut feeling ».