Le champ d’application de la théorie des jeux est vaste et englobe la microéconomie, tout particulièrement les modèles de concurrence, mais également des domaines aussi variés que la négociation internationale, la sociologie et même les relations de couple.
C’est au xix e siècle qu’a émergé l’ancêtre de la théorie des jeux : l’étude des oligopoles. Les trois apports les plus marquants sont ceux de Cournot, de Bertrand et de Stackelberg. Quant à la théorie des jeux moderne, elle a vu le jour grâce au travail de Von Neumann et Morgenstern (1944), qui ont voulu critiquer le modèle néoclassique de concurrence pure et parfaite.
Après la réflexion de Von Neumann et Morgenstern, un autre apport très intéressant s’est rajouté à la littérature de la théorie des jeux. Il s’agit du travail de Nash, qui se caractérise par un équilibre qui porte son nom. Nash a généralisé les équilibres de Cournot et de Stackelberg et étudié les combinaisons de stratégies, une par joueur, où les joueurs ne regrettent pas leurs choix après la constatation des choix des autres joueurs. Le résultat de cet équilibre est que chaque firme vend moins de biens que dans le cas de concurrence pure et parfaite, et le prix fixé est plus élevé. Si, pour le grand public, la théorie des jeux est surtout connue par le dilemme du prisonnier31, les spécialistes ont, pour leur part, établi une taxinomie très précise qui permet de déterminer des méthodes pour résoudre différents cas32.
. Le dilemme du prisonnier : en 1950, Melvin Dresher et Merill Flood découvrent le dilemme du prisonnier, une situation montrant la difficulté de la coopération malgré ses avantages. L’énoncé de ce problème est simple. Deux complices sont arrêtés et enfermés dans des cellules séparées, la police fait à chacun les propositions suivantes : s’il avoue et que son complice avoue, ils sont tous deux condamnés à trois ans de prison ; s’il avoue et que son complice n’avoue pas, il est condamné à un an de prison et son complice à cinq ans. En revanche, si aucun n’avoue, ils seront tous deux libérés. Parmi les deux tactiques : avouer ou ne pas avouer, celle qui minimise la perte potentielle de chacun des voleurs est d’avouer ; elle « domine » donc celle qui consiste à ne pas avouer et les deux voleurs, à cause de l’incertitude « stratégique », avoueront et seront condamnés à trois ans de prison.
. Les catégories les plus ordinaires sont : (i) les jeux à somme nulle, où la somme des gains des joueurs est constante quelles que soient les tactiques employées. Les échecs ou le poker sont des jeux à somme nulle ; (ii) les jeux à somme non nulle, où tout gain d’un joueur ne traduit pas nécessairement une perte pour l’autre. Le dilemme du prisonnier est un jeu à somme non nulle car certaines issues sont profitables pour tous, ou dommageables pour tous. Le management, féru d’anglicismes, appelle cela les win-win situations ; (iii) les jeux coopératifs, qui regroupent toutes les situations où chaque intervenant peut communiquer librement avec tous les autres. Notamment, les joueurs sont libres de négocier pour influencer des décisions ; (iv) les jeux en information complète où toute l’information pertinente pour le jeu est observable par tous. Les échecs sont en information complète, le poker non. Les jeux répétés sont des jeux à plusieurs coups : les stratégies des joueurs sont des listes d’instruction. Dans cette catégorie, il faut distinguer les jeux répétés indéfiniment, les jeux finis et les super-jeux.