L’économie des conventions et la théorie des jeux

L’économie des conventions est apparue au milieu des années 1980, sous l’impulsion de la réflexion sur les formes d’organisation du travail, les comportements sur les marchés financiers et les normes qui régissent les relations entre les entreprises. Selon Favereau (1989), les chercheurs de cette économie proposent « des modifications structurelles remettant en cause des hypothèses parfois restées implicites auparavant33 » et proposent l’élaboration ou la réélaboration de concepts étrangers au cadre néoclassique.

Les chercheurs se fixent pour objectif de construire un cadre d’analyse en partie original, sans mettre en cause l’économie de marché. Les économistes des conventions reprochent aux néoclassiques de ne pas accorder assez de place aux institutions, et d’en accorder une trop grande à la rationalité individuelle.

L’hypothèse de base de l’économie des conventions porte sur l’accord entre les individus, qui n’est pas possible sans un cadre commun ou une convention constitutive, même s’il se limite à un contrat d’échange marchand. Ainsi, une convention peut être définie comme un système d’attentes réciproques sur les compétences et les comportements. L’organisation sociale se dote d’une référence commune et produit une représentation collective qui fonde les anticipations individuelles. À la différence d’un contrat, où chaque point est explicité, les comportements attendus n’ont pas besoin d’être connus à l’avance, écrits et ordonnés pour être obtenus dans le cas d’une convention. Celle-ci apporte une solution au problème de coordination des décisions entre agents.

Selon Lewis (1969), le concept de convention trouve son intérêt en présence de problèmes de coordination. Voici un exemple dans le contexte de la théorie des jeux non-coopératifs :

Tableau 7 : Jeux non-coopératifs 
Bernard Albert
(A) (B)
(A) (1, 1) (0, 0)
(B) (0, 0) (1, 1)

Source : Boyer et Orléan (1994), p. 219.

Dans un jeu comme celui-ci, il n’existe pas de conflit d’intérêts entre les joueurs. Les deux joueurs préfèrent identiquement les situations (A, A) ou (B, B), mais ils ne peuvent communiquer pour s’accorder sur un même comportement (A) ou (B). En l’absence de coordination, la multiplicité des solutions ne permet pas aux agents de résoudre l’indétermination entre ces deux équilibres de Nash. En d’autres termes, fondée sur l’hypothèse de rationalité, la régression à l’infini des anticipations croisées n’apporte pas de solution au problème. C’est l’existence d’une convention, c’est-à-dire « une régularité de comportement à laquelle tous les membres d’une collectivité adhèrent, et qui spécifie la conduite à suivre dans une certaine situation récurrente34 » qui permet de résoudre l’indétermination.

L’utilité d’une convention est croissante avec le nombre d’agents qui l’adoptent. De là, les gains liés à la conformité des stratégies l’emportent généralement sur les préférences individuelles.

La perspective de la théorie des jeux est celle de l’individu en société. Elle met en lumière la nécessité des conventions ou des institutions pour se rapprocher de l’optimum social.

Notes
33.

. Favereau (1989), p. 51.

34.

. Schotter (1981), p. 9.