Section 2. Risque et richesse

Existe-t-il une explication première aux différences de richesse entre nations ?

Si une cause devait exister, elle devrait influer sur la croissance, année après année, de sorte qu’à l’issue de quelques décennies la divergence s’établisse40. Elle devrait par ailleurs être si évidente qu’on n’y prendrait pas garde. La théorie des climats pourrait faire l’affaire si elle ne comportait trop d’exceptions. Celle des civilisations (ou pire) sent trop le soufre et offre bien peu de solutions. La théorie du risque en revanche a plusieurs avantages : un grand nombre d’événements peuvent être ramenés à ce paramètre (risque de guerre, régime tyrannique, idéologie crispée, nature ingrate, etc.). Le risque étant un élément extérieur à la nature des peuples, cette cause est moralement plus acceptable et permet d’espérer des solutions.

Dans cette section, nous supposerons que la richesse est le produit d’une croissance séculaire qui elle-même est la conséquence de l’investissement. Après une brève revue des théories de la croissance, nous examinerons comment l’investissement est influencé par le risque et par les attitudes face à celui-ci. Nous verrons également comment des politiques a priori déficientes (comme le protectionnisme ou le « crony capitalism ») sont économiquement efficaces.

Nous avons utilisé surtout des concepts financiers pour justifier notre raisonnement et nous avons souvent pensé généralisable ce qui était une expérience personnelle. Par ailleurs, même si elles sont à peine évoquées, les idées de Perroux (1964) sur le développement déséquilibré ont été une grande source d’inspiration.

Notre conclusion, quelque peu paradoxale, sera que, du fait même du risque, les nations restées pauvres développent un potentiel qui leur permettrait de revenir dans la course si les politiques adéquates étaient appliquées.

Notes
40.

. Cohen (1997) affirme qu’à l’aube de la première révolution industrielle, l’écart de revenu par habitant entre l’Europe Occidentale, l’Inde, l’Afrique ou la Chine est probablement inférieur à 30 %. Le phénomène inégalitaire entre les nations est récent, il est le produit des deux derniers siècles (p. 31).

L’accélération de l’inégalité semble de plus coïncider avec la globalisation.