4. Échange de risque et croissance

Le risque est donc un puissant frein à l’investissement dont la faiblesse est un facteur explicatif du retard des PED. Nous avons également démontré qu’en échangeant du risque les agents pouvaient réduire le risque consolidé. On peut en déduire qu’un échange actif du risque relancera les économies en développement.

Pour fixer les idées, examinons ce qui se passerait au sein d’une économie après échange de risque.

Soit l’univers des investissements possibles classés en fonction de leurs risques et de leurs rentabilités anticipées. Supposons que les agents aient une fonction d’indifférence consolidée entre le risque et la rentabilité. Nous aurons un ensemble d’investissements possibles comprenant tous ceux ayant un couple risque-rentabilité plus attrayant que celui de la fonction d’indifférence. Comme par l’échange le risque consolidé diminue, il s’ensuit que l’ensemble des investissements possibles augmente.

Le schéma suivant illustre cette démonstration.

Soit la fonction d’indifférence agrégée avant Échange (A) et la fonction après échange (B). (B) se trouvera à la droite de (A) parce que le risque consolidé aura diminué, comme nous l’avons montré plus haut.

Dans la zone (I) comprise entre (A) et (B) de nouveaux investissements sont désormais envisageables. L’univers des investissements possibles a augmenté.

Graphique 22 : Investissements et échange
Graphique 22 : Investissements et échange

Avant d’aller plus loin, il est essentiel de clarifier de quelle façon le crédit est un mode d’échange de risque.

Dans notre histoire précédente, nous avions envisagé une collaboration salariale. Mais supposons deux catégories d’investisseurs : le premier hostile au risque et souhaitant un rendement sur son capital de 7 % et le second acceptant une variabilité du résultat, pourvu que son espérance mathématique puisse être la plus élevée possible. Soit maintenant un projet de 1 000 000 d’euros pouvant avoir deux résultats équiprobables : 1 250 000 euros ou 1 050 000 euros.

Les deux investisseurs peuvent se mettre facilement d’accord, le premier investissant 700 000 euros et le second 300 000 euros, avec une garantie pour le premier de 7 %. De cette façon, le premier a pu obtenir 7 % et le second a eu un rendement moyen de 33,33 %. Pour réaliser leur investissement commun, les deux partenaires ont échangé différentes structures de risque. Cet échange est, clairement, un contrat de prêt.

Une entreprise peut ainsi trouver les ressources nécessaires pour son activité auprès de plusieurs types d’agents ayant des profils de risque différents et échangeant leurs risques par l’intermédiaire de cette entreprise.

On pourrait nous objecter que si les crédits octroyés à une entreprise peuvent être assimilés à un échange de risque, comment pourrait-on affirmer la même chose pour un crédit à la consommation ? Sans trop rentrer dans le détail, la théorie admet qu’un agent vise par ses choix à maximiser sa consommation sur l’ensemble de sa vie68. On peut supposer qu’en achetant une télévision à crédit, il espère réduire certaines dépenses immédiates et augmenter peut-être certaines opportunités, pour, en définitive, avoir le plus grand revenu et la plus grande consommation possible. On a donc, là aussi, un agent qui prête contre une rémunération fixe et un autre qui emprunte pour un bénéfice aléatoire.

Toutefois, l’échange ne va pas de soi : il faut certainement qu’il n’induise pas un risque accru et que le coût de transaction ne soit pas excessif. Notre prochaine section sera consacrée à une revue des principales institutions.

Notes
68.

. D’après la théorie du cycle de vie, développée notamment par Ando et Modigliani (1957).