S’il est vrai que le retard des PED est dû à l’insuffisance de l’investissement, que celui-ci est conditionné par le niveau de risque et que ce dernier peut être amoindri par l’Échange, pourquoi cet échange ne permet-il pas aux PED d’obtenir un niveau de risque comparable à celui des pays développés (ou du moins acceptable) ?
Notons que l’Échange implique, comme tout échange, des coûts de transaction et qu’il entraîne parfois un risque nouveau. De sorte qu’il peut arriver que l’Échange ne réduise aucunement le risque mais l’augmente plutôt.
Bien que les preuves manquent, les indices sont nombreux pour montrer que c’est la qualité des institutions qui rend l’Échange efficace en termes de coûts et en terme de réduction de risque. Et si l’on a pu dire que la théorie des jeux avait invalidé celle d’Adam Smith, en revanche elle aurait confirmé l’institutionnalisme. Pour Garello (2005), « … la solution de Hayek et des Autrichiens : pour que l’harmonie sociale existe, il faut que des institutions soient en place, et diminuent les chances de se tromper sur la façon dont les gens vont se comporter : vont-ils respecter la parole donnée, exécuter leurs obligations, ne pas tricher ni voler ? L’économie n’est pas un jeu, mais exige une règle du jeu ».
L’institutionnalisme est une vieille tradition aux États-Unis, marquée par des économistes tels que Commons, Dewey et Bromley. C’est néanmoins à la suite de Coase, d’Akerloff et de Stiglitz que ce courant s’est renouvelé, notamment sous l’impulsion de Douglas North. Le point de départ des nouveaux institutionnalistes était l’asymétrie de l’information, les institutions étant la solution pour réduire ces « coûts de transaction ». Ainsi North (1990)69 affirme : « Institutions reduce uncertainty by providing a structure to every day life. »
Les praticiens du développement, la Banque mondiale par exemple, sont désormais totalement persuadés que le développement a un besoin absolu de bonnes institutions. Nous pensons que la « triade » institutionnelle pour les PED est l’État, les entreprises et le crédit. L’État est la première des institutions : la plus grande et le modèle, mais il est aussi l’initiateur et le garant des règles ; les entreprises sont l’expression de l’initiative privée ; et le crédit est le liant principal qui permet aux agents de procéder à l’Échange. Notre proposition touche à ces trois domaines : c’est à l’État de mettre en place le Certificat hypothécaire, de lui assurer un environnement acceptable, de participer au programme ou de corriger les déviations. Ce sont les entreprises qui bénéficieront en premier lieu de l’innovation et c’est par le crédit que se diffuseront les effets bénéfiques70.
Dans cette section nous parlerons de l’État, des entreprises et du crédit. Mais nous repousserons l’examen plus approfondi de ce dernier, plus central dans notre thèse, au deuxième chapitre. La discussion sur l’État et l’entreprise pourra paraître quelque peu théorique puisque son orientation sera la place du risque dans ces deux institutions et non pas leur apport au Certificat qui, lui, ne sera abordé qu’au troisième chapitre. Nous estimons cependant que cet examen permet de garder le risque au cœur de notre démarche. En effet, c’est par le risque que nous arrivons au Certificat, c’est par une meilleure gestion du risque que progressent les PED et c’est par la compréhension des institutions que nous pouvons appréhender le risque.
. North (1990), p. 3.
. Ainsi, Rodnik D. et Subramanian A. [2003] affirment que les résultats des études « … montrent que la qualité des institutions prime sur tout le reste [la géographie ou le commerce international] ». Pour inciter les États à engager la réforme de celles-ci, ils suggèrent de conditionner l’octroi de prêts internationaux à cette réforme.