Les modèles traditionnels de l’entreprise

Le modèle néoclassique en donne une vision assez réductrice. Elle est une boîte noire dont le seul objet est de maximiser son profit. Elle y arrive en optimisant sa fonction de production. Elle transforme des facteurs de production et du capital en produits. Elle écoule ses produits au prix de marché (sauf si elle est en situation de monopole ou d’oligopole).

Le risque, s’il existe, est probabilisable, donc assurable, et il peut être assimilable à un coût frictionnel.

Cette conceptualisation suppose que l’entité peut être assimilée à un individu unique – l’entrepreneur –, qu’il est aussi informé qu’on peut l’être, que sa capacité de calcul et d’optimisation est infinie, et enfin qu’il n’est animé que par la maximisation du profit.

Cette représentation a été critiquée pour son manque de réalisme. Toutefois elle continue à avoir des défenseurs qui affirment qu’elle est largement suffisante pour comprendre le fonctionnement des marchés et déterminer des politiques économiques.

Une autre argumentation plus subtile est celle de Friedman. Celui-ci, à la suite d’Alchian et Enke, explique que les entreprises qui suivent le type idéal – c’est-à-dire celles qui sont totalement tendues vers le profit maximal et qui ont les meilleures capacités d’information et de calcul – se développent et évincent progressivement les entreprises moins efficaces. Le modèle est donc à la fois normatif et descriptif dans le long terme. Friedman tire la conclusion qu’on peut faire comme si (« as if ») il n’existait que ce type d’entreprise.

Tous les détracteurs de cette argumentation n’ont pas été convaincus. Ils affirment que le darwinisme implicite dans l’argumentation de Friedman n’est pas déterministe et qu’il n’exclut pas une multitude de formes qui ne sont pas nécessairement optimales. La remarque souvent citée est celle attribuée à Stephen J. Gould que le tournesol aurait été encore mieux adapté s’il avait développé des pieds pour sortir de l’ombre des grands arbres. En outre, ils contestent qu’un comportement optimal unique existe, et qu’il reste optimal en toutes circonstances. Ces doutes ont donné lieu à de nouvelles approches à partir du milieu du xx e siècle que l’on regroupera dans l’ensemble dit « modèle néo-institutionnel91 ».

Plusieurs économistes et penseurs ont alimenté ce courant de pensée : Galbraith et Merril (1991) pour le rôle des managers, Coase pour les coûts de transaction, Jensen et Meckling pour la théorie de l’agence, Williamson pour l’organisation de la firme et bien d’autres encore.

L’entreprise n’est plus une boîte noire dont la structure est inexistante ou tout au moins sans pertinence. C’est dans le prolongement de ce courant et inspiré par les travaux de Knight (1921) que nous avons élaboré notre propre modèle.

Notes
91.

In Bouba-Olga (2003), p. 19-23.