3. Le crédit

Dans un sens large, le crédit est la principale institution pour l’échange de risque. En effet, toutes les autres font appel à celle-ci : le citoyen fait crédit des allocations éventuelles qu’il pourrait recevoir, l’employé fait de même pour sa future rémunération, l’assuré pour son indemnité et le fournisseur pour sa créance. Dans les marchés financiers, en sus du risque de marché, les institutions financières prennent en compte le risque de contrepartie. Ainsi, quelle que soit l’institution d’échange de risque, un élément de crédit y est présent.

De plus, les montants sont colossaux. Même dans un sens étroit, c’est-à-dire n’incluant que les crédits directs, les enjeux sont considérables. En France, par exemple, si l’on ne prend que les prêts bancaires et les prêts fournisseurs, la somme dépasse de très loin le PIB annuel.

Cette institution est triplement associée au risque : elle sert, comme nous l’avons dit, dans tous les échanges de risque, ses formes s’y sont adaptées et un excès de risque la fait disparaître. Du reste, le crédit est l’élément de patrimoine le plus risqué. Si, pour simplifier, on considère que le patrimoine d’un individu est composé de propriétés immobilières et de créances, les premières ne peuvent être perdues que par un acte violent alors que la seule inertie du débiteur (et la passivité du créancier) suffit pour perdre les secondes. Cela est illustré par la loi qui distingue la prescription acquisitive d’un bien immobilier (ou usucapion) qui requiert une jouissance paisible et de bonne foi de trente ans, et la prescription extinctive d’un droit personnel qui est généralement de dix ans.

Les trois institutions, État, entreprises et crédit, forment une symbiose dans laquelle chacune a besoin des autres pour se développer et parfois tout simplement pour survivre. Dans le cas du crédit, il est absolument nécessaire aux entreprises, il matérialise l’alliance entre l’État et les citoyens, sa protection est un des services essentiels de l’État et son développement se fait grâce aux entreprises.

Le retard des PED se manifeste, entre autres, par la faiblesse du crédit98.

Les banques et les entreprises ont des bilans de petite taille, les patrimoines des individus sont, relativement aux pays développés, investis davantage dans de l’immobilier ou dans des actifs à l’étranger. Enfin, toute secousse économique tend à faire fuir les créanciers locaux et étrangers. La résilience du crédit semble donc être la condition principale pour donner aux PED les moyens du développement. Nous traiterons ce point plus en profondeur dans le deuxième chapitre.

Notes
98.

. Les liens entre l’approfondissement financier et la croissance ont fait l’objet d’une littérature importante. Bien que nous nous intéressions au crédit et non pas seulement au crédit bancaire, les conclusions valables pour ce dernier le sont encore plus pour le crédit en général. Pour la relation entre le secteur financier et la croissance dans les PED, voir par exemple : Anne (1998).