Section 1 : Monnaie et crédit

Cette section a pour but de faire ressortir les rôles respectifs du crédit et de la monnaie. Cette démarche trouve sa logique dans le contexte particulier des PED. On peut, en effet, hésiter dans les pays développés sur la primauté de la monnaie ou du crédit103. Dans les PED, l’hésitation n’est guère possible car leur monnaie est une contrainte au service d’un souci souverainiste et non pas un instrument facilitant le commerce des agents.

Comme le cas libanais le montre amplement, il est possible et facile de commercer dans une autre devise que celle du pays, et l’existence de la livre libanaise n’a pas permis une politique monétaire mais a requis l’immobilisation de ressources importantes au titre des réserves de change. En revanche, il est impossible de se passer du crédit national. Les crédits étrangers restent faibles par rapport aux crédits nationaux et, en outre, avec la réforme Bâle 2, l’incitation pour les banques commerciales occidentales de prêter dans les PED se réduira fortement.

Dans les PED, les banques centrales sont donc dans l’obligation de gérer le crédit national, voire même d’exercer un protectionnisme de crédit, décourageant les prêts à l’étranger et encourageant les prêts locaux. Elles peuvent à l’inverse se passer totalement de la devise nationale, opter pour un Currency Board ou, plus communément, choisir une parité fixe. Dans les trois cas, la politique monétaire, telle qu’elle est habituellement considérée, devient une impossibilité.

Ce n’est, cependant, pas seulement pour des raisons contextuelles que la Credit View sera choisie dans la suite de notre thèse, mais parce que nous avons l’intime conviction que le débat entamé il y a près de deux siècles sur la nature de la monnaie, et dont nous retrouvons les échos dans le remarquable ouvrage de Charles Rist (1938)104, est arrêté mais non pas clos. Nous pensons que la crise financière actuelle, la plus sévère sans doute depuis trente ans, jettera, lorsqu’elle sera passée, une nouvelle lumière sur les places respectives de la monnaie et du crédit. Et ce ne sera là qu’une des moindres ironies de l’Histoire que d’avoir placé aux rênes le tenant actuel, principal, de la Credit View, celui qui en a le plus renouvelé les fondements tout en l’intégrant dans l’orthodoxie économique.

Nous commencerons par présenter la théorie du canal du crédit. Nous exposerons ensuite le crédit interentreprises, ce qui nous permettra de remettre en cause l’acception commune de la monnaie et de proposer notre conception du modèle d’équilibre entre le crédit et les actifs. Notre approche sera multiple, par l’économie, la comptabilité et le droit. Nous croyons qu’ainsi nous cernerons davantage la réalité multiforme des agents, en dépit de l’absence d’extensivité et de rigueur.

La conclusion que nous tirerons portera sur l’importance du crédit, et particulièrement le crédit bancaire, et sur la nécessité capitale d’améliorer la liaison entre les actifs et le crédit.

Notes
103.

. Stiglitz et Greenwald (2005) pensent que « … la clé de la compréhension du rôle de la monnaie se trouve dans l’ajustement entre la demande et l’apport de fonds disponibles. Ce phénomène suppose de comprendre l’importance des imperfections dans l’information et dans le comportement des banques avec leurs conséquences », p. 2.

104.

. Rist (1938) : « La confusion du crédit et de la monnaie que l’on constate dès les origines de la conception du billet de banque, dont John Law a été le principal protagoniste et Adam Smith le propagateur inconscient, trouve sa formule définitive chez Ricardo où la confusion entre un instrument de crédit et un étalon monétaire est faite avec une candeur qui jusqu’alors n’avait pas été atteinte », p. 173.