Les banques comme organe réactif

Nous pouvons probablement assimiler le canal étroit du crédit à un coefficient de réaction du secteur bancaire. Celui-ci ne serait pas un corps inerte – un voile – réagissant passivement et toujours de la même façon aux impulsions externes, mais un organisme vivant ayant ses propres buts, qui agit, réagit et s’adapte aux nouvelles circonstances. En outre, et comme le montre Kierzenkowski (2001) dans le cadre d’une modification de taux d’intérêt, le canal n’est pas toujours positif ; il est parfois négatif, suivant la variation du spread entre le taux débiteur et le taux des titres. Le secteur bancaire pourra donc parfois amplifier, parfois atténuer les impulsions externes. Dans tout cela, les facteurs psychologiques (l’aversion au risque) jouent un rôle clé dans l’activité de crédit – quel que soit le niveau de réserves obligatoires ou celui du taux d’intérêt, rien n’obligera un banquier à prêter s’il est inquiet.

Par conséquent, il est probable que la réaction du secteur bancaire à un choc exogène sera déterminée par la nature, la soudaineté, l’amplitude et l’intensité de celui-ci. Un tremblement de terre n’affectera pas le secteur bancaire comme le relèvement des taux d’intérêt ; des hausses de taux sur six mois n’auront pas les mêmes effets qu’une seule augmentation ; et une dévaluation d’une monnaie nationale de cinquante pour cent n’est pas équivalente à cinq fois une dévaluation de dix pour cent. Il est vraisemblable également, du fait de la dominance de la psychologie des foules, que les fonctions qui lient la réaction des banques aux différents facteurs soient discrètes plutôt que continues.

Si l’on prenait, pour l’illustrer, la réaction du secteur (mesurée, peut-être, par la variation des crédits) nous aurions un graphique qui ressemblerait à celui-ci :

Graphique 24 : Variation des crédits et variation du taux d’intérêt
Graphique 24 : Variation des crédits et variation du taux d’intérêt

Une faible variation tend à être absorbée par l’élasticité du secteur bancaire, une variation moyennement forte sera exagérée et une très forte variation sera partiellement dispersée par le secteur.

Pour être complet, nous devrions ajouter une autre dimension : celle du temps. Après un certain temps de latence, la variation d’intérêt exogène (décidée par la Banque Centrale) produit (si la réaction initiale n’a pas modifié les conditions mêmes du marché et que toutes choses sont restées égales à elles-mêmes) les effets normaux dans la mesure où la réaction a été elle-même amortie.

Ce phénomène justifie probablement la politique monétaire menée ces dernières années par la Réserve fédérale américaine (Fed) qui se caractérise par l’annonce du biais de ses prochaines interventions et l’intensité moyenne des mesures (une variation de 2 % sur une année n’est plus inhabituelle). Le secteur « surréagit » donc systématiquement aux décisions de la Fed (on serait donc toujours dans la partie moyenne supérieure du graphe) ce qui permet à la Fed d’éviter l’usure de ses interventions puisque le secteur bancaire, d’une certaine façon, l’assiste.