Risque de crédit et risque de passif

Il y a une certaine analogie entre les types de risques que nous envisageons et le risque systémique115. Ce n’est, en effet, pas le risque qu’un client individuel fasse défaut ou qu’un déposant retire son argent ; mais celui qu’un certain nombre de clients ne puissent honorer leurs engagements ou que plusieurs déposants retirent leurs avoirs, de sorte que la banque serait dans l’incapacité de s’acquitter de ses obligations. S’il est vrai qu’un seul client peut entraîner la faillite d’une banque, les règles de division de risques116 et des politiques bancaires presque systématiquement appliquées, font que les banques ont une faible concentration tant dans leur actif que dans leur passif. Cette observation est toutefois sujette à la possibilité de l’existence d’un débiteur dominant, généralement l’État.

Le risque de passif ou de liquidité a longtemps été négligé, mais il devient un risque majeur dans la gestion des banques. Par exemple les déboires de Long Term Capital Management 117 ont été en grande partie le résultat d’une gestion trop confiante – voire arrogante – de la liquidité. Aujourd’hui toutes les banques effectuent un Assets Liabilities Management (ALM) comprenant à la fois les actifs et passifs, bilan et hors bilan. Dans le cas des banques des PED, cette gestion est rendue plus difficile par la fragilité du prêteur en dernier ressort (PDR) et la volatilité des dépôts des épargnants.

Le risque de crédit peut se décomposer en deux catégories : celui où la banque réalise une perte sur son portefeuille d’actifs, de telle sorte qu’elle ne dispose plus de fonds propres suffisants pour soutenir son activité ; et celui où des clients débiteurs ne disposent pas de la liquidité pour payer leurs engagements aux échéances convenues. Dans le deuxième cas, la banque est confrontée à une crise de liquidité similaire à celle encourue dans le risque de passif, et d’ailleurs généralement concomitante. La distinction peut paraître théorique, car tout est quasiment simultané. Les débiteurs ne paient pas, les déposants retirent leurs avoirs, les actifs n’ont plus de valeur. Mais nous pensons que la séquence est différente suivant la cause première : si elle est monétaire ou liée à un renversement d’anticipations, c’est la disparition de la liquidité qui entraînera ensuite une réduction de la valeur ; si elle est réelle, c’est la diminution de valeur qui provoquera des transferts de liquidité. Il pourra donc y avoir une crise dont l’origine sera une diminution de la quantité de monnaie – c’est la crise la plus habituelle, celle qui est provoquée par un changement de rating, une incertitude politique ou une crise dans un pays ayant une configuration similaire – et il y a des crises dont la source est un changement de la valeur des actifs nationaux – par exemple, une variation du prix international du principal produit exporté.

Notes
115.

. Une littérature abondante a été consacrée aux crises financières. On peut citer dans deux registres différents : Sgard (2002), et Mandelbrot et Hudson (2005).

116.

. En général, les autorités de tutelle exigent qu’une banque ne prête pas plus d’un cinquième de ses fonds propres à un seul débiteur.

117.

. Voir par exemple Lowenstein (2001) ou Dunbar (2001).