Une version élargie du multiplicateur de crédit

Nous savons tous que les CB ont une tendance – fâcheuse selon certains – à se multiplier : ils seraient ainsi bien plus importants que l’épargne initiale qui leur servirait de base. Ce mécanisme, appelé multiplicateur de crédit, fonctionne de la façon suivante : lorsqu’une banque prête un montant, il revient sous forme de dépôt dans le système bancaire, prêt à resservir pour un nouveau placement ; le nouveau placement à son tour revient sous forme de dépôt et ainsi de suite – la seule limite à ce « miracle » étant les fuites du système – il s’agit du fameux « credits make deposits ».

Or, les CI sans aucun multiplicateur – recensé – représentent tout de même deux fois les CB. Comment l’expliquer ?

La seule réponse plausible est que, comme pour les CB, il existe un multiplicateur de CI !

Partons d’une situation de départ dans laquelle un fournisseur a vendu à un client, à crédit, une marchandise pour un montant de 100 euros. Si son client vend simultanément à un autre client, à crédit, pour le même montant, le total des crédits se sera accru de 200 euros ; et chaque transaction supplémentaire conduira à une augmentation identique.

Dans cet exemple, le multiplicateur aura été fonction de la longueur du circuit : il est égal au nombre d’intervenants moins un.

Comme on peut aussi le voir, le CI s’est créé indépendamment du système bancaire, de l’intervention de la Banque centrale et même de tout échange de monnaie.

Plusieurs facteurs peuvent gonfler le volume global. On a vu que la longueur du circuit en était l’un d’eux, les délais de paiement en sont un autre, l’augmentation du chiffre d’affaires est sans doute le plus déterminant d’entre eux et, comme pour le CB, il peut y avoir des fuites, des variations conjoncturelles et du rationnement.

Mais allons plus loin : considérons non pas du crédit mais de l’investissement ; imaginons que l’entreprise A participe pour 100 euros à une augmentation de capital de l’entreprise B, que celle-ci participe à une augmentation de capital de l’entreprise C qui, elle-même, contribue dans A pour 100 euros. Les fonds propres des trois entreprises auront augmenté de 300 euros, sans aucun apport extérieur. La mécanique est, en tous points, similaire au multiplicateur de crédits, excepté le fait qu’elle est moins fréquente. D’ailleurs, on peut aussi concevoir un mélange de la multiplication de crédit bancaire, de crédit interentreprises et de capitalisation. Dans le cas précédent, le secteur bancaire prêterait le montant initial, il serait investi dans le capital de la société A, qui le prêterait à son client, qui le replacerait dans sa banque, qui le prêterait à nouveau, qui serait investi, etc.

En réalité, l’investissement en capital, le CB, le CI sont tous multipliables, ils sont tous des participations à un projet, ils diffèrent simplement par la répartition des profits et du risque127.

Tant que la confiance règne, ils peuvent se bâtir les uns sur les autres, chaque intervenant libérant l’intervenant précédent d’une partie du risque, lui créant un nouveau risque et prenant lui-même une part du risque précédent. Mais si le risque augmente brutalement, le réajustement peut, à court terme, mettre à mal le tissu économique et, à long terme, compromettre durablement les ressources de confiance de l’économie.

Notes
127.

. Compte tenu de l’importance, pour un prêteur, de connaître l’ordre de priorité des différents investisseurs et créanciers, les entreprises devraient établir un état des dettes par ordre de subordination : d’abord les créanciers superprivilégiés, ensuite les créanciers nantis, ensuite les chirographaires, puis les obligataires et finalement les actionnaires.