L’existence d’un lien de subordination

Nous avons jusqu’ici supposé une équivalence entre les deux types de crédit. Et de fait, ces crédits sont souvent en concurrence : les débiteurs essayant de réduire le CB au profit du CI, le CI jouant parfois le rôle d’amortisseur lorsque le CB est arbitrairement réduit ; d’autre part, les CI ont un mode de génération similaire à celui des CB, et aussi efficient. On peut constater aussi la bien plus grande endogénéité du CI (lié au chiffre d’affaires, à l’activité et à la longueur du circuit). Il est probablement plus stable à cause d’un plus grand nombre de concurrents. Un emprunteur, surtout dans un pays émergent, n’a le choix qu’entre un petit nombre de banques – et celles-ci ne sont pas toutes également intéressées, n’ayant pas toutes eu une relation commerciale précédente avec l’emprunteur. À l’inverse, les créanciers non bancaires sont beaucoup plus nombreux ; il y a moins l’exclusivité de la relation ; et le crédit est plus court. Une image appropriée pour se figurer le marché du crédit et comparer les deux types de créanciers est celle d’une masse de petits prêteurs, craintifs, collectivement très stables, offrant une grande proportion de crédits et, émergeant parmi eux, quelques très grands prêteurs distribuant de façon beaucoup plus ciblée.

D’un autre côté, il existe deux différences fondamentales qui nous incitent à croire que le CI est subordonné au CB136.

- Le prix du crédit est l’œuvre des banques (banques centrales incluses). C’est au sein du secteur bancaire, en coordination ou sous la direction des autorités monétaires, que se crée le taux d’intérêt. Celui qui est affiché par les banques est le prix implicite qu’utilisent les autres agents économiques pour prendre leurs décisions, et, clairement, sa variation conduira les entreprises à modifier leurs comportements de prêt (et aussi ceux relatifs à l’investissement).

- Il nous semble également que les variations de la liquidité globale émanent d’abord du secteur bancaire et se propagent ensuite au reste de l’économie. Ainsi, lorsque les banques réclament le remboursement de leurs avances, les entreprises font pression sur leurs clients pour qu’ils remboursent plus vite et sur leurs fournisseurs pour qu’ils allongent les délais. Cette transmission se passerait avec un certain décalage. Si la crise est de courte durée, les CI contribuent à en amortir les effets, mais si elle dure, ils l’accentuent et la prolongent.

Notes
136.

Stiglitz et Grennwald (2005) présentent un modèle de l’équilibre général du crédit dans lequel une banque est au centre d’un chaînage du crédit faisant intervenir clients et fournisseurs, p. 127 sq. « Le chaînage du crédit amplifie ce qui autrement n’aurait été qu’une difficulté locale et un accident atteint l’ensemble de l’économie dans son équilibre général », p. 131. « Ensuite une bonne partie du crédit dans l’économie est octroyée par les firmes et non par les banques. Notre analyse a montré combien les décisions d’offre de crédit par les banques et par les firmes étaient liées », p. 138. Il apparaît donc que, pour les auteurs, banques et entreprises forment un circuit complet du crédit qui est déterminant dans l’équilibre général.